Mieux connaître ses végétations en pâturage
Les végétations qui nourrissent des ruminants sont par nature hétérogènes et diversifiées. Pour mieux les comprendre et les apprécier, l'estimation de leur quantité et de leur qualité nutritive en période de pousse ne suffit pas. Celle-ci doit être enrichie par l’accumulation de la biomasse au cours du temps, en se focalisant sur ce qui va pouvoir être prélevé par les troupeaux à tel ou tel moment de l’année. Une attention doit aussi être portée sur la survie et la reproduction des plantes, afin d'anticiper le renouvellement de la disponibilité alimentaire à moyen et long terme.
Les végétations hétérogènes et diversifiées sont souvent jugées négativement sur la base d'un nombre limité de caractéristiques. Pourtant, elles offrent des avantages pour construire des systèmes d’alimentation, basés sur le pâturage à chacune des saisons de l’année.
Les végétations sont vivantes et il est bon de reconnaître leurs dynamiques. Cela permet de diversifier ses objectifs, de mieux choisir ses pratiques et d’évaluer les résultats obtenus sans les comparer avec des végétations semées.
La valorisation de chaque parcelle est singulière. Elle se construit par des pratiques adaptées qui organisent la rencontre entre la végétation et le troupeau. Une des clefs de la réussite est donc de bien savoir caractériser ses végétations en enrichissant la liste des
caractéristiques pour les définir avec précision et en les observant pour comprendre les dynamiques.
Mieux connaître ses végétations permet de :
- Valoriser au mieux les végétations hétérogènes et diversifiées.
- S'appuyer sur le caractère vivant des végétations.
- Savoir définir ses propres objectifs et décider à l’avance et chaque jour des pratiques pour les atteindre.
Caractériser, ça veut dire quoi ?
La caractérisation est une évaluation de l’état actuel du fonctionnement des végétations. Elle ne pourra être transformée en un jugement de valeur qu’en la mettant en regard avec les objectifs poursuivis. Nous proposons ici une liste de caractéristiques intéressantes à pointer sur les végétations en vue de diversifier les types de disponibilités alimentaires qu'elles peuvent offrir.
Ces caractéristiques sont regroupées en trois grandes catégories :
- La disponibilité alimentaire : elle permet d’enrichir son regard porté sur la quantité et la nature de la biomasse qui s'accumule au cours du temps, au-delà des périodes de pousse des plantes.
- Les qualités alimentaires : elles varient avec le développement des plantes.
- La survie, la mortalité et la reproduction des plantes : elle permettent d'anticiper le renouvellement ou non des caractéristiques précédentes à moyen et long terme.
La disponibilité alimentaire d'un couvert végétal
La végétation disponible, c’est la croissance verte des plantes qui s’accumule avec le temps, et qui va évoluer avec plus ou moins de rapidité (couleur verte à jaune), pour finalement entrer en dégradation (couleur grise à marron). Une plante pousse à partir du moment où l’on voit apparaître et se développer des feuilles ou des tiges nouvelles chaque jour. Même si la végétation est en arrêt de croissance, il existe de la disponibilité alimentaire : biomasse sur pied qui reste plus ou moins longtemps.
Des possibilités de pilotage par les pratiques
Les pratiques vont agir directement sur les facteurs propres à la végétation : le cycle de développement des plantes au fil des saisons, l'accumulation des réserves des plantes et la diversité du cortège végétal. Elles vont également pouvoir influencer les facteurs de milieu et microclimat (fertilité et vie du sol, humidité, température et lumière au niveau du sol). Par contre elles ne peuvent pas agir sur le climat local. Elles doivent donc prévoir les incertitudes et les variabilités saisonnières.
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La spécificité des milieux humides : l'eau
Les milieux humides ont la particularité de présenter un contexte pédoclimatique différent du fait de la présence de l’eau. Ceci modifie
donc à la fois la saisonnalité de pousse de la végétation et les périodes d’accessibilité (portance, inondation…). Pour valoriser ou maîtriser la végétation, il est nécessaire de bien s'interroger sur l'adaptation des pratiques aux différentes périodes.
Les qualités alimentaires d'un couvert végétal
S’intéresser aux qualités alimentaires de la végétation disponible, c’est s’intéresser à la ration que les animaux vont choisir d'ingérer à un moment donné. Les qualités sont déterminées par les différents nutriments présents dans les plantes (sucres solubles ou amidon, fibre, azote, etc.) et par l’appétence vis-à-vis des animaux. Ces qualités peuvent varier fortement au cours de l’année.
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Des possibilités de pilotage par les pratiques
Les qualités alimentaires d'un couvert végétal évoluent dans le temps en fonction des stades phénologiques des plantes et de la diversité botanique au sein de la parcelle (stratégies de pousse différentes selon les espèces).
Les pratiques vont agir sur eux et modifier ainsi les qualités alimentaires de la végétation. Au-delà du changement d'apport nutritionnel, elles vont orienter la capacité et la motivation des animaux à prélever et à digérer les différentes composantes de la végétation à un moment donné. Les facteurs pédoclimatiques auront aussi un impact sur les qualités alimentaires d'une façon plus ou moins directe. Par exemple, le climat influence la rapidité de développement des plantes, les conditions d'humidité du sol sélectionnent un type de flore.
Analyse de la valeur nutritive
L'analyse de la valeur nutritive nous informe des propriétés chimiques du fourrage analysé (composition en cellulose, en azote, en sucres solubles…) à un instant T. Mais, elle ne renseigne pas sur les performances que l'on peut attendre de ce dernier, vu qu'on ne sait pas s'il va être ingéré par les animaux. Certaines plantes avec de bonnes valeurs fourragères (par exemple le Jonc : 0,85 UFL, la Glycérie flottante : 0,9 UFL lors de leur pousse printanière) sont souvent refusées, et pourtant parfois elles sont consommées. A l'inverse, d'autres, aux valeurs fourragères inférieures sont souvent consommées ou parfois refusées. Ça dépend…
L'explication de cette observation ne se trouve pas dans les tables de valeur nutritive mais bien dans la compréhension de la relation animal-végétation que l'éleveur construit en grande partie par ses pratiques d'élevage et de pâturage (éducation alimentaire, stimulation de l'appétit, délimitation de parc, etc.).
La survie, la reproduction et la mortalité des plantes
Le renouvellement de la végétation correspond à la capacité des différentes plantes à survivre et à se reproduire spontanément. La végétation est composée de populations d’espèces et d’âges variés. Le renouvellement se fait par semis ou par voie végétative. La mortalité des plantes dépend beaucoup des classes d’âges. Les stades jeunes sont les plus fragiles, les individus trop âgés finissent toujours par disparaître.
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Des possibilités de pilotage par les pratiques
Les pratiques vont agir directement sur la survie des plantes en leur laissant plus ou moins le temps de faire de la photosynthèse et donc de reconstituer leurs réserves énergétiques. Elles vont également modifier la compétition à la lumière entre espèces. Et elles vont agir à plus long terme en impactant la reproduction par graine ou par voie végétative. La survie des plantules est notamment très fragile la première année. Enfin, elles vont agir dans le temps en renouvelant plus ou moins la fertilité du sol. En effet, les facteurs de milieu et climatiques, qu'ils soient modifiés par les pratiques ou non, ont aussi une influence qu'il est important de considérer.
Cas des ligneux
Les espèces ligneuses (arbustives et/ou arborées) offrent d'autres strates végétales que les couverts herbacés. Il est nécessaire de ne pas les oublier dans la caractérisation de la végétation d'une parcelle. Car, leur présence influe directement et indirectement sur la disponibilité et les qualités alimentaires. La plupart d'entre elles disposent même d'une productivité importante et d'une excellente capacité de maintien sur pied. Malgré un nom controversé, "ligneux", leur feuillage verdoyant et leurs jeunes tiges au cours des périodes estivales leur procurent une composition nutritive intéressante (teneur en azote, fibres digestibles...). Rien à voir avec de la lignine non digestible. De plus, la caractérisation de leur dynamique (expansion, stabilisation ou régression) est primordiale pour orienter le prélèvement des animaux selon l'objectif poursuivi.
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Sources
SCOPELA, avec la contribution des éleveurs. Fiche technique du réseau Pâtur’Ajuste : Mieux connaître ses végétations. Avril 2021. Disponible sur : https://www.paturajuste.fr/parlons-technique/ressource/ressources-generiques/mieux-connaitre-ses-vegetations