Couverts végétaux
Couverts végétaux, couverts permanents, semi-direct, CIMS, CIPAN, érosion, fertilité des sols, interculture.
En agriculture le terme "couvert végétal", au sens large, a longtemps désigné un "ensemble de végétaux recouvrant le sol de manière permanente ou temporaire, et dont l'objectif agronomique principal est de protéger le sol de l'érosion par le vent et les précipitations"[1].
Avec l'évolution des connaissances et la massification des pratiques agricoles on accorde aujourd'hui un ensemble d'avantages bien plus multiples aux couverts végétaux. La nature de ceux-ci peut varier selon divers facteurs, comme l'orientation technico-économique de l'exploitation, ses itinéraires techniques et spécificités pédoclimatiques, ou encore les objectifs de l'agriculteur et le matériel à sa disposition.
Retrouvez dans cette page un ensemble de pratiques et savoirs agricoles qui concernent les couverts végétaux, de la réflexion à la destruction, dans toute sa diversité (d'usage et de production), ainsi, qu'en bas de page, tous les articles en lien avec cette thématique, que vous pourrez trouver sur la plateforme !
Grands principes
Familles végétales
Sauf exceptions (qui seront abordées plus bas), les couverts sont le plus souvent composés de trois familles végétales :
Poacées (anciennement Graminées) | Brassicacées (Crucifères) | Fabacées (Légumineuses) |
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Exemples : Dactyle, Ray-grass, Moha, seigle, avoine etc. | Exemples : Colza fourrager, moutarde, radis fourrager, cameline, chou fourrager, navets etc. | Exemples : Pois, vesce, luzerne, féverole, lupin etc. |
Particularités :
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Particularités :
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Particularités :
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Implantation et catégories
Les couverts végétaux sont également classifiés selon leur type d'implantation, on distingue en effet :
- Les couverts temporaires : comme leur nom l'indique, ils occupent le sol d'une parcelle agricole durant une intervalle succincte de la campagne. Celle-ci peut être en cours de culture (la culture principale est superposée au couvert), ou bien en période d'interculture (le couvert est implanté puis détruit dans le labs de temps qui sépare deux cultures principales).
- Les couverts permanents : par opposition ces couverts ont vocation à occuper le sol durant une à plusieurs campagnes agricoles.
Les différents objectifs des couverts
Les principaux intérêts
Structure du sol et érosion
Si l'usage des couverts végétaux s'est diversifié, leur fonction primaire n'en demeure pas moins valable et importante : offrir une protection contre l'érosion ainsi que la battance à la surface sol. La différence entre la formation annuelle des sols et l’érosion naturelle est en moyenne inférieure à 0,2 mm par an[2]. Il faut donc au minimum 50 ans pour créer 1 cm de sol. Au contraire, un sol non couvert peut s’éroder de plus de 1 mm par an, entraînant une forte baisse de fertilité du sol.
les couverts entravent ainsi la fuite vers le milieu de certains éléments via le ruissellement, le lessivage, ou la volatilisation ; et maintiennent l'humidité des premiers horizons puisque l’humus a un pouvoir de rétention de l’eau de 5 à 6 fois son poids.
De manière générale, un couvert végétal contribue également à la fertilité du sol en stockant le carbone atmosphérique, grâce à l'action photosynthétique des plantes qui le composent. Plus tard, lorsqu'il est (au moins partiellement) restitué, il constitue un apport en humus et permet d'augmenter la teneur en matière organique du sol[3].
Lorsqu'il est composé de végétaux dont le système racinaire est "fasciculé" ou "pivotant" il peut également avoir une action sur la structure du sol : respectivement l'augmentation de la microporosité, et la décompaction.
Engrais verts
On parle d'engrais vert lorsque les couverts sont sélectionnés précisément dans le but d'amender le sol ou de fertiliser la culture de vente suivante. Ces couverts, qui comprennent généralement des légumineuses fixatrices d'azote atmosphérique, sont le plus souvent restitués au sol lors de leur destruction[4].
Biodiversité
De manière plus secondaire, les couverts végétaux peuvent participer au maintien de la biodiversité. Ils contribuent à la diversification spatiale et temporelle de l'assolement, à l'hétérogénéité des habitats, et dans une moindre mesure à la continuité écologique entre les milieux. Ils constituent donc un refuge et une source de nourriture pour les populations de nombreuses espèces animales, et microbiennes (avec l'accumulation de matière organique), ainsi que végétales. De fait, la composition d'un couvert est parfois selectionnée pour attirer certains auxiliaires ou encore pour son intérêt de production mellifère.
Couverts valorisables
Par opposition aux précédents objectifs présentés, certains couverts végétaux répondent plus directement à un objectif de production : on parle alors de cultures dérobées ou doubles cultures. Le plus souvent implantés en interculture, ils peuvent permettre de produire de la biomasse fourragère (ex : couverts pâturés) où a vocation énergétique (Cultures Intermédiaires à Valorisation Énergétique : CIVE), mais aussi une production grainière pour les intercultures plus longues.
Les intérêts des couverts en interculture
CIMS
En interculture, les couverts végétaux ont pour principal objectifs de couvrir le sol entre les cycles de cultures de vente, ainsi que de fournir divers services évoqués plus haut pendant cette période (protection contre l'érosion, stockage du carbone, effet sur la structure du sol, effet engrais vert, refuge de biodiversité ...). Lorsqu'ils permettent de rendre plusieurs de ces services écosystémiques, on les désigne par l'acronyme CIMS, signifiant Cultures intermédiaires Multi services.
CIPAN
Parmi les CIMS, on retrouve une catégorie de couverts particulièrement répandus : Les Cultures Intermédiaires Pièges à Nitrate (CIPAN). Ils répondent à un objectif précis : puiser les éléments minéraux du sol en période automnale (lorsque la minéralisation atteint son pic) pour éviter leur fuite vers les eaux sous-terraines (lixiviation). Ils sont ensuite restitués au sol au moment du semis de la culture suivante, afin que celle-ci bénéficie de ces éléments qui auraient été "perdus". Dans certaines zones à fort enjeu de vulnérabilité (ZVN), cette pratique est rendue obligatoire notamment par la directive nitrates.
Couverts étouffants
Un autre service rendu par les couverts d'interculture est la lutte contre les adventices. En effet, l'introduction d'espèces étouffantes dans ces derniers permet de fortement concurrencer le développement des adventices au moment où la parcelle est la plus sensible. La compétition pour les ressources (lumière en surface, eau et nutriments dans le sol) permet de réduire la biomasse des adventices et la production de semences (ce qui évite d'alimenter le stock de semences du sol et de futures levées). Certaines espèces réduisent aussi la levée d'adventices grâce à des effets allélopathiques (seigle, sarrasin...).
Cycle des ravageurs, allélopathie et biofumigation
De la même manière, certaines espèces présentent des caractéristiques qui permettent de mitiger les risques de dégâts par l'installation de ravageurs ou maladies durant l'intercultures. C'est le cas des espèces biofumigantes ou à effets allélopathiques. L'intérêt recherché est ici d'intégrer ces espèces dans le couvert, afin que les composés toxiques qu'elles produisent permettent d'assainir le sol lors de la restitution du couvert. De plus, la diversification de la succession culturale permet de rompre le cycle de nombreux bioagresseurs.
Les intérêts des couverts en cours de culture
Les bénéfices agronomiques attribuables aux couverts végétaux ci-dessus sont, à plus forte raison, valables pour des couverts de périodicité plus longue. C'est un paramètre important dans de nombreux systèmes agricoles où les couverts sont associés aux cultures de vente, c'est notamment le cas pour les :
Cultures pérennes
Les cultures pérennes comme la vigne ou les vergers, pour lesquels certains itinéraires techniques intègrent des couverts végétaux sur les rangs ou en inter-rang pour une durée variée (cf. section "Les couverts filière par filière").
Couverts permanents et semis direct
Pour les cultures annuelles il existe néanmoins un ensemble de pratiques, empruntées à l'agriculture de conservation, où la couverture végétale du sol est permanente ou quasi permanente. On considère par ailleurs que les bénéfices listés plus hauts sont multipliés lorsque le couvert demeure intact plus longtemps, et si le sol est moins travaillé[5] : le maintien d’un couvert vivant sur une période de 6 à 8 mois lors de l’interculture pourrait permettre la séquestration de 126 kg de C/ha/an [6]. Dans les formes les plus avancées de ces itinéraires techniques, les cultures de ventes sont semées directement à travers le couvert, on parle alors de semis direct sous couvert végétal (vivant).
Mise en place des couverts
La composition et les techniques de semis des couverts végétaux dépendent de leur natures : permanents et temporaires, ainsi qui de leurs objectifs parmi ceux énoncés ci-dessus.
Pour choisir et composer un couvert végétal (guide), il faut prendre en compte de nombreux aspects et notamment de la succession culturale, qui détermine les types de cultures précédent et suivant le couvert et sa date d'implantation. On peut aussi considérer la réglementation, et les objectifs secondaires (valorisation, biodiversité, engrais verts ...). La composition du couvert peut également être choisie selon les limites du parc matériel de l'exploitation.
Les semis de couverts végétaux (guide), peuvent être effectués à divers stades de précocité et avec différents matériels : on peut par exemple envisager un semis à la volée, suivi d'un déchaumage ou passage d'un rouleau afin d'augmenter le contact graine - sol. Ou encore un semis sous la coupe, voire un semis direct dans les chaumes de la culture précédente pour les semis précoces.
Destruction des couverts
Outre l'action chimique, il existe plusieurs solutions pour détruire un couvert végétal. Cette section présente un tour d'horizon des techniques existantes, sans distinction de filière. Pour vous obtenir des renseignements plus technique sur le choix de ceux-ci, veuillez consulter notre guide dédié : Détruire un couvert végétal (guide).
Solutions mécaniques
Il est possible de détruire mécaniquement un peuplement végétal avec des outils travaillant le sol avec plus ou moins de profondeur. Par ordre décroissant on retrouve donc le labour, le déchaumage, le broyage, et le roulage.
Solution biotiques
Les solutions biotiques pour la destruction du couvert végétal sont assez restreintes, et parfois insuffisantes pour obtenir une destruction complète. On note cependant la destruction par le gel, et par le pâturage qui permettent au moins une forte réduction de la biomasse du couvert pour une astreinte et des charges faibles.
Autres solutions
Hormis celles évoquées plus haut, on peut nommer d'autres solutions (moins courantes) pour la destruction des couverts végétaux. C'est le cas des désherbages thermique, électrique, ou bien par solarisation pour les cultures légumières sous serre.
Garder le couvert vivant et le réguler
Il est possible de ne pas détruire le couvert mais de le réguler pendant que la culture de vente est en place. On appelle cela un couvert permanent. Cela permet d'avoir un sol couvert directement après la récolte de la culture et d'éviter que le sol soi nu. Au moment d'implanter la culture suivante, une régulation du couvert sera nécessaire pour qu'il évite de prendre le dessus sur celle-ci.
La méthode MERCI pour quantifier les apports du couvert
Une bonne manière de quantifier le "retour sur investissement" d'un couvert est de : couper au ras du sol le couvert plusieurs fois sur un demi m², de peser les plantes récoltées espèce par espèce, et de mettre le résultat dans le MERCI (gratuit), qui vous calcule les éléments minéraux mobilisés, ainsi que le carbone humifié.
Inconvénients et coût des couverts
Inconvénients
- Les couverts sont un nouveau système de culture qu'il faut apprendre à connaître.
- Ils peuvent entraîner un coût supplémentaire si la semence est chère ou si l'on augmente les passages pour le travail du sol.
- Une technicité importante est nécessaire pour obtenir certains résultats recherchés : plus de rendement et moins de charge. Ceci demande donc du temps.
- De nouveaux outils sont parfois très utiles pour réaliser ces nouveaux itinéraires techniques (semoir avec disques ouvreurs, chasses mottes rotatifs, semoir de semis direct...). Ces outils ne sont pas forcément disponibles.
- Ils sont plus faciles à implanter et à détruire en système de semis direct. Or, les semis direct sont actuellement peu développés. Le couvert végétal est ainsi une technique prometteuse, mais qui demande encore beaucoup de mises au point pour une efficacité optimale.
Coût d'un couvert
Préparation
- Labour : 42 €/ha
- Roulage : 12 €/ha
- Déchaumage : 16 €/ha
Semis
- Semis (semoir céréale) : 21 €/ha
- Semis combiné : 39 €/ha
- Semis à la volée : 10 €/ha
- Semis (semoir TCS) : 32 €/ha
Destruction
- Broyage : 28 €/ha
- Passage pulvérisateur + glyphosate : 20 €/ha
Exemple d'itinéraire technique
- 2 déchaumages + semoir céréales + broyage = 81 €/ha
- Semis direct + broyage = 52 €/ha
Les couverts végétaux filière par filière
Vous trouverez dans cette section les liens vers chacun des portails "production" dédiés aux couverts :
- Vigne : Couverts végétaux en viticulture.
- Grandes cultures : Gestion des couverts végétaux en grandes cultures.
- Polyculture élevage : Couverts végétaux pâturables.
- Maraîchage : Introduire un couvert végétal d'interculture en production légumière (guide pratique).
Pour aller plus loin
La gestion des couverts végétaux - Agroleague.
Guide couverts végétaux - CA Nouvelle Aquitaine, CA Occitanie, Bordeaux Sciences Agro.
Articles dans cette thématique
Sources
- ↑ G. W. Langdale et al., Cover crops effects on soil erosion by wind and water, 1991. http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.514.9458&rep=rep1&type=pdf
- ↑ Montgomery D. R. ; 2007. Soil erosion and agricultural sustainability, USDA, U.S. Department of Agriculture., PNAS Direct Submission, Vol 104, n°33.
- ↑ Labreuche J. et al., Cultures intermédiaires Impacts et conduites, Arvalis institut du végétal, p23, 2011.https://www.arvalisinstitutduvegetal.fr/vient-de-paraitre-cultures-intermediaires-impacts-et-conduite-@/view-1873-arvstatiques.html
- ↑ M. Thromas et al. Dictionnaire d'agroécoloie, Engrais verts définition, 2018. https://dicoagroecologie.fr/encyclopedie/engrais-vert/
- ↑ Dimassi et al., Long-term effect of contrasted tillage and crop management on soil carbon dynamics during 41 years, Agriculture, Ecosystems & Environment, Volume 188, Pages 134-146, 2016. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167880914000942
- ↑ Pellerin S. et al., Stocker du carbone dans les sols français, quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ? Synthèse du rapport d’étude, INRA, 114P, 2019. https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/etude-4-pour-1000-resume-en-francais-pdf-1_0.pdf