Les refus au pâturage
Dans le langage courant, en élevage, un refus est une partie de la végétation disponible qui n’est pas consommée par le troupeau.
On parle de refus avec des sous-entendus un peu négatifs, on suggère les difficultés qu'on a, ou qu'on va avoir avec les refus.
En enrichissant cette définition et en s’autorisant à porter un regard plus positif, on peut dépasser les inconvénients des refus, et envisager des techniques pour les valoriser ou les maîtriser sans faire appel systématiquement à leur élimination mécanique ou autre.
Souvent, ce refus sera un aliment pour plus tard ou pour d’autres animaux.
Quand ce refus est prévu pour être pâturé plus tard, on parle de report volontaire, pas de refus subi.
Quand ce refus n’est pas prévu, on constate que la végétation devient hétérogène. Il arrive qu’on décide d’intervenir dessus mécaniquement car certains refus s'étendent et font craindre des dérives de flore. Mais il peut être intéressant de faire évoluer ses techniques pour réussir à faire consommer ces plantes au troupeau.
Préciser la nature des refus
En tirant profit des multiples contextes climatiques, des différentes espèces animales et de la diversité des systèmes d'élevage, il est possible de nuancer et préciser les situations auxquelles les éleveurs sont confrontés au sujet des refus au pâturage.
Les plantes non consommables
Les plantes non consommables ne sont pas des refus. C’est le cas du bois, ou de certaines plantes très toxiques comme le Buis, la Fougère aigle, les euphorbes, etc., qui ne sont pratiquement pas mangées par les troupeaux, quelles que soient les saisons. Il vaut mieux ne pas les considérer comme des refus, car aucune technique ni aucun troupeau ne permettront de les consommer. Attention, beaucoup de plantes sont considérées à tort comme "non consommables", alors qu’elles le sont potentiellement (ronce, genêt, herbes grossières, etc.). On peut vérifier si ces plantes sont consommées à d’autres saisons, par d’autres lots sur la ferme, ou chez d’autres éleveurs…
Les refus sont consommables, mais non consommés !
Quand on arrive à faire pâturer seulement une partie des plantes consommables, il y a des refus : le niveau de prélèvement réalisé par les animaux à un moment donné ou sur une partie de la parcelle est moins important que ce qui était prévu.
Des refus programmés volontairement
Dans ce cas le pâturage est conduit volontairement de façon à ne pas consommer une partie du fourrage disponible. Ces refus seront donnés à pâturer plus tard dans l’année ou l’année suivante. On parle alors de report sur pied car l’éleveur vise délibérément leur
consommation ultérieurement.
Évaluer les conséquences des refus laissés dans une parcelle
En fonction des objectifs
On constate la présence de refus. Faut-il s’inquiéter ? Faut-il les éliminer ? Comment évaluer si c’est un problème ou pas ? L’impression de subir des refus doit avant tout nous amener à nous interroger sur la réussite, ou la révision de nos objectifs. Les refus posent problème quand ils révèlent qu’on n’a pas atteint nos objectifs.
Exemple : " On voulait faire manger le parc et on n’a pas réussi à le faire complètement. On sort les animaux du parc en se disant : Tiens, je vais transformer ce refus en report sur pied pour plus tard. "
Conséquences prévisibles pour l’utilisation suivante
Au printemps, la relance de la croissance peut être diminuée. Les zones non consommées dans l’herbe vont poursuivre leur maturation
spontanée. Le renouvellement des feuilles ne sera pas assuré. C’est un problème si l’objectif est d’avoir une relance franche et massive de la croissance feuillue. Ce n’est pas un problème si la prochaine utilisation s’accommode de cette maturation partielle de la parcelle
Les mélanges vert/pailleux ont une réelle valeur alimentaire. L’appétence et la valeur alimentaire de cette nouvelle végétation sera
forte tant qu’on conserve un équilibre entre le "fin" et le "grossier". Elle dépend également du comportement des animaux et de leur motivation à consommer ce mélange.
Conséquences prévisibles pour la végétation
- Distinguer des refus qui ne font pas évoluer la végétation et ceux qui ont tendance à s’étendre. Les plantes refusées ont le temps de mettre en réserve, de grainer et les repousses sont précoces et vigoureuses… Mais leur dispersion n’est pas systématique, car on peut stabiliser la végétation par des pratiques qui vont agir sur la mortalité des jeunes semis ou limiter la reproduction végétative (rejets, stolons, marcottage…).
- S’appuyer sur les refus pour modifier le milieu. Les refus peuvent structurer le milieu, créer des abris, augmenter la fertilité du sol, maintenir de la fraicheur. Indirectement, ils créent une ressource alimentaire différente, décalée par rapport au reste de la parcelle. Ils apportent de la souplesse.
Faire propre, partout et tout le temps ?
Résister à la demande ou à son envie de "tenir propre", c’est difficile ! Il faut preuve d’autocritique et de pédagogie sur l’intérêt agronomique que peuvent présenter les refus et les milieux hétérogènes. Sur le fond, il est important de savoir expliquer ses objectifs agricoles et environnementaux et les difficultés que l’on cherche à dépasser en acceptant des refus dans une parcelle (éviter
les rejets vigoureux ou les dégradations suite au broyage, au feu, etc.), tout en ayant en tête les d’ajustements de pratiques pour rester maître de l’évolution de la végétation.
Adapter sa conduite pour éviter les refus
Si les refus sont problématiques, comment moins en subir les effets ? A chaque fois qu'on voit des raison, on peut actionner différentes pratiques pour mieux faire correspondre le disponible et le prélevé. L’enrichissement de la conduite technique permet d’inventer de nombreuses solutions, car le refus n’est pas déterminé par les plantes, c’est l’usage des plantes qui crée des refus !
Augmenter le chargement instantané
La densité d’animaux à l’hectare influe très fortement sur l’expression des préférences alimentaires. Les faibles chargements permettent d’obtenir une consommation en peau de léopard. Les forts chargements permettent d’obtenir une consommation très homogène.
Cibler un stade auquel les plantes refusées sont plus appétentes en mélange avec les autres.
Retarder l’utilisation peut permettre de faire consommer certaines plantes qui redeviennent appétentes lorsque l’herbe est moins verte. A l’inverse, avancer l’utilisation peut permettre de faire consommer les stades jeunes pour les plantes précoces ou qui sont riches en toxines.
Modifier le critère de sortie de parc
Les troupeaux ont souvent tendance à réclamer un changement de parc de plus en plus tôt. Si l’éleveur ne résiste pas un peu, il devient impossible de finir un parc comme on le souhaite. Il peut donc être important de reprendre la main en "négociant" de façon ferme avec le troupeau le niveau de prélèvement.
Repositionner la pierre à sel, le point d’eau…
L’eau et le sel constituent des points de focalisation important, autour desquels la hiérarchie sociale du troupeau s’exprime.
Ils génèrent donc des comportements alimentaires particuliers. On peut obtenir des prélèvements très forts sur les broussailles par exemple en plaçant une pierre à sel dans un massif dense.
Jouer sur la nature des aliments et le moment de distribution.
Il y a toujours des interactions très fortes entre ce qui est distribué (foin, concentré, céréales) et ce que le troupeau va prélever au pâturage. Pour limiter certains refus, on peut ajuster la quantité distribuée, privilégier des apports azotés pour inciter à consommer des plantes fibreuses, ou changer l’heure de distribution (avant ou après la pâture).
Changer le périmètre de parc pour motiver les animaux à valoriser la diversité.
Les ruminants ont une tendance naturelle à associer des plantes très variées (équilibre azote/fibre, grosses et petites bouchées, automédication par les plantes, diversification des minéraux, etc.). En redéfinissant le contour d'un parc, ou l'ordre dans un circuit de garde, on peut faire consommer une plante qui était refusée auparavant.
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Sources :
SCOPELA, avec la contribution des éleveurs. Fiche technique du réseau Pâtur’Ajuste : Les refus au pâturage. Avril 2017. Disponible sur : https://www.paturajuste.fr/parlons-technique/ressource/ressources-generiques/les-refus-au-paturage