Protéger les cultures de printemps des limaces
Les limaces représentent, avec les oiseaux, le risque majeur de prédation pour la culture du tournesol. Il est possible de mettre en place de nombreuses techniques pour limiter les attaques et les dégâts causés par ces ravageurs.
Quelles limaces ?
On distingue deux espèces de limaces :
- La limace grise (Deroceras reticulatum) qui se déplace à la surface du sol.
- Couleur grisâtre à brun jaunâtre, avec des tâches allongées.
- Mucus blanc, orifice respiratoire à l'arrière du bouclier.
- Taille : jusqu'à 70 mm en extension.
- La limace noire (Arion hortensis), moins mobile, qui se trouve le plus souvent dans le sol et apparaît plus rarement en surface. Ces limaces sont assez difficiles à détruire.
- Couleur noire ardoisée.
- Pied (face inférieure) jaune.
- Mucus jaune
- 40 mm en extension.
Ces deux espèces ont une activité essentiellement nocturne. Par temps couvert et humide le jour, elles sont également actives. En France, 80% des parcelles attaquées le sont par des limaces grises[1].
Période à risque
Période de présence :
J | F | M | A | M | J | J | A | S | O | N | D |
Les limaces présentent un pic de développement au printemps. Outre leurs caractéristiques physiologiques, le développement des limaces est fortement dépendant des conditions climatiques[1] :
- Climat : l'humidité du sol est le principal facteur qui conditionne leur activité. La sécheresse les oblige à se réfugier dans les anfractuosités du sol ou sous les résidus de végétation.
- Sol : les sols argileux et motteux sont favorables aux limaces, au contraire, elles sont rares dans les sols sableux.
- Rotation : les rotations à base de colza, légumineuses (féverole, trèfle, pois...), tournesol et céréales sont favorables aux limaces : le colza étant le précédent le plus risqué. Les repousses et les cultures intermédiaires, procurent nourriture et humidités favorables aux limaces.
- Travail du sol : les préparations motteuses, soufflées fournissent aux limaces des abris. La conservation de la matière organique en surface augmente le risque, en particulier dans le cas des préparations superficielles et semis direct.
Vous pouvez déterminer en moins d'une minute le niveau de risque limace sur vos parcelles, en répondant à ce questionnaire, édité par le groupe De Sangosse.
Symptômes sur le tournesol
Les limaces attaquent généralement les plantes du stade levée jusqu'à 3 feuilles. Au delà, les dégâts peuvent persister jusqu'à l'épiaison mais ont de moindres conséquences sur la santé de la plante. Dans des conditions très humides et favorables aux limaces, certaines attaques peuvent survenir juste après le semis sur des graines facilement accessibles par les mollusques[1].
Les attaques se répartissent en foyers plus ou moins étendus sur la parcelle.
Sur la plante, les attaques de limace s'observent de différentes façons :
- A la levée, on peut observer des manques : les graines en surface ou mal enterrées ont été attaquées par les limaces.
- Après la levée, les feuilles sont effilochées et trouées, parfois sectionnées. Cela entraine le flétrissement et la mort des plantules. Les limaces consomment également les cotylédons ou les jeunes feuilles jusqu'à leur disparition quasi-complète.
Les premiers dégâts sont les plus pénalisants, les plantes attaquées étant perdues ou définitivement handicapées et les cotylédons trop largement entamés pour permettre une bonne croissance. Inversement, les plantes développées deviennent rapidement de moins en moins sensibles aux prélèvements effectués par les limaces[1].
Attention, les premières attaques de zabres peuvent se confondre avec celles des limaces, ne pas confondre les différents symptômes visibles sur les plantes[1] :
Espèce | Symptômes |
---|---|
Limace | Feuilles lacérées et trouées à tous niveaux |
Zabre | Feuilles rongées entre les nervures, bouchonnées |
Tipule | Plante et feuilles sectionnées, feuilles lacérées à tous niveaux |
Méthode d’observation du niveau de pression
Dès la récolte du précédent, il est indispensable d'observer la présence de limaces dans les parcelles afin d’adapter éventuellement le travail du sol avant le semis du tournesol, qui est une culture très appétente et particulièrement sensible aux attaques des limaces.
Pour identifier leur présence, il existe plusieurs possibilités :
- Observation directe des limaces actives sur le sol humide en surface, avant qu’il ne fasse trop jour.
- Piégeage : poser un abri sur la surface du sol (carton plastifié, tuile, soucoupe plastique, planche, ...) ou, un véritable piège à limaces développé par l’INRAE et disponible auprès des sociétés phytosanitaires.
Protocole d'observation recommandé
- Utiliser de préférence de vrais pièges à limaces
- Positionner 4 pièges (pour couvrir une surface d’1 mètre carré) à au moins 10 mètres les uns des autres et à au moins 10 m de la bordure
- Avant la pose des pièges, les humidifier à saturation par un trempage préalable
- Ne pas arroser le sol au moment de la pose pour avoir une vision du risque tel qu'il est au moment de la pose du piège
- Poser les pièges la veille du relevé, de préférence en soirée pour éviter le dessèchement qui se produit dans la journée, face aluminium visible au-dessus du piège
- Ne pas déposer d’appâts
- Relever les pièges le lendemain matin avant la chaleur
- Déplacer les pièges de quelques mètres et les réhumidifier avant chaque nouvelle estimation
- Compter le nombre de limaces présentes
Niveau de pression
A l'issu des relevés, il est possible d'estimer le niveau de pression du bioagresseur :
Faible : 1 limace ou moins par m²
Moyen : 2 à 3 limaces par m²
Fort : 4 limaces et plus par m²
Les niveaux de pression sont donnés à titre indicatif et ne sauraient refléter une précision exacte de gravité d’infestation à un instant T ou de dommage ultérieur. D’autres facteurs propres à la culture et à la dynamique d’évolution des symptômes ou infestations interviennent.
Un outil pour faciliter le comptage des limaces
Le LIMACAPT est un capteur autonome et connecté pour la détection et le comptage des limaces au champ. Autonome, cet outil permet un comptage automatisé des limaces par une caméra infrarouge. Un algorithme identifie et compte une fois et une seule chaque limace présente sur le mètre carré suivi dans la parcelle. Ce décompte est ensuite communiqué chaque matin sur le smartphone de l’agriculteur.
Pour en savoir plus, consultez ce lien.
Les moyens de lutte
Les leviers agronomiques et agroécologiques
Gestion de l'interculture
Rotations longues
Les rotations longues, avec des cultures de printemps, limitent l’installation des limaces qui sont dérangées à de multiples reprises (déchaumage, travail du sol, reprise de printemps).
Travail du sol
Tout travail du sol (labour et déchaumage, surtout en conditions sèches) permet de limiter les populations de limaces. Diverses actions mécaniques pratiquées pendant l'interculture de la parcelle permettent de lutter contre le développement des mollusques :
- Réaliser un déchaumage juste après la récolte du précédent pour éliminer les œufs et les jeunes limaces en les exposant à la sécheresse.
- Réaliser un second (voire un 3ème) déchaumage pour détruire les repousses et les nouvelles levées d’adventices sources de nourriture des limaces, et qui permet de maintenir le sol sec en surface.
- Le labour enfouit les limaces en profondeur plus qu’il ne les détruit. Il permet de retarder l’attaque sur la culture implantée juste après labour.
- Réaliser une préparation fine du sol pour casser les mottes qui sont l’habitat des limaces.
- Le roulage du sol détruit les abris, et limite temporairement leur activité en surface. Le labour peut perturber les limaces, mais c’est le roulage, réalisé entre le semis et la levée sur les sols qui s’y prêtent, qui s’avère le plus efficace.
- Les actions mécaniques réalisées au bon moment (buttage, binage) peuvent disperser les pontes et donc perturber l’activité des limaces ou décimer leurs populations.
Dans le cas d'un tournesol conduit en TCS, il est possible de remplacer le labour par un travail du sol plus superficiel. L'important étant de produire de la terre fine et de mélanger le sol avec les pailles et menues pailles du précédent cultural, le travail du sol peut être réalisé de la façon suivante[2] :
- Il doit être réalisé en plein à 7-8 cm de profondeur minimum.
- En sol argileux, il doit avoir lieu avant l’hiver.
- En sol à tendance limoneuse, il peut précéder le semis.
- L’utilisation de semoirs mono-graine à disques avec des équipements adaptés au semis direct (chasse-débris rotatifs, par exemple) est indispensable pour améliorer la qualité du lit de semences. En complément d’un broyeur-répartiteur des pailles efficace sur la moissonneuse-batteuse, un travail du sol dès l’automne précédent en sol argileux (à moins de 10 cm de profondeur) s’avère indispensable.
Couverts végétaux
L’implantation d’une culture intermédiaire apporte nourriture et humidité favorable aux limaces. Si l’on souhaite implanter une culture intermédiaire, il faut privilégier les cultures peu appétentes (moutarde, phacélie). En revanche, le colza et le seigle sont très appétents pour les 2 types de limaces et favorisent donc le développement des populations.
La pratique des couverts végétaux semble de plus en plus intéressante, bien que cela ne semble pas évident à première vue :
- en poussant au maximum la synthèse de biomasse en intercultures, on permet un assèchement du profil hydrique. Cela créé un climat plus sec et moins favorable aux limaces.
- le maintien d’une source alimentaire en surface permet le développement d’une faune prédatrice nombreuse et diverse (carabes, staphylins, araignées…) qui pourra contrôler une éventuelle attaque lors du développement de la culture suivante[3].
Les couverts végétaux implantés en interculture avant le tournesol doivent quant à eux être détruits au moins deux mois avant la date prévue de semis pour que les résidus soient dégradés lors du semis. Il vaut mieux privilégier des couverts à base de légumineuses gélives.
Semer plus tard
Retarder la date de semis du tournesol afin de semer dans un sol réchauffé (environ 8°C) et bien ressuyé permet d'accélérer la levée et ainsi limiter les dégâts. Cette technique augmente le risque de sécheresse mais les parcelles conduites en ACS permettent de mieux garder l'eau du sol et donc de limiter ce risque.
Pour prendre la décision du semis, rappelons que maïs et tournesol ont besoin d’un cumul de température d’environ 90° jours base 6°C entre le semis et la levée. Il est alors possible de faire la moyenne des températures mini et maxi du sol (prendre la température à 8h00 et à 14h00) et retrancher 6 °C. Puis faire le cumul des moyennes de températures journalières en fonction des températures prévues. Il est recommandé de semer lorsque le cumul des températures atteint 90° jours en 10 à 15 jours maximum.
Semis combiné et semis direct sous couvert végétal
Cette technique consiste à semer le tournesol dans des couverts végétaux appétents pour leurrer les limaces qui attaqueront en priorité le couvert plutôt que la culture principale. Par exemple, des repousses de colza détruites très tardivement permettent d’attirer les limaces qui ne s’attaquent plus à la culture qui se développe. Il est également possible de semer en même temps que le tournesol une autre espèce (de l'orge par exemple). Ce semis combiné multiplie le nombre de plantules à disposition des limaces diminuant d’autant les dégâts sur le tournesol.
Fertiliser les jeunes plants
La localisation d’une fertilisation au semis pourrait également être intéressante. En premier lieu, l’engrais permet un démarrage plus rapide de la culture. Par ailleurs, cette fertilisation, en modifiant le milieu (présence de sels minéraux : ammoniaque, chlorure…), pourrait repousser les limaces et d’autres ravageurs hors du sillon, mais également les vers de terre, ce qui est plus regrettable.
Maintenir une faune auxiliaire diversifiée
Il existe de nombreux prédateurs des limaces : oiseaux, coléoptères des familles Carabidés et Staphylinidés, nématodes, mouches, petits mammifères, amphibiens...
Les Coléoptères prédateurs jouent un rôle dans la régulation des populations de limaces. L’activité des adultes et des larves de Carabidés s’exerce préférentiellement au niveau du sol, aux dépens des œufs et des jeunes limaces.
En consommant les limaces tout au long de l’année, tant au stade d’œuf qu’au stade adulte, ce cortège joue un rôle essentiel pour contenir les populations en deçà du seuil de nuisibilité : les gastéropodes sont d’autant mieux régulés que la richesse spécifique des auxiliaires est importante.
A noter que sur les cultures sensibles au moment des pluies, même si certains prédateurs de limaces adultes sont en nombre important, le risque peut demeurer élevé. Mais lorsque de nombreux œufs sont consommés en amont, les niveaux de population de limaces adultes sont plus faibles et peuvent être mieux contrôlés par les prédateurs[4].
Les mesures agroécologiques favorables aux auxiliaires sont nombreuses :
- le morcellement parcellaire,
- la diversité culturale sur l’exploitation,
- l’implantation de zones refuges (bandes enherbées) dans l’environnement proche des cultures,
- le labour peu profond,
- le choix de produits phytosanitaires à profil écotoxicologique favorable.
La gestion de la faune prédatrice ne se limite pas à la parcelle mais doit intégrer le territoire : en fournissant un abri et de l’alimentation à la faune sauvage, les couverts, les haies et les bandes enherbées permettent l’installation d’oiseaux et de mammifères efficaces contre tous les ravageurs[3].
Lors de fortes attaques, il est nécessaire d’associer lutte culturale et lutte chimique.
Lutte phytosanitaire
La lutte phytosanitaire permet de protéger la culture, mais ce n’est pas une technique suffisante pour réduire les populations. Cette lutte intervient lors d'une forte pression des limaces sur la culture et lorsque les pratiques agronomiques n'ont pas été suffisantes pour limiter le développement des populations.
Avant le semis
En cas de risque fort avéré (car conditions très favorables aux limaces pendant l’interculture et suite à des observations ou piégeages) : réaliser une application de granulés antilimaces au moins 15 jours avant le semis. Ce délai permet de profiter de toute l’efficacité du produit avant qu’il ne soit incorporé dans la terre. Dans tous les cas, cette application ne peut pas remplacer celle conseillée au semis[1].
Au semis
- En conditions favorables et présence avérée de limaces, le traitement positionné en plein, 4 à 5 jours après le semis est le plus efficace : il permet de réduire d’environ un tiers la perte de pieds. A ce stade les limaces n’ont que les granulés pour se nourrir, car la graine est peu accessible et encore dure avant imbibition.[1]
- Si les granulés ont disparu (par consommation ou délitement), un renouvellement du traitement est nécessaire. Idem si le nombre de granulés restant au sol ne permet pas d’assurer une protection suffisante de la culture[5].
- Un renouvellement du traitement aux premiers dégâts améliore un peu la protection.
Le plus souvent, les limaces grises sont majoritaires, les granulés doivent être épandus en surface.
Si les limaces noires dominent, il est conseillé d'appliquer les granulés dans la raie de semis, tout en réalisant également une application en surface.
La durée d’efficacité d’un granulé est d’au moins 15 jours. Cette efficacité est amoindrie si les granulés sont difficilement accessibles (collés à la terre). Après de fortes pluies, ils peuvent se coller à la terre, il est donc conseillé de renouveler l’application[1].
Après la levée
Après la levée, les traitements sont moins efficaces car l’appétence des granulés est en concurrence avec celle des plantes.
Si aucune application n’a été réalisée antérieurement pour protéger la culture, ou si les granulés antilimaces ont disparu, traiter si [1]:
- l'activité des limaces est visible (par piégeage ou observation directe)
- plus de 30% des plantes sont attaquées ou si certains foyers sont complètements détruits
Au-delà du stade 3-4 feuilles, le pouvoir de compensation de la culture est fort et une nouvelle intervention a peu de chance d’être rentabilisée.
Choix des anti limaces
La lutte antilimace est assurée par 2 substances actives :
Ces deux molécules sont consommées par les limaces essentiellement par les appâts associés, constitués de divers ingrédients très appétents pour les mollusques. Lorsqu’une fourchette de dose est préconisée, les doses fortes sont à réserver aux risques les plus élevés. Ne pas baisser le nombre de granulés/m² en deçà des doses préconisées. Il est préférable de privilégier une dose moyenne renouvelée 2 fois, plutôt que de traiter une seule fois à dose forte[1].
Retrouvez l'ensemble des produits utilisables contre les limaces (mise à jour Février 2021) sur ce document.
Respecter les bonnes pratiques
L’application des antilimaces doit respecter une zone non traitée (ZNT) de 5 mètres minimum en bordure de tout point d’eau, même à sec. Qu’elle que soit la matière active, il ne faut pas appliquer de granulés sur les bandes enherbées et tout autre dispositif végétalisé permanent destiné à protéger la ressource en eau ou la biodiversité[6].
La dose maximale de métaldéhyde application par hectare et par an est de 700 grammes de matière active, toutes spécialités confondues.
La dose de substance active doit être adaptée à la pression et appliquée en respectant les bonnes pratiques d’épandage. Le respect des bonnes pratiques continue après l’épandage, en nettoyant l’épandeur loin d’un point d’eau et en élimant les emballages vides via les collectes de la filière Adivalor[7].
Outils d'aide à la décision
Pour aider les agriculteurs à repérer les phases à risques, l’Observatoire De Sangosse établit chaque semaine des cartes locales d'intensité de l'activité des limaces. Pour recevoir les alertes, il est possible de télécharger l’appli Ciblage ou de se connecter sur l’observatoire.
Arvalis - Institut du végétal a également édité une grille de décisions d'application, disponible ici.
Sources
https://www.agrifind.fr/alertes/tournesol/tournesol-limace
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 et 1,9 ARVALIS - Institut du végétal, en ligne, Limaces
- ↑ Perspectives agricoles, Juillet-août 2013, N°402, Difficile de trop simplifier en tournesol
- ↑ 3,0 et 3,1 TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°30. Limaces : Trouver l’équilibre
- ↑ Note Nationale BSV, Limaces : surveiller, prévenir les risques et privilégier les méthodes de lutte intégrée
- ↑ Groupe De Sangosse, Ciblage Anti Limaces
- ↑ Groupe De Sangosse, Ciblage anti-limaces, Les bonnes pratiques agricoles.
- ↑ JULIEN C., 2019, Traitements anti-limaces : respecter les bonnes pratiques, Wikiagri
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Annexes
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