Matière organique
Les différentes catégories de matière organique, les techniques pour augmenter la teneur de MO dans le sol, ...
La MO ne représente que 1 à 10% des éléments dans le sol. La matière organique du sol (MOS) est un mélange complexe de résidus animaux et végétaux, à tous les stades de décomposition, de tissus microbiens vivants et en décomposition et de biomasse hétérotrophe, ainsi que de substances humiques relativement stables. Elle joue un rôle primordial sur la structure, la fertilité et l'activité chimique comme biologique des sols en plus de rendre divers services écosystémiques (séquestration du carbone, support de biodiversité etc.).
Composition de la MO
La MO est composée à 95% de biomasse vivante (bactéries, champignons, la faune et les racines des plantes) et 5% de biomasse morte (résidus, organismes morts etc.). Le temps de résidence ou "turn over" est le temps que la MO va passer dans le sol avant d’être minéralisée ou dégradée. On peut classer les types de matière organique en 3 compartiments selon leur vitesse de dégradation :
- La partie labile / MO vivante (10 à 20% de la MO) : elle est constituée de matière à haute valeur nutritive ou énergétique, non protégée et facilement dégradable par les microorganismes (exsudats racinaires, litière à faible C/N, …). Le temps de résidence est de quelques semaines à quelques mois;
- La partie lente ou intermédiaire / MO facilement décomposable : elle se compose de molécules plus complexes comme les acides aminés, protéines, glycoprotéines (dont la glomaline : "colle du sol" produite par les mycorhizes) qui sont déjà protégées par le sol (enfermées dans des agrégats, ou non accessibles à la dégradation microbienne). Cette partie de la MO peut être considérée comme une part de la MO récalcitrante. Le temps de résidence est de quelques années à quelques décennies;
- La partie Récalcitrante / stable / humus (donc non-dégradable) : c'est la partie stable et inerte de la MO, qui se compose principalement de substances humiques, des lipides, protéines, et une petite partie de lignine protégée par les minéraux argileux et limoneux. Le temps de résidence est de quelques décennies à quelques siècles.
La places des lignines
- Elles nourrissent les champignons, ce qui favorise la stabilisation de la MO. Sans lignine, le ratio champignons/bactéries diminue, ce qui ralentit la formation de la MO.
- Elles sont importantes dans le sol à forte teneur en sable pour aider à stabiliser la MO.
- Elles minéralisent dans le temps est donc peuvent fournir des minéraux pour la vie microbienne et la plante pendant une plus longue période.
- La minéralisation des lignines relargue du CO2 qui peut être capté par les fedu sol. e la plante pour la photosynthèse.
Les micro-organismes du sol
Les micro-organismes représentent 5% de la MO du sol. Cela comprend les animaux, les champignons, et les micro-organismes. On peut classer les organismes du sol en 5 grandes catégories :
- Mégafaune : les "grands" animaux tels que les souris et les musaraignes, ils fournissent de la matière organique au sol et ce dernier leur sert d'abris et de garde manger.
- Macrofaune : principalement représentée par les vers de terre, les "ingénieurs" du sol, ils aèrent et rendent le sol perméable.
- Mésofaune : collemboles et acariens, ils ont un rôle majeur dans la décomposition des matières organiques.
- Microfaune : les champignons et nématodes, les premiers pouvant être mycorhiziens et les seconds, bien que souvent parasites des plantes, favorisent pour certains la décomposition des matières organiques.
- Microorganismes : principalement des bactéries, qui sont les organismes du sol les plus nombreux et les plus divers. Elles recyclent les nutriments et participent au développement et à la structuration des sols
Composition de l'humus
L'humus est la partie stable de la MO et qui représente 60 à 90% de la matière organique. La matière organique est composée principalement de racines vivantes et d'éléments d’origine microbienne. Dans une plante, ce n’est pas la biomasse aérienne qui forme le plus de MO stable mais bien l'ensemble biomasse racinaire + exsudats racinaires. Ainsi pour augmenter le taux de MO, le principal levier est de faire de la photosynthèse pour stimuler la vie microbienne et stocker du carbone. Pour stabiliser la MO, sont nécessaire à la fois une vie microbienne active et un ratio C/N/P/S correct (qui vient essentiellement de l'activité microbienne).
Le ratio C/N/P/S est important pour la fertilité du sol car un déséquilibre des teneurs en ces éléments impacte directement le bon fonctionnement de la vie microbienne et donc, in fine, la formation d'un humus stable. Pour un bon fonctionnement de l'activité biologique, le ratio à viser est un C/N/P/S de 100/8/2/1,5.
Il est également intéressant d'envisager que pour chaque tonne de carbone stockée dans le sol, il est possible d'augmenter la teneur en azote de 80 kg, phosphore de 20 kg et soufre de 15 kg.
Les différentes catégories de MO
Par rapport à une approche fonctionnelle, on peut classer différents types de matières organiques pour différentes fonctions :
Type de MO | Fonction |
Matière organique vivante :
végétaux et animaux vivants |
Transformation/minéral |
Matière organique fraîche :
débris végétaux et animaux |
Substrat énergétique et
croissance/fertilité chimique |
Matière organique transitoire :
matières évoluées (cellulose réduite, lignine, protéines) |
Substrat énergétique/
fertilité physique (structure du sol) |
Matière humique (ou stable) :
lignine, cellulose, matières azotées microbiennes |
Fertilité physique
(stabilité à long terme) |
Le cycle de minéralisation de la matière organique
L'activité biologique (dans les sols ou dans des installations de compostage ou de méthanisation) décompose les matières organiques et les transforme en matières minérales : méthane et dioxyde de carbone, eau, et nutriments (azote, phosphore, etc.).
Cette dégradation met à la disposition des plantes une quantité importante d’éléments nutritifs auxquels elles n'ont pas accès sous forme organique.
Les plantes absorbent les éléments minéraux par leurs racines. Ces éléments doivent donc se trouver sous une forme soluble.
Les minéraux présents dans le sol ne se retrouvent que partiellement sous forme soluble. Ils peuvent être réorganisés par la microfaune du sol sous forme organique ou organo-minérale (azote, phosphore), être adsorbés par les complexes du sol, immobilisés sous formes minérales (phosphore), transformés en gaz (azote). Chaque minéral possède son propre cycle géobiochimique.
La partie labile
La litière labile facilement dégradable stimule la vie microbienne qui, en se développant, produit des molécules organiques (enzymes, lipides, etc) qui s'accumulent dans le sol. En mourant, la vie biologique du sol se stabilise également dans le sol. Ce sont les produits issus de la décomposition qui vont rester dans le sol.
Ces éléments interagissent avec la fraction minérale du sol (des oxydes Fe/Al/Mn en sols acides et des cations Ca, Mg dans les sols alcalins) pour former de la MO stable. Cette MO se lie ensuite aux argiles et limons pour former le complexe organo-minéral et une MO stable contenue dans ces agrégats, donc non dégradable.
Le ratio MO/Argile
Le ratio MO/Argile est corrélé avec la structure du sol. Certaines pratiques augmentent les dépenses et diminuent les rentrées de MO. C’est le cas du labour, qui accélère la minéralisation par oxygénation et laisse le sol nu. À l’inverse, la réduction du travail du sol, la mise en place de couverts végétaux d’interculture et l’augmentation de la photosynthèse par la nutrition végétale sont des leviers majeurs pour remonter le taux de MO du sol. Concrètement, cela peut se faire avec :
- Une réduction du travail du sol : Il a été observé que dans la majorité des modalités où le sol n’est pas travaillé (non-labour ou prairies permanentes), la structure est meilleure que dans les sols labourés.
- Une augmentation du potentiel de photosynthèse pour stocker plus de MO (mise en place de couverts végétaux performants et adaptés aux objectifs locaux).
- Une augmentation des apports organique exogènes (compost, fumier).
Le graphique montre les résultats d'une étude pour déterminer la corrélation entre la teneur en MO et la teneur en argile, en prenant en compte la qualité de la structure du sol.
Si chaque propriété du sol peut être caractérisée par la seule teneur en MO, c’est bien le ratio MO/Argile qui détermine la qualité structurale globale du sol. Les sols avec une bonne qualité structurale ont généralement un ratio MO/argile plus élevé que les sols avec une mauvaise structure. Les ratios seuils à garder en tête sont :
- 24% comme optimum de terrain pour une bonne qualité structurale
- 17% comme objectif raisonnable, atteignable même en travaillant le sol.
- 12% est un seuil en dessous duquel la qualité structurale est probablement mauvaise et il est conseillé de prendre des mesures pour remonter son taux de matière organique.
Indicateurs
Différents indicateurs permettent de rendre compte de la qualité d’un amendement organique.
Mesure de la MO
Il existe des confusions lorsque l'on parle de matière organique et de carbone. La MO est composée de carbone et d’autres éléments (H, O, N, P, etc.). Pour estimer la MO, la convention donne le coefficient suivant :
MO = C organique total x 1,72
Il est plus facile d’avoir une estimation de la teneur MO par ce calcul que de prendre en compte toutes les molécules organiques présentes dans le sol. Viennent ensuite en subdivision le carbone total (C organique + C minérale) puis le carbone organique (C stable + C labile).
C/N
Le rapport C/N est un des indices de qualité des produits organiques. C'est le rapport de grammes de carbone sur les grammes d'azote. En fonction de leur origine, de leur nature et de leur âge, les MO ont des proportions très variables de carbone et d'azote (ainsi que d'oxygène et d'hydrogène).[1]
Produit | C/N |
---|---|
Protéine | 3 à 4 |
Bactérie | 4 à 10 |
Féverole | 12 à 15 |
Sarment de vigne | 50 à 90 |
Paille de blé | 70 à 100 |
Ecorce de bois | 100 à 300 |
Sure en poudre | infini (pas d'azote) |
Le C/N augmente avec l'âge des plantes (transformation du carbone minéral (CO2) en carbone organique (sucres)). Les plantes accumulent plus de carbone (qui est produit) que d'azote (qui est absorbé au niveau des racines). Plus la plante est vieille, plus elle aura produit de carbone organique et donc plus son C/N sera élevé. Attention cependant car ce rythme d'accumulation diffère grandement entre 2 espèces végétales différentes.
Une idée reçue est qu'un C/N bas correspond à une forte minéralisation. Cela est vrai dans un certain nombres de situation mais pas toutes. Par exemple, le sucre en poudre est plus dégradable que l'écorce de bois, alors que le C/N du sucre est plus élevé. La dégradabilité d'un produit est conditionnée par ses molécules et non pas par son grammage en carbone et azote. C'est pour cela qu'un nouvel indicateur plus fiable a vu le jour : l'ISMO (Indice de Stabilité des Matières Organiques).
- Un produit organique au C/N élevé correspond à une MO à priori jeune.
- A l'inverse, si le C/N du produit est bas, c'est que les MO sont plus vieilles.
Dans les sols, un C/N élevé peut s'expliquer de 2 façons :
- Apports récents de MO fraîche avec un C/N élevé : C/N du sol élevé et forte minéralisation.
- Conditions environnementales défavorables à la vie du sol : pH acide <5, faible température, engorgement en eau, compaction.
Un C/N élevé n'est donc pas forcément signe d'une minéralisation lente, mais plutôt d'une MO jeune ou bloquée dans la minéralisation.
Le C/N élevé n'implique pas non plus une faim en azote. Ce phénomène s'explique par des conditions conjointes :
- Matière organique au C/N élevé.
- MO très digestibles (ex : couverts végétaux, pailles, etc.).
- La MO a été intégrée au sol et non laissée en surface.
- Une quantité d'azote disponible dans le sol trop faible pour nourrir à la fois les plantes et les organismes.
La faim en azote est donc sol et plante dépendante.
A l'inverse, un C/N bas ne fertilise pas toujours bien en azote. En effet, cette fertilisation dépendant de deux conditions :
- C/N bas
- Forte digestibilité du produit organique par les microorganismes du sol
Si le produit organique est stable, le C/N n'aura pas d'importance sur la disponibilité de l'azote (ex : compost, digestats de méthanisation, etc.).
Utilisé seul, ce critère de qualité a ses limites : les recherches montrent que la disponibilité de l’azote dépend davantage de la localisation de cet élément dans les différentes fractions biochimiques (solubles, hémicellulose, cellulose, lignine) que du rapport C/N global du produit.
ISMO
L’ISMO (Indice de Stabilité des Matières Organiques) est un indicateur, mis au point par l’INRA, qui représente le pourcentage de matière organique stable rapporté à son taux de matière organique totale. Il donne donc une indication sur la quantité de matière organique permettant de reconstituer le stock humique du sol. Plus l’ISMO est élevé, plus l’amendement sera stable dans le sol.
Composante essentielle de l’agriculture de conservation, l’augmentation du taux de matière organique des sols est une pratique agroécologique dont les résultats se voient sur le long terme.
K1 et K2
L'humification est la transformation de la MO fraîche en humus. Les MO fraiches avec des C/N élevés subissent une dégradation primaire par les décomposeurs du sol qui abaisse ce C/N, puis par le pool de micro organismes du sol (bactéries et surtout champignons) qui ont la capacité de transformer ces molécules en humus.
Cette transformation peut s'exprimer par un coefficient iso-humique K1 : rendement de transformation de la matière sèche en MO. Ce coefficient peut être intéressant à prendre en compte dans la réflexion autour de la rotation et des cultures en place pour estimer l'humus que l’on peut créer avec ces plantes.
Une fois l'humus formé, le coefficient de minéralisation K2 exprime le stock d’humus qui est minéralisé par les micro-organismes du sol pour libérer des éléments minéraux.
Le coefficient iso-humique K1
K1 est dépendant du type de culture, du rendement, des teneurs en matière sèche sur les cultures et les restitutions. Les restitutions obligatoires sont les racines, et les facultatives sont les parties aériennes : il est possible de laisser ou d'exporter des résidus de cultures, comme les pailles des céréales par exemple. Les restitutions obligatoires ont des coefficients plus élevés que les parties aériennes (les racines vivantes sont à l'origine de la formation de la MO stable).
Point d'attention : certains prédicateurs utilisés en conventionnel ne sont pas applicables aux systèmes d'agriculture de conservation car ils ne prennent pas en compte l’activité biologique autour des racines et les exsudats racinaires. En effet, dans les systèmes d'ACS avec des couverts végétaux permanents, le carbone liquide exsudé via les racines stimule l’activité biologique et induit indirectement un meilleur système d’humification. D'autres modèles existent pour estimer ce coefficient :
- Le modèle Simeos AMG : permet de donner des tendances (avec la limite qu'il s'agit d'une modélisation qui ne prend pas en compte les exsudats racinaires). En fonction du taux de matière sèche et du rendement, ce modèle permet d'estimer une quantité de carbone stable qui sera restituée au sol.
- Exemple de simulation avec le modèle Simeos AMG sur une monoculture maïs, avec un travail du sol sur 20 cm en TCS et un couvert végétal de féverole avec 2 à 3 t/ha de matière sèche. Ce modèle reste une modélisation classique. La gain de MO est lent, tandis que l’on peut observer sur le terrain des tendances plus rapides pour les systèmes d'AC que pour les systèmes classiques.
Augmenter et maintenir le taux de matières organiques dans le sol
- Laisser les résidus de la précédente récolte sur la parcelle après sa récolte.
- Mettre en place un couvert végétal d’interculture.
- Favoriser les amendements organiques :
- Apporter des déjections animales par le pâturage ou un épandage de fumier, lisier, compost ou autre amendement carboné.
- Les applications d'azote inorganique augmentent la minéralisation par oxydation.
- Faire un apport de bois raméal fragmenté (BRF) [2].
- Accélérer la dégradation de la biomasse importée (BRF, fumier, ...) en l’enfouissant dans le sol via un travail du sol qui va répartir la matière organique de manière homogène sur toute la hauteur de terre travaillée. A contrario un semis direct sous couvert végétal va favoriser une accumulation de la matière organique à la surface du sol.
- Eviter les cultures consommatrices d’humus.
- Eviter le travail du sol, le déchaumage et le tassement du sol :
- Le travail du sol augmente la minéralisation par destruction des agrégats et la libération des molécules organiques.
- L'oxygénation du sol diminue le ratio bactéries/champignons, ce qui a tendance à défavoriser la stabilisation de la MO.
- Augmenter la photosynthèse en travaillant sur la nutrition et la santé de la plante.
Bénéfices et importance d'un taux élevé de MO
Un taux élevé de MO dans le sol comporte de nombreux bénéfices. En effet, la MO, de part ses différents rôles et actions, permet d'entretenir la qualité du sol.[3]
Rôle | Action | Bénéfice |
---|---|---|
Rôle physique
(cohésion) |
Structure, porosité et
rétention en eau |
-Pénétration et
stockage de l'eau -Limitation de l'érosion -Limitation du compactage -Réchauffement |
Rôle biologique
(énergisant) |
Stimulation de
l'activité biologique |
-Humification,
minéralisation, etc. -Aération -Croissance des racines |
Rôle chimique
(nutritif) |
Minéralisation, capacité
d'échange cationique, rétention des micropolluants et des pesticides |
-Fourniture d'éléments
minéraux -Stockage et disponibilité des éléments minéraux -Limitation des toxicités -Qualité de l'eau |
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Source
L'importance du ratio MO/Argile, AgroLeague
Partie 1 : La matière organique : composition et formation, AgroLeague
Partie 2 : la matière organique ou les matières organiques, AgroLeague
- ↑ Thibault Déplanche, 2023 : Tout comprendre au C/N https://www.linkedin.com/posts/thibaut-deplanche_id%C3%A9e-re%C3%A7ue-cn-haut-implique-faim-dazote-activity-7091681634449506304-HsWO/?utm_source=share&utm_medium=member_desktop
- ↑ Le « bois raméal fragmenté » Un outil pour doper les sols en matières organiques (https://transgal.projet-agroforesterie.net/pdf/TCSBRF.pdf)
- ↑ CA Aube Haute Marne, 2011 : L'importance de la matière organique https://aube-haute-marne.chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/Grand-Est/67_fertilite_des_sols_importance_matiere_organique_2011.pdf