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Ferme de Lavaud

De Triple Performance
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Ferme en polyculture-élevage
Cédric Meunier
Institut Agro Montpellier Haute-Vienne (département) Polyculture-élevage

Vaches laitières CédricMeunier.jpg

Introduction

Cédric Meunier est un pionnier dans son secteur. Il cherche toujours à tester, échouer si besoin et solutionner. Il n’a pas peur d’innover pour atteindre ses objectifs. Il souhaite une autonomie maximale de son exploitation en produisant ses propres céréales, son fourrage et un maximum de protéines pour nourrir son troupeau.

Contexte

  • Nom de l’exploitation : GAEC de Lavaud
  • Localisation :  Blanzac, Limousin (87)
  • SAU : 350 ha
  • Production : Polyculture élevage
  • Cultures : 100 ha de céréales (orge, triticale, blé, soja, maïs, sorgho) , 100 ha de méteil, 70 ha de prairies permanentes et 100 ha de prairies temporaires.
  • Cheptel : 65 vaches laitières, 80 vaches allaitantes (Limousines)
  • UTH : 4,5
  • Sol :
    • Texture : Limono-sableux
    • Taux de MO : 3%
    • pH du sol : 7
    • C/N : 12
    • CEC : 7,4
  • Climat :
    • Pluviométrie annuelle moyenne : 1100 mm/an
    • T° moyenne : 11,5°C
    • Type de climat : chaud et tempéré, avec de fortes averses tout au long de l’année (classification cfb d’après Koppen)

Historique

  • 2003 : Installation de Cédric avec un troupeau ovin.
  • 2008 : Association avec Michel Concaud (cousin par alliance) dans le GAEC de Lavaud. Ce dernier compte alors 800 ha, 700 brebis, 160 vaches limousines et 140 vaches laitières.
  • 2018 : Participation à l’école de la méthanisation, lancement des pratiques agroécologiques, fait des tests avec Arvalis.
  • 2020 : Restructuration de l’exploitation, vente d’hectares, arrêt de la prestation de ferme à façon et arrêt de l’élevage ovin. Passage de 800 ha à 450 ha.
  • 2024 : Rachat d’une majorité des parts du GAEC par Cédric Meunier en prévision du départ à la retraite de Michel.
  • Aujourd'hui : Le GAEC compte aujourd’hui 80 vaches limousines, 65 vaches laitières, 100 ha de céréales, 100 ha de méteil, 100 ha de prairies temporaires et 70 ha de prairies permanentes. Cédric et Michel sont associés sur le GAEC. Ils ont 1 salarié à plein temps ainsi que 2 apprentis, en vue d’une entrée dans le GAEC.

Vers une agriculture plus durable

Etapes de transition

C’est à la suite de sa participation à l’école de méthanisation en 2018, sans lancer de projet de méthanisation lui-même, que Cédric se lance dans une transition de production plus durable. Bien que sceptique au début, Michel le suit.

Cédric sème alors des couverts végétaux, allonge ses rotations, fait des associations de cultures ou encore fait des mélanges d’espèces. De plus, il supprime l’utilisation de fongicides dans ses cultures.

Il se lance également dans des tests de cultures aux côtés d’Arvalis.

Aujourd’hui, c’est par ses propres recherches qu’il teste de nouvelles cultures telle que sweet-grass, semée en 2023 pour une 1ère récolte en 2025. Il n’a pas peur d’échouer ou de réussir pour combattre les préjugés.

Objectifs

Ses lignes de conduite pour gérer son exploitation sont les suivantes :

Pour cela, il a plusieurs objectifs :

  • réapprendre à cultiver les prairies, en effet selon lui, il s’agit d’un point faible de l’exploitation, et de l’agriculture actuelle. Il s’agit d’un point essentiel qui a longtemps été oublié. Il n’a pas hésité à le mettre à l’ordre du jour lors de réunions avec le GIEE.
  • installer un projet de panneaux photovoltaïques sur prairies. Cédric possède déjà plusieurs bâtiments photovoltaïques. Il a lancé un nouveau projet d’installation de panneaux photovoltaïques dans ses prairies qui pourraient offrir un abri à ses vaches et un complément de revenu.
  • autonomie protéique, notamment grâce aux associations de cultures telles que céréales/féveroles pour augmenter la proportion de MAT (matière azotée totale) dans ses rations. Cependant, les conditions d’implantation sont difficiles. Par exemple, la luzerne est difficile à implanter, ceci est dû à un mauvais pH et des sols hydromorphes, idem pour le trèfle qui ne persiste qu’un an.
  • améliorer la capacité de fertilisation de ses effluents. Il va bâcher ses tas de fumier et de copeaux de bois pour garder les éléments jusqu’à l’épandage.

Effets des pratiques

Depuis la mise en place de ces nouvelles pratiques, Cédric observe une amélioration de la vie de ses sols. Les taux de matière organique dans ses sols tendent à augmenter. De plus, l’utilisation de tous les effluents d’élevage lui ont permis de réduire ses charges financières. De manière générale, ces nouvelles pratiques lui permettent d’être de plus en plus autonome sur son exploitation et d’investir le temps et l’argent gagnés sur de nouveaux projets, de nouveaux bâtiments et sur sa vie de famille.

Expérimentations et objectifs à venir

Prochainement, Cédric va récolter un semis-test de sweet-grass, plante pérenne, semée en 2023. Cette plante permettrait de produire beaucoup de matière sèche pour l’alimentation de son cheptel. Bien que toujours en réflexion, il souhaiterait tenter d’implanter de la maralfalfa. Cette plante produirait 10 à 14% de MAT et 200 à 300 t de biomasse par hectare.

De plus, Cédric a pour objectif d’apprendre à mieux gérer les bois de taille, les haies et les bosquets naturels entourant ses champs pour en faire du paillage. Ceci répondrait au problème limitant de l’exploitation : la production de paille, une difficulté étendue à la région à cause d’une forte pression de compétition pour ce bien.

Finalement, Cédric et Michel préparent la suite du GAEC. Michel va prendre rapidement sa retraite. Mais l’avenir est assuré. Emma (apprentie) et Quentin (salarié) sont sur la voie d’intégrer le GAEC dans les prochaines années. Et ils ont tous les deux une place importante au sein du fonctionnement. Emma est responsable du robot de traite, de l’alimentation des veaux et de la partie déclaration des naissances. Quentin, quant à lui, s’occupe de toute la partie machinisme.

Système de production

Production végétale

Cédric Meunier et son associé cultivent 200 ha de grandes cultures, 70 ha de prairies permanentes et 100 ha de prairies temporaires.


Rotation et assolement

Les 200 ha de grandes cultures sont destinés à l’alimentation du troupeau et sont mis en rotation avec les prairies temporaires, ce qui nous donne approximativement ⅓ de maïs, ⅓ de cultures fourragères et ⅓ de prairies temporaires en excluant les prairies permanentes.

A l’heure actuelle, la rotation type est : prairie trèfles (4-5ans) →  maïs →  méteil → maïs → céréales à paille ou protéagineuses.

Dès que possible, Cédric met en place des couverts d’interculture après récolte, labour et semis traditionnel. En général, le couvert est récolté pour l’alimentation du troupeau.

Cédric a testé plusieurs autres cultures et en teste encore à l’heure actuelle. Il a testé par exemple le soja, le chanvre ou encore le sweet-grass. Le soja a bien fonctionné sur son exploitation. Cependant, le chanvre fut un échec à cause des conditions climatiques non adaptées et d’un manque de filière dans le secteur. Finalement, la première récolte de sweet-grass sera cette année, les résultats sont à suivre.

Matériel et techniques culturales

Cédric travaille ses sols avant semis, et utilise un semoir standard. Il a recours aux désherbants chimiques et n’utilise pas de fongicide pour ses céréales. La majeure partie de la fertilisation des cultures est assurée par l’épandage d'effluents d’élevage, mais Cédric complémente en général avec un camion d’azote par an soit 30t.

Cédric utilise au maximum les semences produites sur la ferme, qui sont soufflées, triées et stockées en big bag sur la ferme. Il possède un cyclone pour dépoussiérer et une table de tri.

Le matériel de la ferme est très divers puisque Cédric et son associé gardent une grande partie du vieux matériel et les réparent. Ils disposent donc de nombreux outils en double tels que les andaineuses.

On compte aussi dix tracteurs sur l’exploitation, dont certains datent de l’installation de Cédric en 2003.

Itinéraire technique

Maïs

Cédric produit du maïs pour l’alimentation de son troupeau. Cette production est intégrée dans une rotation réfléchie. Il épand du fumier avant de semer. Il produit en général 10 à 12t de MS.

Prairies temporaires

Les parcelles accueillant les prairies temporaires sont labourées à la suite de cultures précédentes puis semées traditionnellement avec un mélange de légumineuses et de graminées : fétuque, dactyle, ray-grass et trèfles à 60%.

Les prairies sont fauchées trois fois par an. Il arrive à produire 6t de MS/ha.

Prairies permanentes

Les prairies permanentes sont plutôt anciennes, la plus vieille date d’un siècle. Elles sont destinées principalement au pâturage des limousines.

Production animale

Photo des génisses de Cédric Meunier

Bovins lait

Le troupeau de production laitière est composé de 65 vaches de races croisées Prim’Holstein et Simmental.

Cédric garde toutes les femelles nées sur l’exploitation et les mets à la reproduction en monte naturelle. Ils effectuent un premier tri si les femelles ne sont pas pleines, elles partent dans le troupeau des Limousines et deviennent des vaches allaitantes.

Le reste des reproductions est assuré en insémination artificielle par son associé Michel.

La traite est assurée par un robot 24H/24 et 7j/7. En général, on compte 2,7 traites par jour par vache. Le robot récolte le lait, qui est ensuite stocké dans un tank à lait. Le robot donne une ration complémentaire en protéines à la vache selon ses performances en quantité de lait produite. La production annuelle est de 680 000 L/an.

Les vaches laitières consomment les fourrages produits sur la ferme ainsi que des compléments minéraux pour assurer la qualité du lait.

Photo du robot de traite (9 ans)

Bovins viande

Le troupeau de vaches allaitantes est composé à 100% de race Limousine pure. Elles sont au pâturage toute l’année sauf pour le premier vêlage qui se fait en bâtiment, où elles consomment les fourrages de la ferme.

Le pâturage est dit tournant, et le troupeau est en rotation régulière (toutes les semaines) sur les parcelles, principalement dû à la petite taille de celles-ci (quelques hectares).

La reproduction est assurée par monte naturelle par un taureau Limousin, donné par un éleveur voisin.

Photo de taurillons Limousins

Gestion des maladies et bien-être animal

Cédric n’applique pas de traitements systématiques et privilégie les traitements préventifs, pour la grippe par exemple. Le troupeau est porteur à 98% d’une maladie : la MHE, qui a été introduite par un taureau acheté il y a quelques années. Les vaches sont porteuses mais ne déclarent pas la maladie pour la majorité. Cédric est vigilant vis-à-vis de l’arrivée de la tuberculose dans le cheptel français.

D’après Cédric, les vaches ne sont pas stressées, notamment les vaches laitières en bâtiment, dont les conditions ont bien évolué, en témoignent la bonne production de lait, le faible stress du troupeau et les rares blessures observées.

Complémentarité des productions

Les pratiques de Cédric Meunier et de son associé reposent principalement sur la complémentarité entre les cultures et les deux ateliers d’élevage.

Ses grandes surfaces de grandes cultures et de prairies permettent une bonne autonomie en fourrage de l’exploitation, pour les vaches laitières et allaitantes, ainsi que des économies importantes. Être autonome en fourrage permet de réduire considérablement les dépenses et ainsi de pouvoir réinvestir dans le développement de l’exploitation.

En retour, les effluents des deux ateliers d’élevage permettent de fertiliser les surfaces cultivées et d’assurer des taux de matières organiques et une nutrition azotée suffisante, tout en limitant l’achat d’intrants.

Les couverts végétaux mis en place par Cédric permettent un apport supplémentaire en fourrage.

Impacts des pratiques innovantes sur ce système

Cédric observe de nombreuses améliorations par la mise en place de différentes pratiques innovantes.

Les apports importants en fumier ont permis de limiter grandement l’achat de fertilisants minéraux, mais aussi d’améliorer les taux de matière organique dans les cultures, même si Cédric considère qu’il peut encore mieux faire.

Les associations céréale-féverole mises en place montrent de bons résultats, avec une nutrition azotée importante en sortie d’hiver.

Les couverts végétaux permettent d’étoffer l’offre fourragère en plus de couvrir les sols en interculture. L’utilisation de méteil montre aussi des performances remarquables avec des rendements de 6 t MS/ha, et produisant une ration riche en MAT.

Stockage et commercialisation de la production

Bovins lait

Le lait est commercialisé par la laiterie LSDH. Ils récoltent tous les trois jours dans le tank à lait de Cédric. Il est important de préciser que le tank à lait appartient à Cédric et il en va de même pour le lait stocké à l’intérieur.  

Les vaches laitières de réforme sont vendues au boucher, le croisement de race permettant une bonne valorisation de la viande.

Bovins viande

Les limousines sont vendues à un boucher en Charente dès que Cédric en a besoin, environ tous les mois. Elles partent en camion depuis l’exploitation et Cédric est rémunéré au “juste prix”, selon lui, avant le départ des vaches.

Cultures

Le foin et l’enrubanné sont conservés en balles sous les bâtiments solaires de la ferme. Les céréales sont stockées dans des big bags sur l’exploitation et sont à destiner du semis pour l’année suivante et de l’alimentation du troupeau exclusivement.

Bilan social

Cédric collabore exclusivement avec des entreprises privées pour la commercialisation de sa production et pour le conseil. Il fait appel à des nutritionnistes et des conseillers privés. Il a arrêté de travailler avec des coopératives il y a 10 ans puisque les contraintes de production étaient trop fortes, et il ne fait pas partie d’une CUMA puisqu’il possède tout le matériel nécessaire.

Cédric fait partie d’un GIEE qui lui permet de partager son expérience avec d’autres agriculteurs et de s’entraider. Il se sent bien entouré et passionné. Il reçoit aussi des écoles pour partager ses connaissances et former les étudiants à l’insémination artificielle par exemple. De plus, il accueille une dizaine de stagiaires par an ainsi que des apprentis. D’après l’exploitant, la main-d'œuvre est accessible mais elle n'est pas suffisamment qualifiée et fiable. Enfin, Cédric participe à de nombreuses réunions pour échanger sur différentes thématiques.

Ce qui est difficile pour Cédric, c'est le regard parfois jugeant que les autres portent sur son exploitation et sa façon de faire. Pourtant, il persévère dans ses choix et reste fidèle à ses convictions.

Sur l’exploitation, le travail est réparti entre 4-5 personnes :

  • Cédric qui nourrit tous les jours le cheptel et s’occupe de la partie administrative. Il travaille de 7h à 12h puis de 15h à 21h.
  • Michel s’occupe des vaches allaitantes limousines avec les vêlages et le bouclage des veaux
  • Emma, l’apprentie, prend en charge notamment les veaux, le robot de traite, les déclarations des naissances
  • Quentin, un des salariés, gère le reste avec notamment la partie machinisme

Bilan économique

Cédric est globalement satisfait de son exploitation. Il nous a confié : “tout ce que je gagne, je réinvestis”. Actuellement, sur l’exploitation, de nombreux travaux sont en cours pour agrandir les bâtiments d’élevage et bétonner la cour pour rendre le travail plus confortable.

L’exploitant cherche à encore améliorer ses rendements pour être de plus en plus autonome pour nourrir ses animaux.

Enjeux et perspectives

Transition dans le contexte local

Un des enjeux locaux majeurs du territoire est le photovoltaïque[1]. Les panneaux solaires se développent particulièrement sur des parcelles dédiées à l'élevage de moutons. En effet, l'intégration de panneaux solaires sur ces terrains permet de combiner production d'énergie renouvelable et maintien de l'activité agricole.

Aujourd’hui, Cédric veut agrandir sa surface de panneaux et en implanter sur des parcelles de pâturage bovin. Pour se faire, il faut des panneaux à une hauteur de 3 mètres avec des trackers pour gérer l'ensoleillement des pâtures.

Conseil aux autres agriculteurs

Cédric ne se sent pas légitime de donner des conseils aux agriculteurs. Il précise de “faire ce qu’ils ont envie de faire” et de “faire des tests”. En effet, Cédric n’a jamais hésité à tester de nouvelles cultures ou nouvelles techniques malgré les avis contraires et les échecs.

Discussion des pratiques innovantes

D’un point de vue agroécologique, plusieurs pratiques sont mises en place sur l’exploitation pour tendre vers une agriculture plus durable :

Associer des cultures[3] sur une même parcelle permet d'optimiser l'utilisation des ressources disponibles (eau, nutriments, lumière), de favoriser la biodiversité et de réduire les risques de maladies, de ravageurs et d’adventices en diversifiant les cultures. Il est possible de diversifier avec des mélanges d’espèces et/ou variétés différentes. Étant donné que le risque de maladies et de ravageurs est limité, voire éliminé, l'utilisation de fongicides n'est plus forcément nécessaire. Cette technique peut également améliorer la structure du sol et offrir des bénéfices écologiques. Finalement, l'association de cultures céréale-légumineuse permet d'augmenter la vigueur des légumineuses et d'augmenter la portion protéique (MAT) dans les rations alimentaire du troupeau.


La version initiale de cet article a été rédigée par Antoine Bonnet, Lucie Sabotier et Noémie Blanc-Simon,



Sources et références

  1. Picon-Cochard, C., 2022. L’agrivoltaisme en élevage, INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. France.
  2. Laurent Bedoussac, Albouy Lisa, Deschamps Elina, Chloé Salembier, Marie-Hélène Jeuffroy. De la théorie à la mise en pratique des mélanges d'espèces. , 108p., 2022.
  3. Elise Pelzer, Laurent Bedoussac, Guenaelle Corre - Hellou, Marie-Hélène Jeuffroy, Thierry Métivier, et al.. Association de cultures annuelles combinant une légumineuse et une céréale :  retours d’expériences d’agriculteurs et analyse. Innovations Agronomiques, 2014, 40, pp.73-91.
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