Phosphore
Le phosphore (P) est l'un des trois nutriments essentiels à la croissance des plantes, avec l'azote et le potassium. Bien qu'étant absorbé en plus faible quantité par les plantes que l'azote et le potassium, il joue un rôle crucial dans la photosynthèse, le métabolisme énergétique (le transport et la production des sucres et des protéines), dans la constitution des protéines, et sur le développement des racines, des graines et des fruits.
Présentation[1]
- Source principale : Roches ignées ou sédimentaires.
- Aptitude à la lixiviation : faible.
- Aptitude à la fixation : forte.
- Concentrations dans les plantes (% de la matière sèche) : 0,3%.
- Exportations :
- Grandes cultures : 34,35- 57,25 P2O5 kg/ha/an.
- Maraîchage, fourrage : 45,8 - 91,6 P2O5 kg/ha/an.
- Parties accumulatrices des plantes : Fruits (graines).
- Enjeux agronomiques et environnementaux :
- Excès : Risques d'eutrophisation des milieux lentiques continentaux.
- Déficience : Perturbations de nombreuses fonctions biologiques des végétaux, notamment leur division cellulaire.
Le cycle du phosphore
Le cycle du phosphore est relativement complexe. Les entrées dans le sol sont principalement dues aux apports minéraux et organiques, les dépôts atmosphériques étant négligeables. Les pertes sont principalement dues aux exportations agricoles et à l'érosion (le lessivage est marginal).
La rétrogradation du phosphore
La rétrogradation, un processus où le phosphore passe d'un état soluble à un état solide, est fortement influencée par le pH du sol et sa teneur en calcium. Ce phénomène est plus prononcé dans les sols calcaires et acides, où le phosphore peut former des composés insolubles avec le calcium, le fer ou l'aluminium, le rendant indisponible pour les plantes. En revanche, maintenir un pH proche de la neutralité, par exemple en chaulant un sol acide, peut contribuer à limiter la rétrogradation et améliorer la disponibilité du phosphore. Ce phénomène est aussi accentué en présence de températures élevées et d'une faible teneur en matière organique.
Les exigences en phosphore
Les cultures ont des niveaux d'exigence variables en phosphore. Par exemple, le colza, la betterave et la luzerne sont considérés comme très exigeants en phosphore, tandis que le blé tendre, le tournesol et le maïs grain ont des exigences plus faibles. Il est crucial d'adapter la fertilisation en fonction de la culture spécifique et de son niveau d'exigence.
Niveau d'exigence | Plantes |
---|---|
Élevé | Betterave à sucre ;
Pois de conserve ; |
Moyen | Blé dur ; Blé de blé ;
Maïs fourrage ; Pois ; |
Faible | Avoine ; Blé tendre ;
Maïs grain ; Soja ; |
Les bénéfices du phosphore
- Amélioration de la croissance des plantes : Le phosphore favorise le développement des racines, ce qui améliore l'absorption des nutriments et de l'eau, contribuant ainsi à une meilleure croissance des plantes et à des rendements plus élevés.
- Constitution de réserves dans le sol : Une partie du phosphore apporté au sol n'est pas immédiatement utilisée par les plantes et se retrouve stockée dans le sol, constituant ainsi une réserve pour les cultures futures. Cette capacité du sol à retenir le phosphore limite son lessivage, contrairement à l'azote, et permet une certaine stabilité de la fertilité du sol à long terme.
Risques liés au phosphore
Les conséquences d'une carence en phosphore :
- Diminution des rendements : L'ampleur de la perte variant en fonction de l'exigence de la culture en phosphore :
- Cultures très exigeantes : baisse de rendement de 30 à 40 %.
- Cultures moyennement exigeantes : baisse de rendement de 15 à 25 %.
- Cultures peu exigeantes : baisse de rendement de 5 à 10 %.
Les conséquences d’un excès de phosphore :
- Eutrophisation des eaux en surface : si le phosphore est associé à un excès de nitrates. C’est un phénomène caractérisé par une prolifération excessive d'algues, qui déséquilibre l'écosystème aquatique
- Pollution par le cadmium: Certains engrais phosphatés minéraux peuvent contenir du cadmium, un élément toxique qui peut s'accumuler dans les sols et les plantes, posant ainsi des risques pour la santé humaine et l'environnement.
Symptômes des carences
Les premiers signes de carence en phosphore sont visibles sur les vieilles feuilles. Les feuilles prennent une teinte rouge pourpre, plus prononcée sur le revers. Dans les cas graves, les pointes des feuilles peuvent dépérir.
Il est important de noter que les symptômes de carence en phosphore peuvent être difficiles à distinguer d'autres problèmes tels que les maladies, les parasites ou la compaction du sol. Il est donc crucial de confirmer une carence en phosphore par une analyse des tissus.
Sur les céréales
Chez les céréales, les symptômes apparaissent en foyers pendant le tallage.
Les symptômes comprennent un rougissement ou un jaunissement de la pointe des vieilles feuilles, un rougissement des gaines et une réduction du tallage.
Une carence sévère peut causer le dépérissement de la pointe des feuilles, voire une chute prématurée des feuilles. Une carence en phosphore conduit également à un mauvais développement des grains.
Il est généralement admis que les céréales à paille ont besoin de phosphore en début de cycle. Elles en absorbent tout au long de leur croissance, mais c’est en début de tallage que la disponibilité de cet élément est la plus déterminante. En effet, le phosphore stimule la croissance racinaire. Une carence précoce peut donc avoir des répercussions sur le reste du cycle, en limitant l’accès aux réserves en éléments minéraux et en eau du sol, du fait d’une moindre colonisation du sol par les racines.
Sur le blé, la nuisibilité ne dépasse généralement pas 10% du rendement. Dans les cas les plus graves, on peut atteindre 20% de perte de rendement.
Pour en savoir plus sur les carences en phosphore sur blé ou sur maïs.
Biodisponibilité du phosphore dans le sol
Le phosphore est principalement concentré dans la couche supérieure du sol et provient de l'altération des roches (forme minérale) ou de la décomposition des plantes (forme organique). La quantité de phosphore dans la solution du sol est très faible, variant de 0,1 à 3,7 kg de P2O5/ha. Ces composés doivent d'abord être minéralisés par l'activité biologique du sol, libérant ainsi les ions phosphates, sous les formes d’acide phosphorique (H2PO4-) et l'ion hydrogénophosphate (HPO42-), formes assimilables par les plantes. Plusieurs facteurs influencent sa biodisponibilité dans le sol.
Facteurs liés au sols
- Type de sol et pH : Les sols calcaires ou acides peuvent rendre le phosphore moins disponible pour les plantes. Dans les sols calcaires, la réversibilité des processus de cristallisation est faible, ce qui a pour effet de faire sortir ce composé des compartiments potentiellement mobilisables pour la nutrition des plantes. Les sols de la région méditerranéenne, majoritairement calcaires, sont naturellement pauvres en phosphore assimilable.
- La texture du sol influence la capacité du sol à retenir le phosphore. Les sols argileux, par exemple, ont tendance à fixer davantage le phosphore que les sols sableux. Bien que cette "fixation" soit largement réversible, elle peut néanmoins affecter la biodisponibilité du phosphore à court terme.
- Teneur en matière organique : Une faible teneur en matière organique peut augmenter la rétrogradation du phosphore.
- L’activité microbienne du sol : Les microbes du sol jouent un rôle dans la minéralisation du phosphore organique, le rendant disponible pour les plantes. Il faut encourager le développement des mycorhizes, ces champignons symbiotiques qui aident les racines à absorber le phosphore et le potassium.
- La présence d’autres éléments nutritifs : La disponibilité du phosphore peut être affectée par la présence d’autres éléments nutritifs dans le sol, tels que le fer, l’aluminium, le manganèse et le calcium. Ces interactions rendent le phosphore peu mobile et facilement absorbé par la phase solide. Au contraire, les carences en phosphore sont aggravées par une faible disponibilité du bore.
Facteurs liés au climat
- Température : Une température élevée intensifie le phénomène de rétrogradation, rendant le phosphore moins disponible.
Facteurs liés aux pratiques agricoles
- Pratiques culturales : En Techniques Culturales Simplifiées (TCS) et en semis direct, le phosphore a tendance à s’accumuler en surface dans la matière organique.
- Restitution des résidus de culture : La restitution ou non des résidus de culture du précédent affecte la quantité de phosphore disponible pour la culture suivante. Cependant, le phosphore est principalement présent dans les grains, la restitution des pailles a donc un impact limité sur la quantité de phosphore restituée au sol.
- Constitution des réserves du sol : Seulement 20 % environ de l'engrais phosphaté appliqué sont directement utilisés par la plante l'année de l'apport. La partie restante est stockée dans le sol sous différentes formes, devenant disponible au cours des années suivantes.
- Des cultures intermédiaires : Certaines cultures, comme le tournesol, le sarrasin ou la phacélie, favorisent la disponibilité du phosphore et du potassium dans le sol.
Mesurer la disponibilité et les besoins
Mesurer la teneur en phosphore du sol
Contrairement à l’azote et au soufre, le phosphore est peu mobile dans le sol. Une analyse de sol réalisée tous les 5 ans sur une même profondeur (20 cm conseillés), sur une même zone (représentative) de la parcelle permet de suivre l’évolution des teneurs en phosphore.
La détermination du phosphore dans le sol est essentielle pour une gestion efficace de la fertilisation. Plusieurs méthodes sont utilisées, elles consistent à déterminer si la fertilisation est nécessaire ou non. Pour ce faire, la teneur du sol en phosphore est comparée à des seuils de référence :
- Seuil d’impasse (Timp) : niveau d’offre du sol au-delà duquel l’absence de fertilisation n’a pas d’impact significatif sur le rendement.
- Seuil de renforcement (Trenf) : niveau d’offre du sol en dessous duquel un apport de phosphore équivalent à l’exportation par la culture ne suffit pas à atteindre le rendement potentiel.
Méthode Dryer
C’est une méthode d'extraction chimique pour déterminer la quantité de phosphore disponible dans le sol. Cette méthode utilise l'acide citrique comme extractant, ce qui la rend plus agressive. Elle permet d'extraire une plus grande quantité de phosphore, y compris des formes moins disponibles pour les plantes.
Méthode Joret-Hébert
C’est une méthode d'extraction chimique pour déterminer la quantité de phosphore disponible dans le sol. L'extractant utilisé dans cette méthode est l'acétate d'ammonium. Elle est considérée comme une méthode d'extraction douce, ciblant principalement le phosphore facilement assimilable par les plantes.
Méthode Olsen
C’est une méthode d'extraction chimique pour déterminer la quantité de phosphore disponible dans le sol. Cette méthode utilise une solution de bicarbonate de soude comme extracteur. Elle est considérée comme une méthode d'extraction intermédiaire, permettant d'extraire une quantité de phosphore plus importante que la méthode Joret-Hébert, mais moins que la méthode Dryer.
Mesurer la teneur en phosphore à apporter
La méthode du Comifer[1] permet de déterminer les doses de phosphore (P2O5) à apporter aux cultures. Cette méthode s’applique aux grandes cultures et aux fourrages annuels ou pluriannuels.
- Il faut d’abord déterminer le coefficient multiplicateur, qui se base sur quatre critères principaux :
- Exigence de la culture.
- Teneur du sol en phosphore, analysée en laboratoire.
- Passé récent de fertilisation : date du dernier apport.
- Gestion des résidus de la culture précédente. En fonction de ces critères, un coefficient multiplicateur est déterminé à l’aide de la grille du Comifer.
- Il faut ensuite mesurer la quantité de phosphore exportée : (voir la galerie photos ci-dessous)
- On peut enfin déterminer la dose d’apport P2O5 conseillée. Pour cela, on multiplie le coefficient par la quantité de phosphore exportée par la culture et par le rendement prévu.
Fertilisation en phosphore
Situations à risque
- Sols frais et détrempés.
- Sols pauvres en phosphore.
- Anciennes prairies retournées et jamais fertilisées.
Facteurs aggravants les carences en phosphore
- Un pH inférieur à 6 ou supérieur à 7,2.
- Une mauvaise disponibilité du Bore.
- Des teneurs en Fer, Calcium, Potassium et Zinc trop importantes.
Confirmation du diagnostic
- Sol : Analyser le sol permet de détecter une carence en phosphore. Le COMIFER propose des teneurs seuils pour gérer la fertilisation phosphatée.
- Plante : Au stade épi ou à la floraison, il y a des seuils de carence pour la teneur en phosphore.
Solutions préventives contre la carence en Phosphore
Il faut dans un premier temps réaliser une analyse de la terre :
- Si le sol est pauvre, apporter du phosphore au plus près du semis. Il faut éviter de réaliser cet apport après le début du tallage car la correction de la carence ne sera que partielle. Les plantes sont surtout sensibles à la carence pendant leur phase juvénile.
- Si le sol est correctement pourvu, mais qu’un apport est essentiel pour compenser les exportations, la période à laquelle il est réalisé n’a pas d’importance.
- Pour les nouvelles plantations, l'utilisation d'un engrais de démarrage fournissant du phosphore directement à la racine peut être bénéfique.
3 grandes familles de phosphate
La fertilisation en phosphore peut se faire par des engrais phosphatés minéraux ou organiques (fumiers, lisiers) :
- Les engrais phosphatés solubles qui globalement sont produits à partir de phosphates broyés et d’acide sulfurique ou d'ammoniac. Dans cette famille on retrouve les DAP, MAP, superphosphate etc… En agriculture de façon générale, on a tendance à préférer l’usage de phosphates solubles qui sont plus facilement assimilables pour la plante.
- Les engrais phosphatés non solubles comme les phosphates broyés etc…
- Les engrais organiques, tels que le fumier, libèrent le phosphore plus progressivement au fur et à mesure de leur décomposition. La biodisponibilité du phosphore provenant du fumier ou des biosolides au cours de l'année d'application est estimée à environ 40 % de celle du phosphore contenu dans les engrais commerciaux ; 40 % supplémentaires du phosphore seront biodisponibles l'année suivante.
Solutions curatives contre la carence en Phosphore
- Réaliser un apport de phosphore dès l’apparition de symptômes.
- Dose minimale : 50 kg P/ha.
- La correction n’est que partielle si l’application a lieu après le début du tallage. Dans tous les cas, il n’est pas possible de corriger complètement la carence.
Enjeux environnementaux
Étant indispensable à la vie et d'une consommation mondiale qui pourrait dépasser les ressources disponibles avant une centaine d'années, l'ONU et divers scientifiques le classent comme une matière première minérale critique, qu'il faudrait apprendre à économiser et mieux recycler.
Sources
- Arvalis, Fumure de fond : le raisonnement de la fertilisation PK repose sur quatre critères, 2023.
- Arvalis, Fertilisation, 2019-2020.
- COMIFER. La fertilisation P - K - Mg: Les bases du raisonnement. Édition 2019.
- COMIFER. Teneurs en P, K et Mg des organes végétaux récoltables , 2009.
- Gouvernement, Le phosphore dans les sols , 2019.
- INRAe, Vers un raisonnement innovant de la fertilisation phosphatée, 2011
- Supagro, Le phosphore, le potassium et la rétrogradation.
- Terres Inovia, Fertilisation phosphatée et potassique, 2019.
- Unifa, Le cycle du phosphore (P)
- Nutrition MATTERS, Le phosphore : Comment stabiliser le phosphore tout en évitant les blocages (partie 1), 2019.
- Apporter du phosphore et stimuler la vie du sol, AgroLeague
Annexes
Sources
- Arvalis, Fiche accident : http://www.fiches.arvalis-infos.fr/fiche_accident/fiches_accidents.php?mode=fa&type_cul=1&type_acc=1&id_acc=60
- Billeco. Nutrition des plantes. https://www.billeco.fr/post/document-a-telecharger-sur-les-oligos
- Omafra, Gestion du sol, fertilisation, nutrition des cultures et cultures de couverture : http://www.omafra.gov.on.ca/french/crops/hort/soil_fruit.htm#Phosphorus
- ↑ 1,0 et 1,1 COMIFER. La fertilisation P - K - Mg: Les bases du raisonnement. Édition 2019.