Humification – maintenir et améliorer la fertilité du sol

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L’humus joue un rôle central dans la fertilité du sol et remplit de multiples fonctions : il fournit des éléments nutritifs, améliore la structure du sol, augmente la capacité de rétention d’eau du sol, protège celui-ci de l’érosion et favorise l’activité des organismes du sol. Les sols riches en humus garantissent non seulement de bons rendements, mais ils améliorent aussi la résilience des cultures agricoles face aux longues périodes de sécheresse ou aux précipitations intenses. En raison des effets du changement climatique, la recherche se concentre de plus en plus sur le rôle de l’humus dans l’atténuation des effets de ce dérèglement, et ce, bien au-delà du seul domaine de l’agriculture biologique. Après une période de baisse de la teneur en humus des terres cultivables suisses, les valeurs sont restées stables ces dernières décennies. Cependant, le potentiel de formation d’humus est loin d’être pleinement exploité. De nombreuses mesures pourraient être facilement intégrées dans les pratiques agricoles courantes. L’expérience montre qu’une stratégie d’enrichissement en humus adaptée aux conditions spécifiques de l’exploitation permet de tirer le meilleur parti de ces avantages. La fiche technique explique les bases de la gestion de l’humus, présente les principales mesures d’amélioration et fournit des conseils pour planifier des stratégies spécifiques à l’exploitation.

Qu’est-ce que l’humus?

L’humus est l’ensemble de la matière organique morte du sol. Tous les matériaux organiques de départ d’origine végétale, animale et microbienne sont transformés dans le sol par des microorganismes. Comme les matériaux de départ ont des compositions différentes, l’humus est un mélange très hétérogène de différentes substances organiques. L’humus confère une couleur foncée au sol. La couleur du sol peut donc fournir de premières indications sur sa teneur en humus. Dans les sols minéraux, l’humus se concentre surtout dans la couche supérieure du sol, là où la matière organique abonde et où l’activité microbienne est la plus intense. C’est pourquoi les sols minéraux sont généralement plus clairs en profondeur.

Pourquoi l’humus est-il important?

L’érosion peut entraîner la perte de grandes quantités de terre arable fertile en peu de temps.

Agent structurant

L’humus contribue à assembler les particules du sol en agrégats stables. La structure du sol devient grumeleuse et poreuse. Une bonne structure du sol améliore la circulation de l’air, accélère le réchauf­fement printanier, facilite l’infiltration de l’eau et réduit l’érosion du sol par l’eau et le vent. Elle favo­rise également la croissance racinaire et augmente la résistance mécanique au tassement. L’humus peut donc compenser partiellement les propriétés néga­tives des sols argileux (mauvaise aération, infiltra­tion lente de l’eau, sensibilité au compactage), des sols limoneux (sensibilité à l’érosion et à la battance) et des sols sableux (mauvaise capacité de rétention d’eau et des éléments nutritifs).

Façonneur d’habitat

Illustration 1: Effets positifs de l’humus. L’humus a des effets positifs tant sur les propriétés chimiques que sur les propriétés physiques et biologiques du sol. L’humus contribue à la bonne croissance des plantes, à la protection du sol contre l’érosion et à la diversité écologique du sol.

L’humus est étroitement lié aux organismes vivants dans le sol. D’une part, il sert de source de nourri­ture à la plupart des organismes. Pendant la trans­formation biologique, les nutriments contenus dans la matière organique morte sont mobilisés et ren­dus disponibles pour ces organismes et les plantes. D’autre part, lors des processus de transformation, une partie de l’humus est étroitement liée à la sub­stance minérale du sol (complexes argilo-­humiques) et est ainsi protégée contre toute dégradation ulté­rieure. L’humus lié aux minéraux argileux contri­bue de manière déterminante à l’amélioration de la structure du sol. Tous les organismes dans le sol, des organismes unicellulaires aux vers de terre, par­ticipent à ces processus.

Réservoir et source de nutriments

Outre le carbone, l’humus se compose principale­ment d’oxygène, d’hydrogène, d’azote, de phos­phore et de soufre. Avec un taux de minéralisa­tion annuel estimé à 1–3 %, 10–300 kg d’azote sont libérés par hectare, selon la teneur en humus du sol. Environ un tiers est assimilable par les plantes. L’humus est donc une source importante d’azote et de phosphore, mais pas de potassium. En raison de la décomposition microbienne, la libération des éléments nutritifs liés se fait de manière continue. Compte tenu de son importante surface d’échange, l’humus dispose d’une très grande capacité de fixation des éléments nutritifs, qui peut dépasser celle de l’argile. L’humus accroît donc la capacité d’échange cationique du sol et empêche le lessivage des éléments nutritifs chargés positivement.

Séquestration du carbone pour freiner le changement climatique

L’humus est composé en moyenne de 50 % de carbone et constitue le plus grand puit de carbone du sol. Une augmentation de la teneur en humus du sol permet de réduire la quantité de dioxyde de carbone, puissant gaz à effet de serre, présente dans l’atmosphère. Le maintien d’une teneur en humus élevée dans les sols peut contribuer de manière déterminante à l’atténuation du changement climatique. L’initiative «4 pour 1000», lancée lors de la Conférence des Nations unies sur le climat à Paris en 2015, montre qu’une augmentation de la teneur en humus de 0,4 % par an par rapport à la valeur actuelle, dans les 30–40 premiers centimètres de l’ensemble des sols de la planète, pourrait stopper l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère.

Une grande partie des continents est toutefois constituée de déserts ou recouverte de forêts. Sur d’autres surfaces, il faut s’attendre à une diminution de la teneur en humus en raison du réchauffement climatique. Certaines surfaces agricoles ont déjà atteint leur potentiel local et l’humus peut à nouveau être perdu en raison d’une gestion inappropriée et entraîner des émissions de CO2.

L’agriculture dispose donc d’un potentiel important pour freiner le changement climatique grâce à une meilleure gestion de l’humus, mais elle ne peut pas accomplir cette tâche seule.

L’humus en quelques chiffres

  • L’humus est composé de 40–70 % de carbone (C), de 5 % d’azote (N) et d’autres éléments comme l’oxygène, l’hydrogène, le phosphore, le soufre, le calcium, le magnésium, etc. 
  • Il n’est pas possible de déterminer directement et avec précision la teneur en humus d’un sol. La méthode standard consiste à mesurer la teneur en carbone organique (Corg ou OC) en brûlant un échantillon de sol à plus de 900 °C dans un analyseur élémentaire. On obtient ainsi la teneur en Corg. La teneur en humus est calculée en multipliant Corg avec le facteur 1,725.
  • Les sols suisses contiennent entre 0,5 et 4,5 % de Corg dans les 20 premiers centimètres. Cela correspond à 10 à 100 t de Corg, ou 17 à 172 t d’humus par hectare.Le test à la bêche permet une évaluation facile et rapide de la structure du sol. Une bonne  structure de sol avec de petits  agrégats arrondis indique une teneur élevée en humus par  rapport à  l’argile.

Quelle est la teneur idéale en humus?

Le test à la bêche permet une évaluation facile et rapide de la structure du sol. Une bonne structure de sol avec de petits agrégats arrondis indique une teneur élevée en humus par rapport à l’argile.

Outre les méthodes culturales, la teneur en humus des sols dépend en premier lieu de leur teneur en ar­gile, un composant des complexes argilo-­humiques stables. Lors de l’évaluation de la teneur en humus, il convient donc de ne pas seulement tenir compte de la teneur absolue en humus, mais aussi du rap­port humus/argile. Les sols sableux avec une faible teneur en argile (<10 %) ne peuvent stocker que peu d’humus. Les sols lourds dont la teneur en argile est supérieure à 40 % ont généralement des teneurs en humus plus élevées. Ils ont besoin de plus d’humus que les sols sableux pour former une structure grumeleuse.

Tableau : évaluation de la teneur en humus en fonction de la teneur en argile
Teneur en humus par rapport à la teneur en argile Évaluation
< 12 % Insuffisant
12–17 % Modéré
17–24 % Bon
> 24 % Très bon

Exemple 1 : Teneur en argile 15 %, en Corg 1,9 %:

Teneur en humus = Corg × 1,725  =  3,3 %

Humus/Argile = 3,3 % /15 % = 0,22 (22 %; bonne)

Exemple 2 : Teneur en argile 35 %, en Corg  2,9 %:

Teneur en humus = Corg × 1,725  =  5,0 %

Humus/Argile = 5,0 % /35 % = 0,14 (14 %; moyenne)

Maîtriser les facteurs d’influence – exploiter les potentiels

Pour utiliser au mieux les potentiels existants et gérer efficacement l’humus sur son exploitation, il convient de bien connaître les facteurs qui régulent la teneur en humus du sol.

Caractéristiques du site

La teneur en humus d’un sol dépend du type de sol, de l’exposition, du régime hydrique et du climat. La plupart des caractéristiques d’un site ne peuvent pas être influencées par les techniques culturales. Mais il est important de bien connaître un site pour pouvoir évaluer le potentiel d’humification du sol.

Principales règles liées au site

  • Un sol appauvri en humus a un potentiel  d’enrichissement plus élevé qu’un sol fertile. 
  • Les sols sableux ont un faible potentiel  d’accumulation  d’humus.
  • Sous un climat doux et humide, l’humification de la matière organique et la minéralisation de l’humus sont plus rapides que sous un climat froid et sec.
  • Dans les sols riches en matière organique et bien drainés, la minéralisation de l’humus est particulièrement élevée.
  • Sur les terrains en pente, l’érosion peut égale­ment entraîner des pertes d’humus.
  • Les teneurs en humus peuvent varier très forte­ment au sein d’une même parcelle.

Important à savoir

  • La teneur en argile doit être prise en compte lors de l’évaluation de la teneur en humus.
  • Chaque site est unique et difficilement comparable à d’autres sites. La même teneur peut être évaluée comme bonne pour un site et insuffisant pour un autre.
  • Le climat et la météo influencent également la teneur en humus. Il est donc judicieux de toujours prélever les échantillons de sol à la même période de l’année pour pouvoir les comparer.
Illustration 2 : Facteurs d’influence sur la gestion de l’humus

Rotation des cultures

Les prairies permanentes présentent les teneurs en humus les plus élevées. Sur les terres assolées avec une part importante de cultures sarclées ou de légumes de plein champ, la perte d’humus est plus importante que sur une exploitation avec une part importante de prairies temporaires, de céréales, de maïs grain et de légumineuses à graines. En effet, les restitutions des résidus de culture obligatoires (racines, cannes) ou facultatifs (pailles) tout au long de la rotation compensent la minéralisation naturelle de l’humus. D’autre part, le travail intensif du sol et l’absence de couverture végétale accélèrent la perte d’humus. La rotation des cultures détermine la fréquence et l’intensité du travail du sol, la manière dont l’activité biologique du sol sera stimulée, ainsi que la durée et la densité du couvert végétal.

Outre les critères économiques et agronomiques, les effets de la rotation des cultures sur la teneur en humus doivent également être pris en compte lors de la planification des cultures. Une trop forte décomposition de l’humus due à des cultures très exigeantes en éléments nutritifs peut également avoir des conséquences financières négatives en raison d’une baisse de la fertilité des sols.


Important à savoir

  • Afin de réduire les pertes d’humus dues à l’érosion et de favoriser la formation d’humus par un couvert végétal, il convient d’assurer une couverture du sol aussi continue que possible par des sous-semis et des cultures dérobées.
  • Les cultures consommatrices d’humus doivent être suivies, si possible, par des cultures  productrices  d’humus.
Illustration 3 : Cultures consommatrices et productrices d'humus
Les résidus de récolte du soja sont riches en azote et favorisent la croissance et l’activité des microorganismes du sol. Cela contribue à une meilleure décomposition de la matière organique et à une formation accrue d’humus.

Couverts végétaux

De nombreux couverts végétaux ont été développés au cours des dernières années. Les semis purs sont de plus en plus remplacés par des mélanges qui as­surent une production élevée de biomasse et dont les racines explorent différents horizons du sol. La combinaison de différentes espèces et familles de plantes favorise également le développement de populations de microorganismes très diversifiées.

Couvrir le sol

Les sous-­semis de prairies, dérobées ou couverts végétaux, ainsi que le semis de plantes compagnes peuvent contribuer à une couverture continue du sol.  Ces  différentes  techniques  permettent  égale­ment de réguler les ravageurs (en particulier dans le colza), d’entraver le développement des mau­vaises herbes, de prévenir l’érosion (en particulier dans les cultures sarclées), d’offrir une protection et de la nourriture aux insectes utiles et de réguler la température du sol. Les couverts riches en légumi­neuses fournissent de l’azote à la culture suivante. Les plantes compagnes remplissent leur fonction au début de la culture et gèlent ensuite, comme dans la culture de colza, alors que les sous­semis jouent leur rôle après la récolte de la culture principale, comme dans la culture de céréales.

Pour faire face aux échecs des couverts végé­taux semés après moisson durant les fortes chaleurs, la technique des sous­semis gagne en importance. Il s’agit d’anticiper leur installation avant les grandes chaleurs pour assurer une production de biomasse élevée dès que l’eau est à nouveau disponible.

Les sous-­semis sont néanmoins plus exigeants en matière de conduite des cultures, car s’ils sont inadaptés, ils risquent de concurrencer la culture principale pour l’eau, les éléments nutritifs et la lu­mière. Les sous-­semis, dont le développement est trop vigoureux, peuvent avoir un effet négatif sur le rendement et la qualité de la culture principale et rendre la récolte plus difficile. Dès lors, l’objec­tif d’un sous­-semis est d’anticiper l’installation de la couverture végétale pour pouvoir produire une biomasse sitôt la moisson effectuée et durant l’inter­culture. Plus la conduite de la culture principale est intensive, moins le sous-­semis risque de se dévelop­per, pouvant conduire à une végétation lacunaire peu productive.

Les sous-­semis dans les céréales peuvent être uti­lisés après la récolte comme dérobées fourragères ou prairies temporaires pluriannuelles, mais leur récolte fait perdre leur premier objectif de régénéra­tion de l’humus. Les mélanges spécialement conçus pour les sous­-semis produisent moins de biomasse que les mélanges fourragers standards installés après moisson. 

Traditionnellement, les sous­-semis sont mis en place au printemps, avec ou après le dernier pas­sage de herse étrille. Dans les régions où le prin­temps est sec, Les sous­-semis peuvent aussi être réalisés dès l’automne en même temps que le semis de la culture principale. Dans ce cas, il est recom­mandé de ne pas utiliser de mélanges fourragers à croissance vigoureuse.

Prendre en compte le rapport C/N

Le degré de maturité de la biomasse des couverts végétaux au moment de l’enfouissement détermine ce qui se passe dans le sol. Une teneur élevée en N (rapport C/N <15, p. ex. les engrais verts avec une forte proportion de légumineuses ou une biomasse très jeune) favorise une décomposition rapide et l’azote excédentaire sera disponible pour la culture suivante. Cependant, une décomposition rapide comporte également un risque de pertes de nitrates si la culture suivante ne peut pas utiliser les quantités disponibles. Un rapport C/N de 15–20 est optimal pour une bonne décomposition de la biomasse. Les mélanges équilibrés à base de légumineuses, ainsi que les couverts au début de leur floraison présentent généralement une telle composition. Un rapport C/N supérieur à 20 (p. ex. un couvert lignifié après l’hiver) présente une teneur en C élevée. Si le déficit en azote n’est pas compensé par l’incorporation de lisier ou l’apport d’engrais du commerce, l’azote nécessaire à la décomposition est prélevé dans la solution du sol. Il peut en résulter une concurrence pour l’azote entre les organismes du sol et la culture, appelée faim d’azote, et un ralentissement de la minéralisation. Un rapport C/N élevé (large) favorise plutôt la formation d’humus, un rapport C/N bas (étroit) accroît la quantité d’azote disponible.

Important à savoir

  • Il est essentiel que le sol soit protégé par un couvert végétal pendant l’hiver. Les espèces qui restent en place pendant l’hiver doivent se situer au bon stade physiologique et tolérer de basses températures.
  • Ne pas utiliser des espèces de la même famille que la culture principale. Si des pois sont intégrés dans la rotation des cultures, ne pas semer d’engrais verts à base de pois ou de vesces dans la culture suivante. D’autres légumineuses, comme le trèfle, posent moins de problèmes.
  • Les mélanges d’engrais verts riches en espèces diverses sont préférables aux semis purs car ils ont des effets plus positifs sur la fertilité du sol, la lutte contre les mauvaises herbes, la fiabilité à la levée et la biodiversité.

Mulch de transfert – transmission ciblée de biomasse

L’intégration du mulch de transfert dans les exploitations de grandes cultures et de cultures maraîchères à faible production animale permet de mieux boucler les cycles dans l’exploitation.

Le mulch de transfert constitue une possibilité de boucler le cycle des éléments nutritifs dans les exploitations sans bétail. La couche de mulch permet d’améliorer l’équilibre thermique et hydrique dans les cultures intensives et exigeantes en eau comme les pommes de terre ou les légumes de plein champ. Elle peut également aider à lutter contre les mauvaises herbes. L’offre de matière fraiche et le meilleur équilibre hydrique et thermique stimulent l’activité biologique du sol.

Le rapport C/N du mulch détermine son effet sur l’humus et l’offre en azote. Pour empêcher le développement des mauvaises herbes, il est préférable d’avoir un rapport C/N «large» afin que le paillis ne se décompose pas trop rapidement. Un rapport C/N «étroit» est important pour que l’effet nutritif soit rapide.

Différents substrats conviennent pour le mulch de transfert:

  • Biomasse verte d’une surface extérieure
  • Ensilage sous forme de mulch fermenté
  • Foin/roseaux sous forme de mulch sec

Les types de mulch de transfert varient selon les exploitations et leur disponibilité est soumise à des utilisations plus judicieuses. Selon le type de végétation de la surface émettrice et l’épaisseur souhaitée de la couche de mulch, le rapport entre surfaces émettrices et surfaces réceptrices varie de 1:1 à 1:4. La surface émettrice nécessaire ne doit pas être sous-estimée et l’épandage doit être bien planifié. Outre les machines appropriées, des adaptations sur les surfaces réceptrices sont parfois requises (allées de circulation). Il convient de peser le pour et le contre.

Travail du sol

Le travail du sol est un facteur important pour améliorer la fertilité du sol. Des études ont montré que le travail superficiel du sol sans le retourner permet d’enrichir la couche supérieure en matière organique. Il en résulte une meilleure structure du sol et une meilleure portance de la couche arable. Cela permet aussi de lutter contre l’érosion et de préserver l’activité biologique du sol. Les champignons et les vers de terre, en particulier, sont moins dérangés et peuvent mieux déployer leur effet stabilisateur du sol.

Chaque opération de travail du sol fragilise l’humus, et plus le travail du sol est intensif, plus les effets sont délétères. Il s’agit de trouver l’équilibre idéal entre l’utilité agronomique et les dommages causés par la minéralisation de l’humus. Pour le travail du sol, le principe est toujours le suivant: «autant que nécessaire, aussi peu que possible».

Réduire le labour au minimum

Dans de nombreuses fermes bio, le labour sert à la maîtrise des mauvaises herbes vivaces. En outre, il facilite la rompue (retournement des prairies). Mais le développement continu d’outils de travail superficiel du sol permet aujourd’hui de renoncer totalement ou en grande partie au labour profond. Un labour superficiel (au mieux avec une charrue déchaumeuse) contribue à réduire la décomposition de l’humus.


Le travail du sol sans labour (sans retournement) présente toutefois certains défis:

  • Le réchauffement du sol plus compact est ralenti au printemps et peut retarder le développement juvénile de la culture.
  • Le retard du développement juvénile peut entraîner une plus forte pression des mauvaises herbes et un plus grand risque d’infestation par des organismes nuisibles.
  • Les résidus de la culture précédente peuvent obstruer les herses étrilles et les sarcleuses. Broyer les résidus de la culture précédente(broyeur) permet de réduire les risques.

Ameublissement en profondeur pour réduire le compactage

Le passage des machines, la pâture et les processus naturels de tassement rendent le sol plus dense sous l’horizon de terre arable. Cela réduit la perméabilité à l’eau et à l’air, ce qui peut entraîner une baisse de croissance racinaire et une augmentation du stress dû à la sécheresse. Pour éviter cela, il peut être judicieux, selon le type de sol, de l’ameublir plus en profondeur. 

L’ameublissement en profondeur peut être mécanique ou biologique en mettant en place des cultures à enracinement profond. De même, un ameublissement en profondeur par voie mécanique doit impérativement être stabilisé par un système racinaire avant de pouvoir circuler sur le sol, lequel risquerait de s’affaisser à nouveau.

Important à savoir

  • Il est recommandé de changer les techniques de travail du sol progressivement afin de mieux évaluer les effets.
  • L’ameublissement en profondeur par voie mécanique doit s’opérer juste en dessous de l’ancienne semelle de labour (20–30 cm de profondeur). Avant d’ameublir le sol en profondeur, déterminer à l’aide d’une sonde, d’un test à la bêche ou d’un profil de sol si l’ameublissement est nécessaire et à quelle profondeur, et sile sol est suffisamment ressuyé.
  • L’idéal est de procéder au décompactage en profondeur sur une parcelle en engrais vert ou en prairie temporaire, ou juste avant le semis d’une culture à enracinement profond (luzerne, chou de Chine, etc.).
  • Des expériences pratiques ont montré que le sol est particulièrement sensible au compactage si l’ameublissement n’a pas été stabilisé par des racines de plantes pendant plusieurs semaines.
Un travail du sol moins intensif contribue de manière significative à l’amélioration de la fertilité de la couche arable.

Résidus de récolte

Les résidus de récolte en surface et dans le sol contribuent également à la formation de la matière organique du sol. Ce qui vaut pour les couverts végétaux en termes de rapport C/N vaut également pour les résidus de récolte: plus la teneur en lignine (et donc le rapport C/N) est élevée, plus ils se décomposent lentement et contribuent ainsi à la formation d’humus. La paille peut donc bloquer l’azote dans le sol. C’est pourquoi l’idéal dans les fermes avec bétail est de l’apporter au sol sous forme de fumier composté et stabilisé. Pour les fermes sans bétail, un échange paille  fumier est une solution. Sinon le rôle des légumineuses est prépondérant : il s’agit de considérer la gestion des pailles dans l’aménagement de la rotation, le choix et la conduite des couverts végétaux.

L’incorporation au sol des résidus de récolte contenant du carbone, comme la paille, influence positivement la gestion de l’humus.

Important à savoir

  • Si des résidus de récolte avec un rapport C/N élevé restent sur une parcelle, cela peut entraîner un blocage de l’azote au début de la culture suivante, car l’azote disponible est nécessaire aux microorganismes pour la décomposition des résidus.
  • Un apport de lisier sur les chaumes de céréales réduit le rapport C/N des chaumes et favorise ainsi leur décomposition. Toutefois, l’épandage du lisier peut entraîner des pertes d’azote par volatilisation ammoniacale et des éléments nutritifs peuvent être en partie lessivés en raison du manque d’absorption par les plantes.

Engrais de ferme

Dans la plupart des exploitations bio, les engrais de ferme constituent la base de la gestion de l’humus. Mais en général, il existe encore un grand potentiel d’amélioration au niveau de leur utilisation.

Épandage

Contrairement à la fertilisation minérale, la fertili­sation organique n’épuise pas les réserves d’humus et peut même contribuer à la formation d’humus dans le sol. Toutefois, une utilisation inappropriée peut entraîner la perte d’une grande partie des substances nutritives. Celles­-ci ne sont alors plus disponibles pour les cultures et peuvent polluer l’environnement.

Important à savoir

  • Apporter les éléments nutritifs au moment opportun, c’est-à-dire quand ils peuvent être absorbés par les plantes.
  • Éviter les apports sur des sols nus, des sols saturés en eau, pendant de fortes sécheresses ou lors du repos végétatif.
  • Pour favoriser l’humification, il vaut mieux éviter les engrais azotés rapidement assimilables comme le lisier ou le lisier fermenté.
  • De grandes quantités de lisier nuisent aux vers de terre. C’est pourquoi il ne faut pas épandre plus de 25 m³ de lisier par ha et par apport.
  • Une dilution du lisier peut réduire l’effet toxique sur les vers de terre.
  • Un échantillonnage du lisier à certaines périodes clés de l’année livre des informations utiles sur sa concentration en éléments nutritifs. Ces données peuvent également servir les années suivantes.
  • Pour réduire les pertes d’ammoniac (et les émissions d’odeurs), épandre le lisier par des températures fraîches (de préférence le soir) et à proximité du sol (pendillard).
  • Dans les grandes cultures, une incorporation superficielle est recommandée immédiatement après l’épandage.

Préparation

Le traitement des engrais de ferme a pour but d’améliorer leur valeur pour le sol et les plantes et de réduire les pertes d’éléments nutritifs. Le fumier peut être composté, le lisier peut être séparé et dilué.

Du point de vue de la gestion de l’humus, les systèmes de stabulation produisant du fumier sont plus avantageux que ceux qui produisent du lisier.
Les effets sur l’humification sont meilleurs si le fumier est déjà décomposé ou composté.
Composter le fumier

Le compostage du fumier réduit le rapport C/N et, dans le cas d’un fumier riche en paille, améliore la disponibilité des éléments nutritifs et évite le blocage de l’azote. Le carbone contenu dans le fumier composté est transformé en humus et reste donc stocké dans le sol plus longtemps. 

La charge de travail pour produire du fumier composté est relativement importante et nécessite une certaine expérience. Le fumier décomposé est un compromis entre le fumier composté et le fumier frais. Il peut être réalisé en mélangeant les couches et en les stockant de manière lâche sur l’aire à fumier. Le fumier décomposé est mieux toléré par les plantes que le fumier frais et, si celui­-ci est pauvre en paille, l’effet de l’azote sera plus rapide qu’avec du fumier composté. Le fumier composté a toutefois un effet plus positif sur la formation d’humus que le fumier décomposé. Le fumier frais est celui qui a le moins d’effet sur l’humification.

Tableau 2 : Effets des différents types de fumier
Fumier en tas
  • Peu d’effet sur l’humification
  • Blocage de l’azote possible
  • Formation possible de substances phytotoxiques
Fumier décomposé
  • Effet moyen sur l’humification
  • Nourriture bienvenue pour les vers de terre
  • Charge de travail raisonnable
  • Bon effet de l’azote
Fumier composté
  • Effet maximum sur l’humification
  • Important surplus de travail
  • Bon effet de l’azote
  • Pas de blocage de l’azote même si le fumier est riche en paille
Séparer les phases du lisier

La séparation des phases liquides et solides du lisier permet une utilisation ciblée des parties solides et liquides et contribue à réduire les pertes d’éléments nutritifs lors de l’épandage. De plus, la séparation des éléments solides permet d’augmenter légèrement le volume de stockage du lisier. 

La plupart des exploitations diluent le lisier avec de l’eau dans le parcours de plein air. Plus la dilution est importante, plus le lisier est bien toléré par les plantes et le sol. Cependant, un espace de stockage limité, la disponibilité de l’eau et l’efficacité du travail lors de l’épandage peuvent limiter le degré de dilution du lisier.

Utilisation d’additifs

Différents additifs sont proposés sur le marché, tels que des poudres de roche, extraits organiques, préparations bactériennes ou homéopathiques, afin de réduire les émissions des engrais de ferme et d’accroître l’efficacité des éléments nutritifs. 

Jusqu’à présent, les études scientifiques n’ont que rarement pu confirmer les effets positifs des additifs pour engrais de ferme et les résultats n’étaient pas toujours reproductibles. D’un point de vue scientifique, il n’existe donc pas d’additifs qui puissent être recommandés sans réserve. 

Le charbon végétal est une matière organique très stable. Dans les méthodes courantes de mesure de l’humus, il est considéré comme de l’humus. Le charbon végétal permet donc d’augmenter la valeur humique mesurée, mais pas la valeur réelle. L’utilisation du charbon végétal suscite beaucoup d’intérêt dans la pratique, mais de très grandes quantités sont nécessaires pour accroître la capacité de rétention d’eau et d’éléments nutritifs du sol. Il agit surtout dans les sols sableux. 

Il en existe des qualités très variables et seul le charbon végétal certifié est préconisé. En ce qui concerne son utilisation dans le lisier, les étables, l’alimentation animale ou le compostage, les données scientifiques ne sont pas encore suffisantes pour émettre des recommandations. 

Selon les observations, les additifs pour engrais de ferme se révèlent assez efficaces quand ils sont déjà incorporés à l’alimentation ou à la litière.

Important à savoir

  • Lors du compostage, les matériaux de départ, l’humidité optimale, le retournement régulier des andains et d’autres facteurs sont déterminants pour obtenir un bon résultat.
  • Selon les conditions spécifiques de l’exploitation, telles que l’exposition ou les zones de protection des eaux, le compostage en bord de champ n’est pas toujours possible ou seulement de manière limitée. La production de fumier décomposé sur l’aire à fumier est une alternative.
  • En cas d’utilisation d’additifs, effectuer les traitements de manière appropriée et évaluer l’efficacité des produits.

Apport d’autres engrais organiques

Outre les engrais de la ferme, des engrais organiques provenant d’autres exploitations peuvent être utilisés dans le cadre du bilan de fumure. Le compost bien décomposé ou le fumier composté sont particulièrement adaptés à la gestion de l’humus. Les fermes bio peuvent également satisfaire jusqu’à 50 % de leurs besoins en éléments nutritifs en s’approvisionnant dans des installations de biogaz. On distingue les digestats issus des installations de biogaz agricoles et ceux issus des installations de biogaz industrielles. Le digestat des installations de biogaz industrielles contient plus de 20 % de cosubstrats, plus d’azote et souvent davantage de substances étrangères. Les digestats liquides doivent être répertoriés dans la liste des intrants et, du point de vue de la gestion de l’humus, ils doivent être utilisés avec parcimonie et dilués en raison de leur forte concentration en azote facilement soluble. Avec les installations de biogaz non agricoles et les usines de compostage, il convient de vérifier la charge en substances étrangères lors de l’achat de digestat ou de compost de déchets verts. Lorsque des intrants contaminés sont utilisés pendant plusieurs années de suite, les substances étrangères, p. ex. le plastique, peuvent s’accumuler dans les sols. De plus, le cahier des charges de Bio Suisse contient également des dispositions relatives aux quantités d’éléments nutritifs autorisées et à la distance maximale de transport.

L’apport d’engrais organiques permet certes d’augmenter la teneur en humus sur ses terres, mais non pas de stocker dans le sol des excédents de carbone provenant de l’atmosphère.

Important à savoir

  • Pour éviter l’importation d’agents pathogènes et de mauvaises herbes problématiques, les engrais organiques ne doivent provenir que de sources fiables.
  • L’utilisation de compost de déchets verts et de produits issus d’installations de méthanisation non agricoles comporte un risque lié aux substances étrangères. En cas d’utilisation régulière d’engrais organiques contenant du plastique, même de faibles quantités de ce polluant peuvent fortement contaminer les champs.

Comment mesurer la teneur en humus du sol?

Les teneurs en humus doivent être interprétées avec réserve en raison des variations saisonnières, de la grande hétérogénéité sur le terrain et d’autres facteurs. Toutefois, les valeurs mesurées peuvent être utiles pour observer les effets des changements de techniques culturales. Pour obtenir des résultats probants sur la teneur en humus, quelques principes doivent être respectés.

La fiche technique Analyses de sol pour les exploitations bio (voir p. 20) décrit la procédure à suivre et fournit des indications sur le choix de la méthode d’analyse appropriée. L’estimation basée sur la couleur à partir d’un test tactile est trop im­précise pour être utilisée à bon escient. Si la mé­thode n’est pas précisée, il convient de se renseigner auprès du laboratoire. Le monitoring détaillé, tel qu’il est p. ex. exigé dans les projets de régénération de l’humus en tant que mesure de protection du cli­mat, coûte plus cher qu’une analyse tactile standard.


Pour une estimation approximative du bilan humique d’une exploitation ou de parcelles durant leur rotation, le calculateur d’humus d’Agroscope est disponible gratuitement sur le site humusbilanz.ch.


Le calculateur d’humus indique si le système de culture a tendance à préserver la teneur en humus ou si elles la réduisent. Le bilan humique compare les apports de matière organique et les pertes par minéralisation en tenant compte de la teneur en ar­gile, du pH et des plantes cultivées. L’apport d’en­grais organiques est notamment pris en compte. Le bilan humique permet une estimation par parcelle ainsi que sur l’ensemble de l’exploitation.

Analyse de la teneur en humus

Les matières carbonées organiques sont déterminées par le biais d’une combustion à plus de 900 °C dans un analyseur élémentaire. La quantité de CO2 émise lors de la combustion permet de calculer la teneur en carbone organique. La teneur en humus correspond à cette valeur multipliée par 1,72 (p. ex. 1,8 % de carbone organique × 1,72 = 3,1 % d’humus). Les méthodes d’analyses par perte au feu ou par voie chimique humide (dichromate de potassium) selon Walkley-Black ne sont plus utilisées.

Source

Paul Mäder et. al. (FiBL), 2022, Humification – maintenir et améliorer la fertilité du sol. Disponible sur : https://www.fibl.org/fileadmin/documents/shop/1315-gestion-humus.pdf