EARL Le Monteil
Ferme en ACS et polyculture élevage
Quentin AIRAUD
Jeune agriculteur installé depuis peu, Quentin Airaud développe son activité en mettant en place des pratiques agroécologiques. Parmi ces pratiques, on peut citer le semis direct, la réduction de son utilisation de phytosanitaires, et le maintien d’une complémentarité entre ses ateliers.
Contexte
- Localisation : Le Monteil
- Nom de l’exploitation : EARL Le Monteil
- Production : Polyculture-élevage (depuis quatre générations)
- UTH : 2,5 Quentin est aidé de son père et de son apprenti
- SAU : 210 hectares, dont 40 ha de prairies permanentes et 20 ha de prairies temporaires
- Cultures : Blé (tendre, de force, dur), soja, maïs grain, colza, avoine blanche de floconnerie, orge de printemps (brasserie), féverole, des pommes de terre
- Cheptel : 300 brebis. Il souhaite cependant réduire la taille de cet atelier coûteux en temps, notamment au moment de l'agnelage et ne conserver un cheptel que de 80 têtes. Pour compenser les pertes de fumier liées à cette réduction de son cheptel, il projette de débuter dès 2025 un atelier de taurillons de 20 à 30 têtes
- Labels : Bas carbone pour le colza, IGP Baronet du Limousin pour les agneaux
- Formation : Préalablement à son installation, Quentin a obtenu un baccalauréat professionnel, suite à quoi il a suivi un BTS en production animale ainsi qu’une licence professionnelle en conseil et commerce agricole
- Caractéristiques pédoclimatiques
- Texture : Argilo-Sableuse (20 à 25% d’argile en surface), Sableuse et Limono-Sableuse
- Taux de MO = 3.2%
- pH = 6.2
- C/N = 8.1
- CEC = 14
- Vers de terre : Beaucoup (observation par des tests bêche)
- Portance : Un des problèmes sur l’exploitation mais moins important depuis sa transition
- Particularité :Sol riche en magnésie naturellement. Cet élément est selon lui “signe d'une mauvaise stabilité structurale” du sol. De plus, une présence élevée de magnésium entraîne une quantité faible de potasse, ce qui l'oblige à faire des apports potassiques tous les ans
- Précipitations annuelles moyennes[1] = 1100 mm/an
- T° moyenne[1] = 11.5°C
- Type de climat[1] : Chaud et tempéré, avec de fortes averses tout au long de l’année (classification d’après Koppen)
Historique de l'exploitation
- Années 60 : l’arrière grand-père de Quentin AIRAUD quitte la Vendée et s'installe dans le limousin où ils achètent des terres peu chères.
- Années 90 : Installation de son père
- Années 2000 : Installation de son grand cousin
- 2020 : départ de son grand cousin du GAEC et installation de Quentin en temps que double actif, il travaille depuis 10 ans en parallèle au sein de la coopérative Océalia en tant que technicien. Il souhaite à terme s’installer à 100% sur l’exploitation familiale.
- Depuis son installation en 2020, Quentin a réduit le travail du sol réalisé, et vise à réaliser un travail du sol par an et par hectare. De même, il souhaite que la ferme, historiquement en élevage ovin, se tourne plus vers les grandes cultures.
Enjeu local
Localement, le principal enjeu est celui de la reprise des fermes de la région. En effet, dans une dizaine d’années, beaucoup de ses voisins vont partir à la retraite et laisser des terres qui ne sont pas forcément bonnes pour des cultures, mais plutôt à destination de l’élevage. Quentin nous a donc fait part de son inquiétude vis-à-vis de ses terres qui risquent de se retrouver en friches du fait que ce ne sont pas des terres très attractives (3000-4000€/ha). De plus, il déplore la trajectoire de beaucoup de fermes qui se tournent vers la production de maïs et de seigle à destination de méthaniseurs.
Cheminement vers une agriculture plus durable
Les étapes vers un changement de pensées
Fils d’agriculteur, Quentin nous explique avoir d’abord eu une vision semblable à celle de son père qui pratiquait le labour. Cependant, il relate qu’au cours de ses études, il a progressivement été sensibilisé à certains effets du travail du sol. De plus, durant ses années en tant que technicien de coopérative il nous raconte qu’il a pu observer les sols des différents agriculteurs qu’il était chargé de suivre, et qu’il a ainsi pu constater certains problèmes liés à leur travail. Ce sont ces différents constats qui ont chez lui provoqué le déclic le conduisant à réduire le travail de son sol.
Objectifs souhaités
Dès son installation, Quentin a souhaité limiter le travail du sol en réduisant le labour, avec pour objectif d’arriver à terme à un passage d’outil par an et par hectare. “On ne multiplie pas les coups de disques et dents pour gagner en portance”, explique-t-il. En effet, “on a un sol très riche en magnésie donc on a une portance qui n’est déjà pas bonne”. En plus d’augmenter la portance de ses sols, réduire son travail du sol lui a permis de conserver sa matière organique. L’idée est “d’avoir des sols qui dans 20 ans fonctionnent aussi bien que maintenant”. Par ailleurs, étant double actif, l’arrêt du travail du sol lui permettait de se libérer du temps pour ses autres activités.
Par ailleurs Quentin a mis en places d’autres pratiques :
- Pour compenser l’effet de l’arrêt du travail du sol sur les adventices, Quentin a de plus allongé la durée de ses rotations. Cela lui a permis d’introduire de nouvelles cultures, qui lui permettent de diversifier sa production.
- De plus, il souhaiterait réaliser autant que possible des semis direct. Il est cependant limité par la présence de mousse qui se développent facilement sur ces sols acides, et a tendance à refermer les sols et empêcher la germination des graines.
- Enfin, il a pour objectif de réduire au maximum les produits phytosanitaires, qu’il n’applique pas de manière systématique, mais après observation de ses champs. Par exemple, cela fait trois ans qu’il n’applique plus d’herbicide antidicotylédones à l’automne. Il nous explique ne pas être dérangé par “des parcelles un peu sales (2-3 ray-grass / m²). En effet, il constate que le colza étouffe naturellement les adventices. De plus, il choisit certaines de ses variétés dans cet objectif. Par exemple, il a choisi des variétés de colza précoces qui ont une élongation limitée, ce qui lui évite de passer un produit phytosanitaire par la suite limitant l’élongation. Il gagne ainsi d’un point de vue des produits à appliquer ainsi qu’en temps de travail, mais doit faire davantage attention aux problèmes d’altise, qui sont plus présents précocement. Il utilise aussi des mélanges variétaux de blé tendre et de blé dur.
Effets des pratiques innovantes
Quentin est très content des pratiques qu’il a mises en place depuis son installation. En effet, il a très rapidement constaté une amélioration de la portance de ses sols. Il compare aujourd’hui ses sols avec ceux des parcelles qu’il a récemment acquises. Visuellement, il ne marque pas ces parcelles après le passage de son tracteur, et ne possède pas de semelle de labour contrairement à ce qu’il observe chez certains de ces voisins. De plus, il a très vite constaté un retour de la vie dans ses sols, qu’il observe en réalisant des tests bêche aléatoirement dans ses parcelles, desquelles il sort des “mottes qui tiennent mieux”.
Expérimentations et objectifs à venir
Ce ne sont pas les projets qui manquent à l’EARL le Monteil.
- En ce qui concerne son autonomie, il souhaiterait avoir sa propre infrastructure pour le stockage de céréales. Cela lui donnerait plus de liberté au niveau de ses contrats. En effet, ses productions sont actuellement stockées dans la coopérative Océalia dans laquelle il travaille, ce qui limite ses clients potentiels.
- Il souhaiterait cultiver de nouvelles variétés, comme le soja à destination de l’alimentation humaine, chose qu’il ne peut pas revendre au travers de sa coopérative. En plus d’introduire de la diversité dans ces cultures, cela lui permettrait d’être plus autonome et de diversifier les acteurs de la commercialisation en aval de sa production.
- Toujours dans un objectif de diversifier ses productions, il souhaite dès l’année prochaine débuter un atelier d’engraissement de taurillon pour un cheptel de 20 à 30 têtes. Ce nouvel atelier permettra selon lui de compenser, d’un point de vue du fumier produit et des revenus liés à cet atelier, la diminution de son cheptel de brebis dont l'entretien prend davantage de temps du fait, entre autres, de l'agnelage.
- Il a également pour projet d’investir dans du matériel semi-porté au lieu du matériel porté qu’il utilise actuellement (semis), de telle sorte à diminuer le rapport poids/puissance du tracteur qu’il utilise. Cela, en plus de réduire les coûts de son tracteur, lui permettra également de limiter le tassement du sol lié aux différents passages d’engins dans ces champs.
- Enfin, il a pour objectif de rentrer dans la MAEC (Mesure Agroenvironnementale et Climatique) Bas carbone en Nouvelle Aquitaine, ce qui l’amènerait à réduire de 20 à 30% ses émissions de CO2 et à augmenter sa séquestration de carbone dans les sols.
Si Quentin a mis en place beaucoup de pratiques innovantes, tous ces essais n’ont pas été concluants. Par exemple, il nous explique que la culture de soja ne fonctionne pas en semis direct. En effet, cette culture possède un système racinaire qu’il qualifie de “ très fainéant”. Ainsi, si les graines sont “en surface et que le sol est dur, ça ne s’implante pas”. De même, il a essayé de mettre en place du blé en semis direct et sans utilisation de glyphosate[1], mais ses cultures ont subi de grosses attaques de limaces qui d’habitude s'intéressent préférentiellement au colza. Il réalise ses expérimentations sur de petites parcelles test avant de les mettre en place sur de plus grandes surfaces.
Système de production
Atelier Grandes Cultures
L’exploitation comprend 155 ha de grandes cultures et 60 ha de prairies. 80% des parcelles de grandes cultures sont drainées pour éviter la présence de zones hydromorphes. Il a actuellement 9 espèces de grandes cultures en rotation.
La rotation est basée sur des blés : tendres tardifs, traditionnels, de force, et des blés durs.
La rotation mise en place est la suivante : Colza (tête de rotation) - Blé - Couvert (seigle + féverole) + Culture de printemps (soja, maïs grain, orge) - Céréale à paille (blé ou avoine blanche) - Couvert (seigle + féverole) + Culture de printemps - Féverole - Colza.
Cette rotation est susceptible de changer avec l’achat récent de nouvelles terres.
Matériel et technique culturale
Le semoir utilisé pour le semis direct est un semoir à disques appartenant à une CUMA. Quentin s’est engagé sur 10 ans et sur 30 ha à utiliser ce semoir, tout en sachant qu’il l’utilisera sur plus de surface. Cette pratique est mise en place le plus souvent possible sauf si les conditions pédoclimatiques ne sont pas favorables. Par exemple, le semis direct est systématique pour un blé après le colza. En revanche, il n’y a pas de semis direct pour le soja. Le passage d’un strip-till ou chisel à une profondeur de 5 cm est indispensable avant le soja parce que son “système racinaire est très fainéant donc si c’est dur en surface, ça ne s’implante pas”.
Quentin fait vieillir le reste de son matériel. Il ne possède pas de matériel à la pointe de la technologie comme des GPS.
ITK colza 2023
- Semis avec un “semoir classique” : 10 août peu importe la météo, car plus le semis est tardif, plus il a des problèmes de ravageurs
- Comme énoncé précédemment, Quentin ne réalise pas de traitement herbicide anti dicotylédone en automne sur les colzas car ils étouffent naturellement les adventices
- Février : 1er apport Ammonitrate[2]
- Février : Apport de sulfate de calcium
- Février : 2ème apport Ammonitrate[2]
- Il fait attention aux charançons des tiges qui mangent les collets des colzas. Pour cela, il passe dans les champs et observe si les colzas se font attaquer. L’observation in situ est sa règle de décision.
- Avant la floraison : Apport de bore
- Fin floraison : Traitement fongique
- L’utilisation d’insecticide est limitée
Rendement 2024 : 35-40 qtx/ha en moyenne. Le colza est sa culture la plus rentable. En 2024 il y a eu un manque de lumière et un manque de pluviométrie aux bonnes périodes.
L'inconvénient du colza est qu’il bouche les drains (avec son système racinaire) en place sur les parcelles.
Quentin utilise des semences de ferme pour du blé tendre et du blé dur. Il garde “2 à 3 big bags” de la récolte de l’année précédente qu’il trie et qu’il ressème.
ITK blé 2023
- Semis blé tendre et blé force avec un semoir à disque à semis direct de la CUMA : Fin octobre - début novembre
- Il ne fait pas de désherbage automatique après le semis direct
- Automne : 200 kg/ha Super 18[3] “pour apporter un phosphore assimilable dans le sol et Ca”
- Traitement 1 : 1/4 de dose (fongicide)
- Traitement 2 : dose complète, “Je garde le traitement 2 en dose traditionnelle pour garantir un rendement” (fongicide)
- Traitement 3 : 1/4 de dose (fongicide) avec des oligoéléments “pour des plantes plus résistantes”
- Février : Premier apport d’azote, suivi par 3 autres apports pendant la saison de culture
- Printemps : Quattro[4] S (45 SO3, 13 K2O, 6 MgO et 17 CaO) pour apporter du potassium pour avoir un meilleur équilibre avec la magnésie présente naturellement dans son sol. Cet engrais apporte également du sulfate sous une forme qui n'acidifie pas le sol
- Printemps: Il fait un passage de glyphosate[1] si besoin et un passage d’anti-graminées après un passage dans le champ
Rendement 2024 : 64 - 70 qtx/ha en moyenne
Il a de la chance d’avoir un sol argileux qui minéralise pas mal d’azote en fin de cycle, cela est avantageux pour la culture de blé de force qui a des grains avec un taux de protéine de 15%.
Premières années de blé dur :
Il choisit une variété tardive (5.5-6) et qui est résistante au froid tardif.
En 2024, il avait choisi la variété Belalur, mais l’essai n’était pas concluant. Il a fait une fosse pédologique sur cette parcelle et l'enracinement du blé dur allait jusqu'à une profondeur de 65 cm. Ils ont estimé la RU (Réserve Utile) sur cette profondeur qui était de 100 mm.
Essai 2025
- Précédent soja sur une reprise de prairie. Le soja avait une hauteur de 1,20 m à la récolte
- Passage de disque à 5 cm de profondeur pour niveler la parcelle
- Semis : 10 octobre.
- Apport de 50 UN via de l'ammonitrate soufré, et le tracteur ne s’est pas enfoncé dans le sol
Premier résultat : Quentin est satisfait de la portance de son sol. De plus sur 4-5 tests bêche effectués le 10/02/2025, il y avait au moins un vers de terre.
Soja
Il a essayé de faire des semences de ferme pour le soja, mais ce test n’a pas été concluant car le soja n’a pas levé : entre 20% et 30% du soja n’a pas germé.
Rendement 2024 : Moyenne de 16 qtx/ha avec une parcelle à 24 qtx/ha. Les années précédentes il avait un rendement légèrement plus élevé.
Pomme de terre sous contrat avec Bretz
La culture de pomme de terre pour des chips est en phase de test sous contrat (petite surface) avec la marque Bretz. C’est la deuxième année que Quentin cultive la pomme de terre. Il doit faire 3 saisons de test avant de pouvoir signer un contrat sur le long terme avec Bretz. Si c’est le cas, Bretz assure la plantation et la récolte des patates et l’agriculteur est soumis au cahier des charges pour les amendements et les traitements phytosanitaires. L’IFT de la pomme de terre est de 9-10. Il pense que la pomme de terre reviendra tous les 8 ans dans sa rotation. Cette culture assure une bonne rémunération, et l’achat de la récolte est garanti par Bretz.
Quentin conseille de ne pas dire non aux tests de contrats d’industriels qui se présentent car quand par la suite l’industriel décide de monter une filière, il va choisir en priorité les agriculteurs et agricultrices ayant fait les tests préalables.
Amendements organiques et minéraux
Quentin a effectué des échanges avec un voisin : 1 tonne de paille contre 3 tonnes de fumier pour apporter de la matière organique sur ses parcelles. Il apporte également du compost et du fumier de ses brebis. Il restitue également la biomasse des couverts végétaux qu’il sème en septembre. Les couverts végétaux mis en place sont composés de seigle et de féverole. Dans la majorité des cas, ce couvert est pâturé par les brebis. Mais lorsqu’il n’est pas pâturé, la biomasse produite est restituée au sol.
Association de culture
Quentin ne réalise pas d’association de culture car sa coopérative actuelle ne les valorise pas.
Atelier ovin viande
Quentin et son père s’occupent de 300 brebis de pays conduites à l’herbe. Les brebis sont en bâtiment uniquement pour l’agnelage entre septembre et décembre. Il est intéressant d’avoir des agnelages à contre saison pour pouvoir vendre les agneaux pour Noël et Pâques. Les agneaux sont vendus avec l’IGP Baronet Limousin qui demande une alimentation sans OGM et un temps d’alimentation sous la mère de 60 jours. Les agneaux sont vendus à l’âge de 10 mois au plus.
Ils possèdent quelques brebis qui présentent des caractéristiques de race pure, et le reste est issu de croisements. Les brebis sont inséminées artificiellement.
Les brebis sont traitées avec une alternance de molécules pour les antibiotiques. Ils ont testé les plantes riches en tanins pour leur effet sur les strongles, mais celà n’a pas fonctionné comme espéré sur la maladie. De plus, ils ont retrouvé beaucoup de chicoré sur les prairies alors que c’est une espèce dont on se débarrasse très difficilement.
Ils ont actuellement un gros problème avec la mouche d’été (Wohlfarhrtia magnifica) ou myiases qui provoque notamment des avortements, et pour laquelle ils n’ont pas encore de solution technique. Ils ont essayé de donner des seaux d’ail aux brebis mais cela n’a pas fonctionné.
Quentin souhaite diminuer le cheptel ovin de 300 à 80 brebis car c’est l’atelier dont s’occupe principalement son père qui est actuellement malade, de plus il est plus passionné par la grande culture que par l'élevage ovin. Il est d’autant plus conforté dans cette décision à cause de la l’impasse vétérinaire sur la mouche d’été.
Il y a 40 ha de prairies permanentes et 20 ha de prairies temporaires (cassées au bout de 6 ans) sur l’exploitation. Les prairies permanentes sont composées principalement de ray-grass et de pâturin, et les prairies temporaires sont composées de dactyle, fétuque, ray-grass, et trèfle blanc.
L’exploitation est autonome en fourrage (foin et enrubannage) ainsi qu’en paille. L’apport de protéine se fait grâce à des compléments azotés qui sont nécessaires pour les agneaux de contre saison, ainsi que par les féveroles cultivées dans la rotation.
Complémentarité entre les productions
Les ateliers ovin et grandes cultures sont en interactions notamment avec la restitution de fumiers sur les parcelles de grandes cultures éloignées du siège de l'exploitation. De plus, historiquement, les brebis pâturent des couverts végétaux, cette pratique va diminuer avec la diminution drastique du cheptel ovin.
Enfin, il existe une collaboration entre Quentin et un apiculteur au niveau d’une de ces parcelles. Cela est favorable tant pour lui que pour l’apiculteur dont les abeilles profiteront de la période de floraison du colza.
Commercialisation et stockage de la production
La totalité de la production est vendue à la coopérative. En ce qui concerne les grandes cultures, les produits (grains) sont vendus au prix ferme. Ainsi, Quentin choisit quand vendre sa production selon le prix journalier indiqué par la coopérative. Pour les grains, ils sont stockés à la coopérative (paiement d’un forfait).
Le prix des agneaux est déterminé par une grille selon le pourcentage en matière grasse et sa conformation. Ces derniers sont labellisés IGP Baronet du Limousin.
Il aimerait à l’avenir diversifier ses partenaires commerciaux afin d’en tirer des meilleurs prix de vente.
Facteurs limitants sur l’exploitation
Bien qu’installé récemment, Quentin a pu identifier les facteurs limitants sur la ferme :
- L’exploitation n’est pas dotée de stockage pour les céréales ce qui est contraignant pour la vente qui doit se faire entièrement via la coopérative.
- Problème de sanglier : les sangliers apprécient beaucoup les parcelles de blé dur, qui sont des parcelles riches en vie du sol. Ils ont tendance à retourner le sol, ce qui réduit à néant tous les efforts de Quentin quant à l’amélioration de la vie dans son sol.
- Il ne peut pas mettre en place l’irrigation pour ses grandes cultures car les coûts sont énormes pour construire une retenue d’eau (pas de présence de nappe souterraine), et le matériel d’irrigation. De plus, il n'y a pas forcément de subvention pour ce type d’installation. Il aurait aimé pouvoir irriguer le soja pour gagner 10 à 12 qtx/ha de rendement. De plus s’il mettait en place l’irrigation sur ces parcelles, il devrait se diriger vers des cultures qui valorisent bien l’eau, comme le maïs, ce qui ne le motive pas
- Il a des terres correctes mais avec un potentiel moyen, il a un challenge sur l’adaptation des apports de fertilisants aux spécificités des parcelles.
- Quentin s’est rendu compte qu’il peut être difficile d’éliminer certaines adventices en respectant les limites réglementaires du glyphosate[1] en semis direct. La limite réglementaire est de 1080 g/ha/an. Il pense que le passage de glyphosate[1] serait plus efficace si la dose était plus grande. Il aimerait que la dose maximum de glyphosate[1] soit plus haute pour les agriculteurs pratiquant le semis direct.
Bilan social
- Quentin est satisfait de son travail (8/10) et ne se sent pas isolé. Il est en CUMA pour certains matériels agricoles. Il travaille beaucoup avec la coopérative dans laquelle il est technicien. Il est en contact avec un négoce et deux banques pour obtenir le meilleur taux d’emprunt. Ses partenaires sociaux sont les mêmes depuis plusieurs années et cela lui convient car leur relation se passe très bien.
- Le temps de travail est un élément majeur pour Quentin qui se dégage souvent du temps pour pouvoir aller faire du sport. C’était aussi l’une des raisons de son passage en TCS. Il évite les pics de travail sur l’année en répartissant ce dernier.
- Il qualifie son travail de peu pénible de manière générale. En effet, son “matériel est correct” et les grandes cultures sont peu pénibles. En revanche, il aimerait “réduire la manutention” relative à l'atelier ovin “pour gagner du temps”.
- Il est satisfait de sa production et du rendement même si, selon lui, il faudrait que cette dernière soit vendue “à juste prix”.
- La diversification de sa production (avoine blanche, soja et pomme de terre) est valorisable car il y aurait “moins de concurrence”. Et il trouve plus intéressant de partir sur du blé à plus forte valorisation comme le blé de force pouvant rapporter 70 €/t de plus (par rapport au prix de base) si le taux protéique du blé est à 15%.
Bilan économique
- Lors de sa reprise de l’exploitation, un investissement (renouvellement) a été réalisé au niveau du matériel agricole. En effet, du matériel semi-porté a été privilégié au dépend d’un matériel de porté. Cela diminue le poids de l’outil et donc la puissance nécessaire du tracteur.
- Par ailleurs, des économies en carburant et la limitation du tassement du sol font partie des avantages de ce nouvel investissement. Par exemple, son dernier achat était un déchaumeur à disque en trainé semi-porté et semoir à céréale. Il a également changé son pulvérisateur (trainé) afin d’accélérer le remplissage et le temps de traitement. Il possède aussi une buse à fente qui permet de faire 60 à 70 L/ha.
- De manière générale, son exploitation présente toujours des marges positives pour chaque culture, à l’exception de l’année 2024. Cette année était mauvaise en “raison des pluies et d’un manque de lumière” sauf pour le maïs, le blé et le soja. Il est plutôt satisfait de son mode de production.
- Quentin a un revenu supérieur au SMIC.
Enjeux et perspectives
Protection des infrastructures agroécologiques
Quentin souligne l’importance de conserver la biodiversité. Cela passe par la préservation de haies en bordure de parcelles. Il souligne même son intérêt à planter des haies dans des zones non cultivées en bordure où elles ne dérangeront pas. Ces haies peuvent aussi être de nature fruitière qu’il utilisera “pour sa consommation personnelle".
Transition dans le contexte local
Le territoire est soumis à un très fort vieillissement. “Dans 10 ans, beaucoup de fermes seront à reprendre”. La conséquence directe est soit l’agrandissement des autres exploitations, soit la reprise, ou encore le développement de friches. La non attractivité de la zone et des conditions pédologiques parfois non favorables ne facilitent pas la reprise.
Ensuite, aujourd’hui, la surface cultivée du territoire dont la production (maïs et seigle) est destinée à la production de biogaz par un méthaniseur augmente et constitue un enjeu majeur. Cela rentre en compétition avec la production de denrées alimentaires pour les animaux et l’Homme.
Enfin, il souhaite aussi davantage diversifier et produire du soja pour l’alimentation humaine car celle-ci est mieux valorisée.
Conseils pour d’autres agriculteurs
Avant de s’installer, il conseille d’avoir une bonne idée de la rémunération des agriculteurs et de ne pas se limiter. Il faut également trouver un “juste milieu entre production et sol”.
Il incite à s’informer des activités environnantes, des productions qui se font aux alentours et de prendre contact avec les agriculteurs pour cibler les productions les plus pertinentes et adaptées.
Il recommande d’avoir une ligne directrice et d’éviter de changer les stratégies tous les 2 à 3 ans. Il faut adapter la stratégie progressivement en fonction des échecs.
De plus, pour les nouveaux, il souligne l’importance d’avoir des fonds pour commencer leur activité.
Enfin, il recommande d’avoir un système où le travail de sol est réduit pour améliorer sa portance, sa matière organique et la vie du sol.
Les pratiques innovantes
Quentin met en place plusieurs pratiques agroécologiques dans la transition vers une agriculture durable:
- Semis direct
- Plantation de haies en bordure de parcelles
- Allongement des rotations
- Mélange variétal
Ces pratiques permettent de répondre à différents enjeux. Le semis direct améliorerait le taux de carbone (+ 7%) et son stock malgré une baisse de production en matière aérienne et racinaire du maïs[5]. Cette pratique permettrait d’améliorer le potassium et phosphore échangeable[6]. La vie du sol serait également moins perturbée avec notamment plus de bactéries, bactéries fixatrices d’azote, de champignons et de vers de terre favorisant une bonne structure du sol[7][8][9]. Enfin, cette pratique présente d’autant plus de succès pour les parcelles qualifiées comme “propres”, soit avec une faible pression des adventices[10]. Le semis direct est un levier majeur en agriculture de conservation permettant de limiter l’érosion et réduire les charges en carburant[10]. Sa réussite est favorisée par l’association de plusieurs leviers tels que les couverts (semis direct sous couvert) et/ou l’allongement des rotations.
Quentin, conscient de l’importance de la biodiversité en agriculture protège les haies et autres infrastructures agroécologiques présentes en bordure des parcelles. Ces dernières sont des voies de circulation, corridors écologiques pour la faune sauvage comme de petits mammifères, oiseaux, insectes[11]... Ce sont des réservoirs de biodiversité dont l’entretien est important[12] comme il le soulignait. Par ailleurs, les haies peuvent présenter d’autres intérêts tels que le stockage en carbone, la lutte contre l’érosion en réduisant le ruissellement.
L’allongement des rotations fait partie intégrante d’un système de culture innovant robuste avec des résultats économiques satisfaisants. Les motivations à la diversification sont diverses[13]:
- Des nouveaux débouchés
- Adaptation à de nouvelles politiques
- Gestion des adventices (d’autant plus en TCS)
- Réduire l’utilisation de produits phytosanitaires
- Avoir un système de culture moins sensible aux aléas liés au changement climatique
- Réduction du temps de travail sur l’année
- Améliorer la fertilité des sols, structure…
En revanche, ces rotations doivent être réfléchies en amont, et peuvent dépendre du précédent cultural[13]. Si celles-ci sont bien mises en place, les rotations peuvent conduire à des augmentations de rendement qui ne peuvent être compensées par l’utilisation d’engrais [14]. Enfin, les parcelles en rotation culturale présentent une diversité et richesse spécifique supérieures ayant une influence sur le cycle des nutriments et favorisant une meilleure résilience face aux stress biotiques (maladies) et abiotiques[15][16].
Enfin, Quentin fait des mélanges intraspécifiques pour son blé. Les mélanges variétaux présenteraient différents avantages s’ils sont correctement raisonnés (choix des variétés…):
- Économie en produits phytosanitaires. Par exemple, une expérimentation d’Arvalis a montré que 7% de produits phytosanitaires peuvent être économisés contre la septoriose grâce à un mélange en comparaison à une culture pure[17].
- Effets sur les rendements variables. Le rendement peut être stable mais peut aussi augmenter. Cette augmentation est d’autant plus importante avec des variétés présentant une plus grande diversité de traits fonctionnels favorisant le développement et la réussite du blé. Ceci se ferait par une modification du microclimat par des architectures de plantes différentes, des plants résistants freinant le développement de maladies, et fournissant une meilleure résilience face aux stress abiotiques (faible taux de matière organique et de disponibilité des nutriments)[18][17].
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 et 1,4 https://ephy.anses.fr/substance/glyphosate
- ↑ 2,0 et 2,1 https://www.eurochemfrance.fr/product/ammonitrate-335/
- ↑ https://ephy.anses.fr/ppp/fenova-super
- ↑ https://ephy.anses.fr/ppp/quattro
- ↑ Eric Scopel, Antoine Findeling, Enrique Chavez Guerra, Marc Corbeels. 2005. Impact of direct sowing mulch-based cropping systems on soil carbon, soil erosion and maize yield. Agronomy for Sustainable Development, 25 (4), pp.425-432. https://hal.science/hal-00886259/
- ↑ Dridiger V.K., Ivanov A.L., Belobrov V.P., Kutovaya O.V. 2020. Rehabilitation of Soil Properties by Using Direct Seeding Technology. Eurasian Soil Sc. 53, 1293–1301. https://doi.org/10.1134/S1064229320090033
- ↑ Werner J., Urs Z., Thomas A., Brigitte D., Marcel Van der Heijden. 2011. Un travail du sol réduit protège les vers de terre. Recherche Agronomique Suisse 2 (10) : 432–439
- ↑ AgroLeague, https://www.agro-league.com/semis-direct
- ↑ Bazaya B.R., Sen A., Srivastava V.K. 2009. Planting methods and nitrogen effects on crop yield and soil quality under direct seeded rice in the Indo-Gangetic plains of eastern India. Soil and Tillage Research, 105 : 27-32. https://doi.org/10.1016/j.still.2009.05.006
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