Les Jardins des Buis
Maraichage sol vivant sur petite surface
Corentin Moriceau
Le GAEC se situe dans un fond de vallon, avec au centre 0,5 ha de maraichage, entouré sur 2 ha, par 1500 arbres d'un verger diversifié. Les jardins suivent les pratiques du maraichage sur sol vivant sur petites surfaces, en utilisants des planches permanentes mulchées avec une rotation de 6 ans.
Sur la ferme des Buis, une formation est proposée pour ceux qui désirent s'installer en maraîchage sur sol vivant.
Présentation
- Nom: Corentin Moriceau.
- Localisation : La Roche-sur-Grane, Drôme (26).
- Statut : GAEC.
- SAU : 0,5 ha de maraîchage et 2 ha de verger.
- UTH : 4.
- Cahier des charges : Agriculture Biologique.
- Sol :
- Type : Lourde d’argile limono-sableuse. Avec 35 % d’argile, la rétention d’eau est intéressante, mais nous invite à être vigilants à l’asphyxie. Notre sol très calcaire (11 % de calcaire actif) et basique (pH 8,3) présente des risques de carence en oligo-éléments.
- pH : 8,3.
- MO : 15,6% en 2019 conte 2% en 2016.
- CEC (Capacité d’Echange Cationique) : Elevé (23,7).
- Commercialisation : Vente directe.
Organisation de la production
Planification des cultures
La planification des cultures est la première étape de ma saison de maraîchage et c’est la seule tâche que je réalise pendant mes vacances d’hiver, et elle me prend 2 à 4 jours. Cette planification comprend :
- l’organisation générale du jardin, qui précise quels jardins et quels tunnels vont accueillir quelles cultures
- le plan de culture, qui précise pour chaque planche permanente, les dates de semis, de transplantations et de dernières récoltes des cultures
- la quantité de production prévue pour chaque légume, c’est-à-dire par exemple combien de planches permanentes pour les carottes et combien de bottes de carottes seront produites pendant la saison
- la quantité de semences et de plants à prévoir, et les variétés à privilégier
- le chiffre d’affaires attendu pour chaque légume et le chiffre d’affaires global
Un suivi qui m'aide à progresser
Le suivi des cultures et des rendements de la saison précédente est fondamental pour améliorer chaque année la planification des cultures.
Pour le plan de culture, je vais par exemple programmer de transplanter deux semaines plus tard les concombres qui avaient subi une gelée tardive la saison précédente, ou avancer le semis des premières carottes sous tunnel, car elles n'étaient pas prêtes à temps l’année dernière.
Pour la quantité de production de chaque légume, je peux regarder sur mes suivis, les rendements de l’année précédente et ajuster le nombre de planches permanentes que je souhaite attribuer à chaque culture.
Pour la quantité de semences, je remarque que j’ai dû commander plusieurs fois des semences de carottes la saison passée. Je vais donc commander une plus grosse quantité cette saison pour éviter de perdre du temps et de l’argent à refaire des commandes en cours de saison. Je vais également pouvoir choisir d’arrêter la variété de navet “Snow Ball” car mes suivis montrent que sa production est très faible dans mon jardin, et privilégier la variété “Tokyo Cross F1” qui a des rendements quatre fois plus élevés.
Enfin pour le chiffre d’affaires, ces suivis me permettent d’affiner la prévision du chiffre d’affaires de chaque culture et donc le chiffre d’affaires global de la saison à venir.
Ces notes me permettent également de programmer des améliorations pour le printemps : installer des grillages à moutons rigides pour mieux tuteurer les pois gourmands, installer une irrigation plus fine dans la pépinière, améliorer l’atelier de lavage dans l’abri de jardin, etc.
La rotation des cultures
Le plan de cultures est aussi l’outil qui me permet de gérer mes rotations. J’ai choisi le modèle proposé par Jean-Martin Fortier dans son livre “Le Jardinier Maraicher”. C’est un modèle simple à mettre en place, ce qui est une priorité pour moi, et qui a l’avantage d’offrir une rotation longue pour les familles de légumes qui en ont besoin : alliacées, cucurbitacées, crucifères et solanacées.
J’appellerai par la suite ces familles comme Jean-Martin Fortier : les familles de légumes exigeants. Ce terme “exigeant” vient du fait que ces légumes ont besoin de beaucoup de nutriments pour assurer une production abondante. Et pour les autres légumes, moins exigeants, je les appellerai Verdures-Racines : carottes, laitues, mesclun, betteraves, blettes, pois, haricots, radis, navets, etc.
Le principe de ce modèle de rotation est simple : chaque jardin (bloc de 10 planches permanentes) accueille une année sur deux uniquement des Verdures-Racines, et une année sur deux uniquement une seule famille exigeante. Ainsi le nombre d’années de rotation pour une famille exigeante est égal au nombre de jardins : 10 ans pour Jean Martin Fortier qui dispose de 10 jardins de plein champ, 6 ans pour moi qui dispose de 6 jardins. Les jardins sont numérotés pour tenir un historique des rotations au fur et à mesure des années.
Exemple pour mon Jardin 1 :
- Année 1 : Cucurbitacées
- Année 2 : Verdures-Racines
- Année 3 : Alliacées
- Année 4 : Verdures-Racines
- Année 5 : Solanacées (Pommes de Terre nouvelles)
- Année 6 : Verdures-Racines
- Année 7 : Cucurbitacées
Il y a ainsi 5 années entières entre deux cultures de cucurbitacées, et 1 année entre deux cultures de Verdures-Racines.
Dans les tunnels froids c’est plus difficile car je dispose de 5 tunnels de 6 planches permanentes chacun. Trois d’entre eux sont utilisés chaque année pour les cultures de solanacées (tomates, aubergines, poivrons), la rotation est donc d’une année entre deux cultures de solanacées. Pour régler ce problème il faudrait soit plus de tunnels, soit réduire la production de solanacées sous tunnels, soit pouvoir déplacer les tunnels tous les 7 à 10 ans. C’est cette dernière option que j'ai choisi pour ma nouvelle installation sur la ferme des Buis. Ainsi tous mes nouveaux jardins sont constitués de 7 planches permanentes, et ont une largeur de 9m : la largeur intérieure de mes nouvelles serres tunnels. Je pourrai donc déplacer mes serres tous les 7 à 10 ans sur des jardins qui étaient auparavant en plein champ.
Je ne prends pas d’autres critères en compte pour mes rotations. Chaque jardin étant identique (10 planches permanentes), cela m’apporte une certaine régularité dans ma production, ce qui peut aussi s’avérer une certaine contrainte. Je suis en effet obligé de produire 10 planches de pommes de terre nouvelles, ou 10 planches d’alliacées. Si je veux augmenter ou diversifier davantage ma production, je dois construire de nouveaux jardins pour respecter mon plan de rotation. Mais c’est une contrainte que j’apprécie car elle cadre mon plan de culture et réduit le nombre de questions que je dois me poser au début de chaque saison! J’aime voir les contraintes comme une base structurante sur laquelle je m’appuie pour développer ma stratégie.
Mon plan de culture 2016
Concrètement, voici mon plan de cultures 2016 avec quelques explications. Il est loin d’être parfait et montre plusieurs erreurs de planification de ma part, je le retravaille chaque année pour l’améliorer après avoir appris de mes erreurs.
Cette année 2016 ce sont les jardins pairs qui accueillent les Verdures-Racines, et les jardins impairs qui accueillent les familles “exigeantes”. On voit ci-dessus l’organisation du jardin 1, avec 10 planches de culture. Pour la planche 1 de ce jardin, on voit dans la première colonne verte la première culture, les pois croquants, qui seront transplantés le 15 Mars et retirés de la planche fin Juin. A la suite de cette culture, on peut voir dans la deuxième colonne verte qu’il y aura des carottes, semées en direct (SD) fin juin et récoltées jusqu’à mi-septembre. La troisième colonne verte reste généralement non remplie, et je me réserve la possibilité d’implanter une troisième culture si le timing et le climat le permettent, ce que je ne peux pas savoir au début de la saison. Je remplis parfois en avance certaines de ces troisièmes colonnes, ici avec des betteraves sur la planche 3 et des navets sur la planche 4, parce que les deuxièmes cultures de ces planches sont censées être terminées à la mi-aout et donc permettre une troisième culture.
Concrètement, je respecte précisément la première colonne verte et les dates de semis direct et transplantation associées. Comme je fais en sorte d’implanter le même jour plusieurs cultures les unes à côté des autres pour faciliter la logistique d’arrosage et de protection thermique, j’ai intérêt à suivre cette organisation sur le terrain pour gagner du temps.
Pour la deuxième colonne, c’est-à-dire les deuxièmes cultures de chaque planche, je fonctionne davantage en fonction de ce qui se passe sur le terrain. Si tout va bien, je respecte l’organisation de mon calendrier de cultures, mais si une culture met plus de temps à mûrir ou si j’ai précocement arraché une autre culture, je m’adapte et j’implante la nouvelle culture sur la planche qui est le plus facilement disponible. L’idée de ce calendrier de cultures n’est donc pas d’apporter de la rigidité sur mon organisation, mais bien de me faire gagner du temps en m’indiquant les cultures successives que je dois implanter pour avoir toujours de quoi fournir mes clients, et les planches sur lesquelles il est le plus probable que je puisse les implanter.
J’essaie autant que possible d’alterner sur une planche une Verdure (mesclun, salade, blette, épinards) et une Racine (carotte, navet, betterave). Le kale est un chou, il devrait être dans le jardin des choux mais comme je ne cultive pas de choux, je place le kale dans mes jardins de Verdures-Racines.
Voila donc mes 3 jardins de Verdures-Racines. Pour le jardin 5, j’ai réservé 5 planches pour y cultiver uniquement du mesclun. Comme je fonctionne par patchs de différentes variétés, cela me simplifie la gestion de la culture : je peux renouveler un patch trop vieux tout en en gardant un autre encore bon sur la même planche, ou encore ressemer un patch qui n’aurait pas bien levé, sans retarder l’implantation d’une prochaine culture sur cette planche.
Les 3 jardins des familles exigeantes
Voyons maintenant les jardins pairs, qui cette année accueillent les familles exigeantes.
J’ai implanté 4 planches d’oignons blancs en bulbilles, 4 planches d’oignons jaune en plants, et 2 planches d’ail plantées en novembre 2015. Pour avoir des bottes d’oignons frais toute la saison j’aurais dû faire 4 séries de plantations d’oignons blancs. En plantant tout début mars, j’ai eu des oignons blancs qui sont arrivés à maturité mais qui ont beaucoup moins bien séché que les oignons jaunes, et j’ai eu beaucoup de pertes. Je ne prévois pas d’autres cultures pendant l’année sur ce jardin, cependant cela m’est arrivé de cultiver après les oignons des épinards ou de la mâche quand j’avais besoin de place. Quand j’utiliserai les engrais verts, je pourrai les implanter derrière cette culture facilement. Mais je dois expérimenter pour savoir si je peux détruire facilement la culture au printemps suivant, pour pouvoir y implanter des cultures de Verdures-Racines dont certaines sont en semis direct. Les poireaux n’apparaissent pas ici, parce que cette année j’ai construit 5 planches de culture en plus des jardins existants pour y cultiver les poireaux. A terme j’aurai besoin de 2 jardins d’alliacées pour avoir une production suffisante, vu la forte demande en ail frais, en oignons bottes et en poireaux.
J’utilise un jardin complet pour les courges. Les butternuts sont les petites courges qui donnent le plus de rendement dans mes jardins, j’en cultive donc 6 planches. Puis les Potimarrons, qui sont très demandées aussi, 3 planches. J’ai testé les courges spaghetti cette année, mais je ne suis pas satisfait par leur goût, et mes clients non plus d’ailleurs. Par contre je ferai des Patidoux pour les saisons prochaines, les petites courges les plus sucrées que j’ai goûtées jusqu’à présent.
Sur le dernier jardin de familles exigeantes, j’ai expérimenté 6 planches de fraises qui ont produit en 2016, mais notre climat de Chartreuse est pluvieux et humide, et beaucoup de fraises se sont abîmées. Je pense les cultiver sous tunnel dans l’avenir. J’y cultive également 4 planches des pommes de terre nouvelles, que je remplace par des courgettes début juillet. Je sais que ce n’est pas adéquat de cultiver deux légumes exigeants successifs sur la même planche, mais la réalité du terrain a fait que j’avais besoin de cultiver ces légumes et que je n’avais pas d’autre place. Et de fait, les deux cultures ont très bien marché, et les plants de courgettes étaient très jolis sans avoir reçu d’amendements supplémentaires après les pommes de terre. Je ne prendrai pas le risque d’intégrer ces pratiques dans un fonctionnement à long terme, pour ne pas épuiser le sol et pour ne pas compliquer l’organisation des rotations. Il est clair pour moi que j’ai besoin de plus de jardins à terme, pour être plus confortable dans la production. J’aurai besoin d’au moins 5 jardins pour les familles exigeantes : 2 jardins pour les alliacées, 1 jardin pour les courges, 1 jardin pour les pommes de terre nouvelles, et 1 jardin pour les choux et les courgettes. Et donc, pour les rotations, 5 jardins également pour les Verdures-Racines.
Mes 5 tunnels froids
J’ai 6 planches de culture par tunnel. Dans le tunnel 1, j’ai implanté 4 planches d’aubergines et 2 planches de poivrons. J’ai produit trop d’aubergines par rapport à mes débouchés, je n’en ferai que 2 ou 3 planches pour les prochaines saisons. Deux planches de poivrons, cela me permet de ne récolter qu’une seule planche sur la première moitié de la saison, et de laisser mûrir la seconde pour avoir des poivrons rouges en deuxième partie de saison. Je fais attention à mettre un tuteurage solide sur cette seconde planche car il y aura beaucoup de poids sur les plants, du fait que je ne récolte pas les poivrons pendant longtemps.
Dans le tunnel 2, je cultive cette année les haricots et des légumes de printemps et d’automne. Je faisais des haricots nains les deux premières années, mais la récolte était vraiment pénible. Les haricots à rame sont bien plus productifs, et ils sont plus agréables et plus rapides à récolter car leur calibre est bien plus important et qu’ils sont en hauteur. J’ai prévu 3 séries de 2 planches pour 2016, mais le débouché est tellement bon que je pense faire des séries de 3 ou 4 planches pour les prochaines années, en prévoyant de la main-d’oeuvre pour la récolte (8kg/heure, soit 10h de récolte pour 80 kg).
Dans le tunnel 3 je cultive les courgettes et des légumes de printemps et d’automne. Je prévois pour les prochaines années 3 séries de courgettes pour la saison : une première série au printemps sous tunnel pour la précocité, une deuxième série pour l’été en plein champ, et une troisième série sous tunnel à l’automne. Cette année 2016 je n’ai pas très bien géré les courgettes, car j’ai fait les deux premières séries sous tunnel et la troisième en plein champ, parce que je n’avais pas de place en plein champ avant d’avoir récolté les pommes de terre nouvelles du jardin 6. La troisième série pour l’automne en plein champ s’est bien implantée mais a subi le froid tôt en saison, et n’a pas bien produit. Les courgettes sous tunnels se sont très bien comportées.
Par manque de place également, j’ai transplanté mes concombres seulement fin mai, car j’avais une culture de mesclun sur cette planche tout le mois de mai.
Pour vraiment optimiser le début et la fin de saison avec une production conséquente de primeurs comme les épinards, les blettes, les navets, les radis, les carottes, les laitues, le mesclun, ou encore les poids croquants, j’aurai besoin d’un tunnel en plus. Cela me semble être une des clés pour augmenter le chiffre d’affaires annuel sur ma petite surface : se rapprocher le plus possible en Mai, Juin et Novembre, des chiffres d’affaires des mois d’Aout, de Septembre et d’Octobre.
J’ai cultivé 6 planches de tomates rondes sous le tunnel 4, du fait que mes rendements en tomate sont assez faibles (3 à 4 kg/plant). 3 ou 4 planches pourraient suffire si j’avais de meilleurs rendements.
Enfin dans le cinquième tunnel, je cultive deux planches de tomates Cocktail, 3 planches de tomates Cerise et 1 planche de tomates anciennes. Je pense que pour les saisons prochaines je cultiverai plutôt deux planches de tomates cerise qui sont longues à récolter, et davantage de cocktail qui pourraient avantageusement remplacer nos tomates rondes car elles sont bien meilleures, plus résistantes aux maladies fongiques et nous donnent des rendements de 4kg/plant.
Conclusion
Pour conclure, le système de rotation que j’ai adopté en plein champ me paraît satisfaisant, en revanche la rotation dans les tunnels est bien plus problématique. Aujourd’hui j’ai 3 tunnels de solanacées sur 5 tunnels au total. Je pourrais passer à deux tunnels de solanacées en réduisant le nombre de planches d’aubergines et de tomates, mais cela ne serait pas suffisant pour assurer une rotation de 5 ans, préconisée par les techniciens en maraîchage biologique pour éviter l’apparition des maladies de racines et des ravageurs comme les nématodes. Pour l’installation de mes prochains jardins, je prévois de faire des jardins de 7 planches, qui pourraient être couverts par des tunnels de 9,30m. Ainsi je pourrai placer le tunnel sur le jardin 1 pendant les 7 premières années, puis déplacer le tunnel sur le jardin 2 les 7 années suivantes, etc. Cela améliorerait je pense considérablement le système de rotation global. Il faudrait dans ce cas débâcher les tunnels tous les 7 ans et les déplacer. Pour déplacer un tunnel, cela demande quarante personnes pendant une dizaine de minutes, qui soulèvent le tunnel et le portent quelques mètres plus loin. Une vidéo sur Youtube montre un tel déplacement de serre tunnel, c’est impressionnant et joli à voir !
Le calendrier de la saison
Le climat de Chartreuse étant assez rude l’hiver, avec des températures fréquemment en dessous de zéro et des chutes de neiges potentielles entre Décembre et Mars, j’avais décidé de ne pas produire de légumes en hiver quand j'étais à la ferme de la Berthe. Malgré un climat plus clément sur ma nouvelle ferme en Drôme, j'ai décidé de continuer comme ça. C’est une excellente opportunité pour moi de prendre 3 mois de vacances de Décembre à Février, pendant laquelle je me repose, je voyage, et je prends du recul sur ma saison précédente pour mieux me lancer dans la suivante. En dehors de quelques demi-journées de travail en février (semis des solanacées, plantation des pdt nouvelles sous tunnel), je reprends les semis et les premières plantations début Mars, avec un rythme de travail assez doux. Avril est un mois de transition pendant lequel le rythme s’accélère pour atteindre son maximum de mi-avril à fin juin avec toutes les grosses implantations de cultures en parallèle des récoltes.
Puis arrive l'été : les mois de juillet à Octobre, pendant lesquels il faut gérer le renouvellement et le suivi des cultures en même temps que des récoltes abondantes. Le rythme est cependant souvent plus tranquille qu'au printemps, avec beaucoup moins d'enjeu au niveau des implantations.
Passé mi-octobre, le rythme commence à ralentir même si les récoltes sont encore abondantes. La production diminue progressivement malgré les légumes d’automne. Il faut alors penser à nettoyer les jardins, semer les engrais verts et implanter dans les tunnels les légumes qui y passeront l'hiver et qui permettront de redémarrer les premières ventes vers la mi-mars.
La culture de légumes en hiver sous les tunnels est une pratique que j'ai commencé récemment, et j'en suis très content. Cela nous permet de redémarrer les ventes plus rapidement et d'optimiser la production de nos planches sous tunnels. Les rendements obtenus sur ces légumes d'hiver sont pour l'instant très encourageants : nous avons obtenu en 2019 des rendements bien supérieurs aux rendements des cultures de printemps sur les pois croquants et sur les épinards par exemple. Pour les pois, nous sommes passé de 30 kg par planche à 80 kg par planche de 25m ! Nous avons donc décidé d'augmenter le nombre de cultures d'hiver sous les tunnels pour cet hiver 2019/20, je pourrai donc en parler davantage dans quelques mois. Ces cultures d'hiver ne nous prennent quasiment pas de temps autre que l'implantation : 1 à 3 irrigations au cours de l'hiver sont suffisantes.
Suivi des cultures
Tout au long de la saison, je tiens un document de suivi de cultures pour noter ce qui me paraît bien fonctionner et ce que je dois améliorer pour la prochaine saison. Pour chacune des cultures je précise les améliorations à apporter pour la saison prochaine, qui sont généralement parmi les points suivants :
- les variétés que je souhaite garder et celles que je ne veux plus cultiver
- les dates des séries successives sont-elles bonnes ou faut-il les modifier
- les traitements sont-ils efficaces
- quels dégâts dans les cultures et comment m'en préserver
- l’espacement de culture est-il bon ou non
- l'irrigation est-elle adaptée
- le tuteurage et la taille sont-ils bons ou faut-il les modifier
- les quantités produites correspondent-elles aux débouchés dont je dispose et sinon pourquoi, comment rectifier.
Je ne me promène pas concrètement au jardin avec un carnet sur moi, mais comme j'observe beaucoup les cultures le matin en faisant le tour du jardin, en travaillant la journée et aussi pendant la récolte, je note au fur et à mesure sur mon Smartphone les idées et remarques qui me viennent à l'esprit. Puis régulièrement au cours de la saison je prends le temps de rédiger mon document de suivi de cultures sur ordinateur.
Ce document de suivi de cultures est fondamental pour établir mon plan de cultures au début de l'année suivante, dans lequel je précise le calendrier de cultures, les variétés à utiliser ainsi que les quantités à produire. Je ne pourrais pas me rappeler de toutes mes observations de la saison précédentes sans les écrire au fur et à mesure, car les cultures sont trop nombreuses. De plus j'aime travailler l'esprit tranquille sans peur d'oublier une bonne idée ou une modification importante à mettre en place pour la prochaine saison.
De manière générale, tous mes documents liés au maraîchage sont sur ordinateur et sur Dropbox ou Drive, et mon calendrier de cultures est un Google Calendar. Ainsi je peux très facilement les partager avec d'autres collègues maraîchers, ou des élèves du BPREA qui viennent en visite au jardin, ou des stagiaires ou woofers qui viennent ponctuellement travailler avec moi et souhaitent ces documents pour être plus autonomes au jardin ou pour leur installation future. Plus mes documents sont simples, concis et concrets, et plus il m'est facile de les rédiger, de les utiliser et de les partager. Autant dire que ce ne sont ni des romans ni des merveilles de mise en page, simplement des notes et des tableaux Excel pour me simplifier la vie sans perdre de temps derrière mon ordinateur.
Le suivi des rendements
A chaque récolte je note le poids ou le nombre de bottes de chaque légume récolté. Cela me permet d'évaluer le rendement et la rentabilité de chaque planche permanente sur la saison. Pour une même culture, je différencie les récoltes des différentes planches si elles présentent des différences : variétés, espacement, traitement, engrais, irrigation, protection thermique, etc. Cela me permet d'évaluer les différences de rendements en fonction des pratiques culturales et d'optimiser mes pratiques pour la saison suivante. Ce suivi me prend du temps, j’essaie donc de le simplifier au maximum et je l’effectue grâce à un tableau blanc fixé au mur de mon atelier, proche des balances.
Ce suivi est également très important pour établir mon plan de cultures de la saison suivante, pour définir le nombre de planches nécessaires pour chaque culture en fonction des évolutions des rendements et des débouchés, surtout pour ces premières années de mon installation! Il me donne également un ordre de grandeur du chiffre d'affaires prévisionnel de la saison à venir.
Rentabilité des cultures
La rentabilité des cultures est fortement dépendante de la compétence technique des maraichers, de la fertilité du sol et du climat.
Les chiffres que je donne ci-dessous sont donc à prendre avec précaution : ce sont ceux que j'obtiens sur ma ferme en 2021, avec plusieurs années d'expérience maraichère.
D'autre part, il faut également prendre en compte qu' au cours des 4 dernières années, nous avons rendu nos sols très vivants et fertiles :
- 16% de Matière Organique dans les 20 premiers cm du sol
- 18 tonnes/ha de vers de terre sous les planches de cultures
- 280 unités d'azote/ha/saison générés par les micro-organismes du sol
- Très forte minéralisation de l'azote et du carbone
Alors que nos sols sont historiquement très pauvres, lourds et froids, ce sont nos pratiques MSV (Maraichage sur Sol Vivant) qui nous ont permis d'obtenir aujourd'hui cette fertilité. Grâce à cela, nous avons vu nos rendements progressivement et considérablement augmenter depuis 4 ans.
Les cultures les plus rentables sur notre ferme sont les haricots verts, les tomates, les aubergines, les pommes de terre nouvelles, la salade, les pois croquants, les oignons frais.
Je vous présente les niveaux de productions "par planche", c'est à dire sur une planche de culture de 25m de long par 80cm de large, soit 20m2 cultivés.
Les salades
C'est ce que la plupart des clients achètent chaque semaine, il est important pour moi d'en avoir tout au long de la saison. Je cultive environ 300 salades sur une planche de 25 m par 80 cm, et j'en commercialise l’équivalent de 250 (pertes courantes, calibre). Cela me rapporte donc 250€ par planche en un à deux mois de culture en fonction de la saison, pour très peu de travail (semis en pépinière et transplantation sur toile tissée). L'irrigation est en place et programmée pour tout le jardin de verdures-racines, ça ne représente donc pas un travail supplémentaire.
Le mesclun
En moyenne 60 kg par planche en un à deux mois de culture, 15€/kg soit 900€ par planche. Nous le vendons lavé au vinaigre blanc et essoré. Nous le vendons soit en vrac, soit conditionné en sachets fraîcheur micro perforés (achetés chez Casino en gros, environ 12 cts/sachet). Sa popularité est plus mitigée en Drôme qu'elle l'est en Savoie, et aujourd'hui j'en produit peu car je n'ai pas une très forte demande. En revanche j'ai beaucoup progressé techniquement sur la production de mesclun, et j'ai considérablement réduit le temps de travail pour cette culture en passant du semis à la transplantation, et en utilisant des salades multifeuilles (salanova) plutôt que des salades à couper.
Les carottes
Nous les vendons en bottes de 500g à 2,5€/botte. Semées en 6 rangs sur la planche, je récolte en moyenne 225 bottes en plein champ et 300 bottes sous tunnel, soit 560 à 750€ sur une planche en 3 mois de culture. Le semis est assez rapide, la levée plutôt bonne grâce à la micro-aspersion programmée. Le temps de désherbage est très aléatoire en fonction de la propreté initiale de la planche, et/ou de la présence d'adventices coriaces comme le liseron, le chiendent ou le pourpier. J'utilise un sarcloir manuel et/ou je désherbe à la main la culture une à trois fois en fonction de l'intensité de l'enherbement. Ensuite, la canopée formée par les fanes est assez dense pour préserver la planche des adventices.
C'est ce temps de désherbage aléatoire, en plus du temps de récolte et de bottelage, qui place cette culture plutôt parmi les cultures moyennement rentables sur ma ferme. Je conseillerais d'ailleurs aux débutants de commencer par des petites séries de carottes pour ne pas se faire déborder.
Les concombres
Je n'en cultive qu'une planche à la fois car ce n'est pas un légume que je vends en grandes quantités. En revanche, son rendement est impressionnant, jusqu’à 330 kg par planche à 3€ le kilo, ce qui représente environ 1000€ par planche. Le principal travail qu'il demande, comme les tomates et les aubergines, est le tuteurage et la taille. Je fais aussi très attention aux aspersions, car je trouve cette plante très sensible aux maladies fongiques.
Les pommes de terre nouvelle
Nos clients en sont très friands au printemps, et c'est une culture assez facile. Je n'ai jamais eu de gros problèmes de doryphores, peut-être parce que je ne cultive pas de pommes de terre de conservation et que je ne suis pas sur un territoire maraîcher ? Je produis environ 160 kg de pommes de terre nouvelles par planche en plein champ, et 200kg sous tunnel. Vendues à 10€ le kilo au tout début du printemps, leur prix tombe assez vite par la suite jusqu'à 5€ pour les delikatess, et 2.5€ pour d'autres variétés moins qualitatives. Cela représente tout de même entre 400 et 2000€ par planche, en 3 mois de culture.
Les tomates cocktail
Les tomates cocktail que je cultive produisent en moyenne 5,3 kg par plant, soit 530 kg par planche. Je les vends 2,9€/kg, ce qui représente plus de 1500€ par planche.
J’aime beaucoup ces tomates car les plantes sont très rustiques, productives, et les fruits sont bien meilleurs que les tomates rondes que je produis sur la ferme.
Les tomates rondes
Je récolte aujourd'hui 7,3 kg par plant sur la saison, soit 730 kg par planche. A 2,90€/kg, cela représente plus de 2100€ par planche.
Les tomates cerises
Je récolte aujourd'hui 3,6 kg par plant sur la saison, soit 360 kg par planche. Vendues à 7€/kg, cela représente plus de 2500€ par planche. Jaunes, noires et rouges, les tomates cerises sont les championnes de la rentabilité/planche sur la ferme, et en plus elles sont délicieuses !
Les tomates anciennes
Je récolte aujourd'hui 4 kg par plant sur la saison, soit 400 kg par planche. Vendues à 3,8€/kg, cela représente plus environ 1500€ par planche. Je cultive pour l'instant essentiellement des Cœur de bœuf, Andines cornues, Russes, Noires de Crimée et Green zebra.
Les aubergines
Je cultive des aubergines rondes qui se comportent mieux dans mes jardins que les aubergines longues. Je récolte environ 450 kg par planche de culture, soit 1700€ pour un prix de vente à 3,8€/kg.
Les courgettes
C'est une culture que je mène sur toile tissée ou paillage, qui demande très peu d'entretien et qui produit jusqu’à 250 kg par planche, soit autour de 500€. C'est sur la ferme la reine de la rentabilité/heure de travail, 3 fois plus rentable à l'heure passée que les tomates ou les haricots !
Les courges
C'est aussi une culture qui demande très peu d'entretien. Je ne produis que les petites courges “gourmandes” et faciles à vendre, comme les potimarrons, butternuts et Sucrines du Berry. Chaque planche produit un centaine de kg, à 2,6€/kg cela représente 260€/planche. C'est peu, mais c'est en rapport avec le très faible temps passé. Je cherche des cultures à mettre avant ou après pour augmenter la rentabilité annuelle des jardins qui accueillent les courges.
Les poireaux
C'est une culture qui est très appréciée des clients quand vient l'automne. Comme il est difficile de butter les légumes avec le système de planches permanentes bardées de bois, je procède autrement. J'achète les arrachis de poireaux qui sont du diamètre d'un crayon et d'environ 25 cm de haut. Je taille les racines et je les “praline” dans une boue que je prépare avec notre terre et de l'eau. Puis je place la toile tissée sur la planche, trouée avec 4 rangées et un espacement de 15 cm sur le rang. Avec la visseuse a batterie équipée d'une longue mèche de 30 cm, je réalise dans chacun de ces espaces des trous d'environ 20 cm dans la terre. Puis je place les plants de poireaux dans ces trous, dont les feuilles ne dépassent généralement que très peu. Les trous se reboucheront tous seuls en quelques semaines. J'irrigue par aspersion les premières semaines pour permettre aux plants de bien repartir, puis au GAG (goutte à goutte). Avec 600 plants par planches et un prix à 3€/kg, je peux espérer un revenu autour de 400€ par planche. Je ne cultive rien d'autre sur cette planche pendant la saison, donc le niveau de rentabilité n'est pas extraordinaire. L'essentiel du travail réside dans l'implantation, car faire tous ces trous avec la visseuse est assez long et pénible. L'enjeu est donc d'obtenir des beaux poireaux de bon calibre à l'automne, pour justifier tout ce travail !
L'oignon de conservation
C'est une culture que je trouve difficile et que j'ai mis longtemps a rendre vraiment rentable dans mes jardins. Je cultive l'oignon sur toile tissée et je l'irrigue au GAG. J'utilise des bulbilles pour gagner en calibre et en précocité. Je les plante assez tôt au printemps, fin février ou début mars. Avec les sols bien fertiles que nous avons réussi à obtenir sur la ferme, nous récoltons un peu plus qu'une centaine de kilos par planche, et nous les vendons 3€ le kilo. Nous enchainons une culture de choux directement après la récolte des oignons pour optimiser la production de ces jardins.
L'oignon frais en botte
Mes clients aiment bien les bottes d'oignons frais et c’est pour moi la façon la plus rentable de valoriser ce légume. Je plante les mottes d'oignons blancs en Novembre sous tunnel, et je les récolte en mars et avril. Le rendement peut atteindre 480 bottes par planche. A 2€/botte, cela représente 960€ par planche, ce qui est très satisfaisant pour moi pour une culture d'hiver qui laisse rapidement la place à d'autres cultures au printemps.
Tableau de production
Voici un tableau synthétique qui rassemble les données principales que j'utilise pour réaliser ma planification des cultures chaque année.
Attention, les chiffres de rendements correspondent à mes productions 2020 - 2021, qui sont bien plus élevées qu'il y a quelques années.
Il sont à prendre avec précaution, car on ne peut pas garantir les mêmes rendements sur des sols qui seraient moins riches et/ou avec moins d'expérience maraichère.
Si vous débutez, je vous souhaite d'obtenir ces rendements et même de les dépasser, mais par prudence je vous suggère de compter sur la moitié des rendements présentés ici.
Légumes | Variétés favorites | Nb de plants/
planche de 25m x 80cm |
Distance sur le rang en m | # rangs / planche | Rendement / planche | Prix de vente (euros) | Revenu
/planche |
Temps d'occupation de la planche | Temps de travail | Tâches les plus chronophages | Popularité auprès des clients | Rentabilité générale |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Courgettes | Parthénon F1, Cassiopée F1 | 50 | 0,5 | 1 | 240 kg | 2,30 | 550 | 3 mois | faible | Récolte | bonne | bonne |
Courges | Potimarron, Butternut, Patidoux | 50 | 0,5 | 1 | 100 kg | 2,60 | 260 | saison entiere | faible | transplant | bonne | moyenne |
Oignons | Silvermoon, Highlander F1 | 300 | 0,25 | 3 | 110 kg | 3,00 | 330 | saison entiere | moyen | transplant, sechage et stockage | bonne | très faible |
Oignons blancs sous tunnel | Silvermoon, Highlander F1 | 600 | 0,20 | 4 | 400 bottes | 2,10 | 840 | 2 mois | moyen | transplant, sechage et stockage | bonne | très bonne |
Poireaux | Longton F1 | 0,2 | 4 | 150 kg | 3,00 | 450 | saison entiere | faible | transplant | bonne | faible | |
Ail | Thermidrome | 300 | 0,25 | 3 | 30 kg | 12,00 | 360 | saison entiere | faible | transplant | moyenne | faible |
Carottes | Napoli F1, Yaya F1 | 3750 | 0,04 | 6 | 225 bottes | 2,50 | 563 | 3 mois | moyen | désherbage et lavage | très bonne | très bonne |
Navets | Sweet Bell F1 | 600 | 0,2 | 4 | 200 bottes | 2,00 | 400 | 2,5 mois | moyen | semis et désherbage | moyenne | moyenne |
Betteraves | Chiogga, Alvro Mono | 600 | 0,2 | 4 | 200 bottes | 2,00 | 400 | 3 mois | faible | transplant | moyenne | moyenne |
Épinard | Palco F1 | 300 | 0,25 | 3 | 100 kg | 5,00 | 500 | 3 mois | moyen | transplant et récolte | tres bonne | faible |
Laitues | Kiribati, Florine, Parinice, Veredes, Fanela | 300 | 0,25 | 3 | 250 pièces | 1,20 | 300 | 1,5 mois | faible | transplant | très bonne | très bonne |
Mesclun | Laitues a couper, verdures asiatiques, roquette, fleurs | 600 | 0,2 | 200 sachets | 2,00 | 400 | 2 mois | important | semis, désherbage et préparation | très bonne | moyenne | |
Radis | Rond Raxe | 12000 | 0,025 | 12 | 120 bottes | 1,50 | 150 | 1,5 mois | moyen | semis et récolte | bonne | moyenne |
Haricots verts à rame | Vesperal | 250 | 0,1 | 1 | 100 kg | 8,00 | 800 | 3,5 mois | important | Récolte | très bonne | très bonne |
Pois croquants | Norbu | 500 | 0,05 | 1 | 80 kg | 10,00 | 800 | 3 mois | important | Semis manuel, tuteurage, récolte | très bonne | très bonne |
Blettes | Ampuis, Berac | 300 | 0,25 | 3 | 200 kg | 3,00 | 600 | 3 mois | moyen | transplant et récolte | moyenne | bonne |
Kale | Westlandse Winter | 300 | 0,25 | 3 | 100 kg | 4,00 | 400 | saison entiere | moyen | Récolte | moyenne | bonne |
PDT nouvelles PC | Lindzer Delikatess, Amandine | 500 | 0,2 | 4 | 140 kg | 4,50 | 630 | 3 mois | faible | Récolte | très bonne | bonne |
PDT nouvelles tunnel | Lindzer Delikatess, Amandine | 500 | 0,2 | 4 | 180 kg | 6,50 | 1170 | 3 mois | faible | Récolte | très bonne | Très bonne |
Concombres | Akito F1, Palladium F1 | 100 | 0,5 | 2 | 200 kg | 3,00 | 600 | 4 mois | moyen | tuteurage et taille | faible | bonne |
Aubergines | Black Gem F1 | 100 | 0,5 | 2 | 530 kg | 3,80 | 2014 | saison entiere | important | tuteurage et taille | moyenne | Très bonne |
Poivrons | Sprinter F1 | 100 | 0,5 | 2 | 200 kg | 4,50 | 900 | saison entiere | moyen | tuteurage | moyenne | bonne |
Tomates rondes | ? | 100 | 0,5 | 2 | 700 kg | 2,90 | 2030 | saison entiere | important | tuteurage et taille | bonne | bonne |
Tomates cerise | Bartelli F1, Capriccio F1, Sakura f1, Black Cherry, Orange Toronjina F1 | 100 | 0,5 | 2 | 385 kg | 7,00 | 2695 | saison entiere | important | tuteurage, taille | bonne | bonne |
Tomates coktail | Cocktail Devotion F1 | 100 | 0,5 | 2 | 560 kg | 3,00 | 1680 | saison entiere | important | tuteurage et taille | bonne | bonne |
Tomates anciennes | 100 | 0,5 | 2 | 540 kg | 3,80 | 2052 | saison entiere | important | tuteurage et taille | bonne | moyenne |
Vidéo
Gestion de l'entreprise
Stratégie de l'entreprise
L’agriculture offre une fabuleuse diversité de métiers qui demandent chacun des habiletés et des sensibilités différentes, et qui sont sources de réel épanouissement personnel pour des millions de femmes et d’hommes à travers le monde. Je considère avoir le privilège de faire partie de ceux-là. Le maraîchage est pour moi source d’épanouissement physique autant que mental, et le soin que j’apporte à mes jardins au quotidien me procure beaucoup de plaisir. Cela m’ancre dans le concret, dans ce qui se passe ici et maintenant, dans un environnement naturel, vivant, et simple.
Au delà de cette considération "spirituelle" du métier, mes jardins sont aussi mon entreprise. Si je veux me tirer un salaire correct et profiter d’une bonne qualité de vie, je dois construire une stratégie économique solide, d’autant plus que l’agriculture ne fait pas partie des secteurs d’activités les plus facilement rentables aujourd’hui.
Le maraîchage étant un atelier agricole d’une grande complexité à cause de la grande diversité des cultures, cela me permet une réflexion stratégique que je n’avais pas soupçonnée avant de lire le livre de Jean-Martin Fortier et de m’installer moi-même concrètement. Et comme j’avais plus d’expérience et d’intérêt en création d’entreprise qu’en maraîchage lorsque je me suis installé, c’est un des critères qui m’a fait choisir le maraîchage parmi d’autres ateliers agricoles. Je n’ai jamais regretté ce choix, et le maraîchage est l’activité la plus complexe et la plus stimulante intellectuellement que j’ai été amené à développer jusqu’à aujourd’hui. Loin devant mon activité de conseil en efficacité énergétique pour les industriels que j’exerçais auparavant en tant qu’ingénieur, et devant mon activité d’enseignement et de gestion de conflits que j’exerce encore aujourd’hui en parallèle.
Je dois prioriser mes investissements, sélectionner mes outils et mon matériel, aménager et entretenir une surface agricole, calculer mes volumes de production, commercialiser mes produits, assurer la viabilité économique de l’entreprise, gérer mon temps, décider des tâches que je néglige pour préserver mon temps libre, et me préserver moi-même physiquement car le maraîchage est un métier physiquement intense. Tout cela en plus de produire une trentaine de légumes différents, qui doivent être beaux, savoureux et bien présentés si je veux les commercialiser correctement. Et tout cela dans un milieu vivant et naturel, donc imprévisible et sensible à de multiples paramètres extérieurs, contrairement à un tableau Excel ou à une réunion de travail bien préparée. C'est passionnant! 🙂
Concrètement, ma stratégie pour faire de mes jardins une entreprise rentable et qui me laisse suffisamment de temps libre, repose sur quelques principes simples, largement inspirés de ceux proposés par Jean-Martin Fortier.
- Une petite surface de production bien organisée : jardins et planches de culture identiques et proches les uns des autres, abri de jardin et pépinière à proximité
- Une petite surface de production bien équipée : je peux me permettre vu qu’elle est petite d’équiper tous mes jardins et tunnels de systèmes d’irrigation fixes et programmables, et de construire des planches permanentes mulchées de compost qui me facilitent grandement le travail
- Des petits outils ergonomiques et bien adaptés : le petit matériel que j’utilise permet de travailler très rapidement et dans de bonnes conditions, avec peu d’entretien et presque jamais de casse ou de panne.
- Des rotations rapides des cultures sur une même planche pour optimiser la production par m2 cultivé : le fait de pouvoir préparer un lit de semence ou de transplantation très rapidement et dans n’importe quelles conditions climatiques, et le fait d’utiliser intensément la pépinière pour accélérer cette rotation des cultures
- La vente directe pour valoriser au mieux la production, regroupée en fin de semaine et mutualisée entre les différents agriculteurs de la ferme pour gagner du temps.
- Les charges réduites grâce au petit outillage, à la (relative!) faible main-d'oeuvre nécessaire, à l’absence d’infrastructure et de matériel de stockage importants pour les légumes d’hiver.
Au delà de ces principes, j’apprends au fur et à mesure à gagner du temps sur mes différentes tâches et surtout à prioriser mes actions, car si je voulais être perfectionniste je pourrais facilement trouver de quoi travailler 80 heures par semaine au jardin. Je vais par exemple décider de ne pas faire un soin à une culture un peu vieille, parce que le temps que j’y passerais serait trop important par rapport au gain de production potentiel, et qu’il m’est donc plus rentable de faire d’autres tâches dans le temps que je me suis donné pour soigner les jardins.
Pour ma prochaine installation, je m’installerai avec un associé, pour rendre le travail plus agréable mais aussi pour alléger le rythme pendant les heures de travail, et pour pouvoir prendre de vraies grandes vacances. Il faudra augmenter légèrement la surface, et peut-être créer des ateliers complémentaires comme des poules pondeuses ou un verger diversifié pour réaliser un chiffre d’affaires suffisant pour deux, mais cela me semble tout à fait possible.
Résultats économiques
Depuis mon installation à la ferme des Buis, en 2017, j'ai progressé sur la productivité des jardins. Je souhaite prendre le temps à nouveau de présenter mes chiffres dans le détails, mais en attendant de prendre ce temps là, voici quelques chiffres clés.
J'ai 2500 m2 de planches cultivées, dont 1/3 sous tunnels. Cela occupe une surface d'environ 5000 m2 avec les passe pieds et les espaces de circulation autour des jardins.
En 2018, 1ère année de production sur la ferme des Buis, j'ai réalisé 32000€ HT de Chiffre d'Affaires.
En 2019, 46 500€ HT de CA.
En 2020, 68 000€ HT de CA. Nous avons récolté 80 000€ HT de légumes, mais nous avons eu des invendus (et de l'autoconsommation) car il a fallu réajuster nos circuits de commercialisation pour écouler cette production plus importante.
En 2021, 72 000€ HT de CA. La production de légumes a encore progressée, mais nos débouchés sont encore trop faibles
En 2022, 100 000€ HT de CA, dont 85 000€ de légumes et 15 000€ de fruits. C'est la première année de production du verger, planté 3 ans plus tôt. Nous avons renforcé l'équipe et augmenté nos débouchés grâce à un marché supplémentaire. Nous sommes maintenant 4 personnes dans l'équipe, dont une personne en stage reprise et 2 en salariat.
En 2023, 130 000€ HT de CA dont 100 000€ de légumes, 25 000€ de fruits et 5 000€ d'aides PAC et Jeune Agriculteur. Nous avons créé le GAEC "Les Jardins des Buis" avec Tom Galodé, et nous avons 1 personne en stage reprise et 2 personnes en salariat. Notre objectif est de passer à 4 associés d'ici la fin 2024.
Les jardins gagnent progressivement en fertilité, et nous progressons aussi techniquement, ce qui nous permet d'être de plus en plus productifs avec la même surface.
Il y a bien sur des charges à mettre en face, et des annuités de l'ordre de 10 000€/an sur 7 ans, mais globalement la rentabilité de nos jardins s'est énormément améliorée depuis ma première année de production en 2014.
Résultats entre 2014 et 2016
Voici mes comptes de résultat des années 2014 à 2016, les chiffres étant tous en € TTC :
Chiffres clés |
2014 | 2015 | 2016 |
---|---|---|---|
EBE | 5446 | 10769 | 22565 |
Amortissements et intérêts | 8348 | 8348 | 8348 |
Revenu disponible | -2902 | 2421 | 14217 |
Prélèvements | 0 | 0 | 12000 |
Capa. d'autofinancement | -2902 | 2421 | 2217 |
Investissement total (€ TTC) | 41739 |
---|---|
amortissement (années) | 5 |
Annuités (€) | 8347,8 |
Résultats entre 2021 et 2023
Type de surface | m2 |
---|---|
Cultivée (sans passe-pied) | 2500 |
Développée (rotations) | 6250 |
Occupée | 5000 |
Tunnels | 2300 |
Pépinières | 75 |
2021 | 2022 | 2023 | |
---|---|---|---|
Ventes HT | + 70.000 | + 98.000
(75.000 légumes) |
+ 125.000
(100.000 légumes) |
Aides PAC | + 2.000 | + 1.500 | +5.500 |
Charges HT | - 30.000 | - 45.000 | - 60.000 |
Annuités | - 7.000 | - 9.000 | - 13.000 |
Revenu Dispo | = 35.000 | = 45.500 | = 57.500 |
Mes commentaires
J’ai entièrement autofinancé mes investissements, qui s’élèvent à environ 42 000€ entre 2014 et 2016, répartis de la manière suivante : 11 000€ en 2014, 18 000€ en 2015, et 12 000€ en 2016. Dans ma comptabilité, j’ai décidé d’amortir ces investissements sur 5 ans, sans compter de frais financiers du fait de l’autofinancement. Cela donne une annuité de 8 348€ sur 5 ans.
2014
L’année 2014 a été pour moi une première année de test, pendant laquelle j’ai installé mes premiers jardins et j’ai découvert le métier. J’ai peu produit cette première année, ce qui explique le chiffre d’affaires très faible (9 700€), ainsi que les charges de production peu élevées. L’annuité de plus de 8 000€ m’amène à un résultat négatif de -3 000€.
Je dispose cette première année 2014 de deux tunnels de 250 m2 chacun, ainsi que 4 jardins extérieurs de 10 planches chacun, sans bardage bois et avec une couche de seulement quelques centimètres de compost sur chaque planche de culture. Cette première année, j’ai passé des heures et des heures à arroser au tuyau d’arrosage car je n’étais pas encore équipé d’asperseurs, des heures à semer car je n’étais pas équipé de semoir, et des heures à désherber car je n’avais pas bardé mes planches de culture et que les renoncules présentes dans les allées enherbées les envahissaient constamment. De plus, si je regarde la rentabilité moyenne par planche de culture cette première année, elle est de 186€/planche de 20 m2, ce qui est extrêmement faible. En revanche, j’ai énormément appris sur les techniques de culture, j’ai compris mes erreurs, et j’ai découvert que j’aimais beaucoup ce métier. C’est pour cela que j’ai décidé de continuer en 2015 et de m’équiper vraiment pour rendre mon atelier plus ergonomique, confiant que j’arriverais à augmenter la rentabilité de mon atelier avec l’expérience.
2015
En 2015 j’ai plus que doublé mon chiffre d’affaires (23 000€), mais c’est encore trop peu par rapport aux charges de production et à l’annuité, et mon résultat, bien que positif, est très faible : 2 400€. Cela ne me permet toujours pas de me payer, mais je garde ce résultat en capacité d’autofinancement pour redémarrer ma saison 2016. J’ai en effet besoin d’un fonds de roulement d’environ 6 000€, hors prélèvements personnels, pour acheter mes semences et mon terreau en début d’année (février), avant de commencer à rentrer de l’argent grâce aux ventes de légumes, qui deviennent vraiment significatives en juin. Je n’aurai donc que 3 600€ à sortir de mes comptes personnels pour démarrer ma saison 2016.
Cette année 2015, mes charges fixes sont d’environ 4 000€, dont 2 700€ liés au véhicule et aux frais de commercialisation. Dans les charges variables, le poste Semences & Plants représente plus de 5 600€. C’est une charge importante qui vient du fait que j’achète une partie de mes plants au pépiniériste, en particulier les plants de tomates, d’aubergines et de poivrons. Je pense à l’avenir pouvoir réduire ce poste à 3 500€ en produisant moi-même tous mes plants. Il y a également 700€ de produits phytosanitaires et d’engrais organique, qui sont des charges qui devraient réduire fortement à l’avenir car je n’utilise plus d’engrais organique et de moins en moins de produits phytosanitaires.
Les recettes proviennent uniquement de la commercialisation des légumes. Ce chiffre d’affaires a été réalisé avec trois tunnels froids (650 m2 au total, soit 1 tunnel de 150 m2 en plus par rapport à 2014) et 4 jardins extérieurs de 10 planches chacun, soit 56 planches. La rentabilité moyenne par planche de culture est cette fois de 457€/planche, soit 2,5 fois celle de 2014. J’ai en effet grandement amélioré l’ensemble de mes itinéraires techniques de cultures, d’une part grâce à mon expérience de 2014, et d’autre part grâce à mes équipements (semoir, asperseurs, programmateurs d’arrosage, bardage bois de mes planches de culture) qui me font gagner beaucoup de temps et me permettent d’en passer davantage à suivre et implanter mes cultures.
2016
En 2016, le chiffre d’affaires est plus important : 35 500€. Cela est dû au fait que j’ai encore progressé techniquement, mais aussi que les investissements de 2015 m’ont permis d’agrandir les jardins : je dispose en 2016 de 6 jardins extérieurs de 10 planches, et de 5 tunnels froids (36 planches sous tunnel, pour 1250m2 de tunnels). En revanche, la rentabilité moyenne est de 370€/planche, donc plus basse que celle de 2015. Cela est dû au fait que plusieurs cultures n’ont pas bien marché (tomates rondes, fraises, oignons), et que globalement je dois encore progresser pour être capable de bien valoriser cette surface plus grande. Mon objectif est d’atteindre une moyenne de 500€/planche de culture, soit 50 000€ pour 100 planches cultivées.
En revanche, avec un résultat de plus de 14 000€, je constate que mon entreprise est viable dès 2016 et qu’elle me permet de réaliser un prélèvement personnel de 12 000€, en conservant une capacité d’autofinancement de 2 000€.
Pour les charges fixes, le poste principal est les frais de commercialisation. Ils représentent environ 500€ pour la livraison des paniers (65% des ventes) et 1 500€ pour le marché d’Aix les Bains le samedi matin (35% des ventes). Plus les paniers prendront une place importante dans la commercialisation, et plus les frais baisseront. D’autre part, si les autres ateliers agricoles avec lesquels je partage les frais de commercialisation faisaient un chiffre d’affaire similaire au mien, mes frais seraient divisés par deux (nous partageons les frais de commercialisation en proportion de nos chiffres d’affaires).
Enfin pour les charges variables, j’ai encore 500€ dépensés en engrais organiques et produits phyto, qui pourraient se réduire à 100€ pour le SLUXX et le savon noir. Le poste Semences & Plants est encore élevé mais il pourra être réduit lorsque je produirai la plupart de mes plants, ce que je compte faire lors de ma prochaine installation. L’eau est également une dépense importante et croissante sur mon exploitation de 2014 (730€) à 2016 (1 350€). J’utilise en effet l’eau du réseau qui est facturée à 1,20€/m3 TTC, et il pourrait être envisagé des solutions alternatives moins coûteuses sur le long terme, comme une retenue collinaire par exemple.
Mes conclusions
Grâce à l’analyse de ces 3 comptes de résultat, je constate que les charges fixes et variables pourront être diminuées, mais ne descendront probablement pas en dessous de 8 500€/an. Avec ce niveau de charges, je pense être capable de produire 50 000€ de légumes, lorsque j’aurai davantage d’expérience pour cultiver correctement 100 planches de culture. C’est une performance que je souhaite obtenir au bout de 4 à 5 ans dans ma prochaine exploitation. Cela permettrait d’augmenter considérablement la rentabilité de l’exploitation, dans l’optique de pouvoir faire vivre deux associés ayant chacun un statut professionnel, avec des cotisations sociales plus importantes que celles que je paye actuellement en tant que cotisant solidaire. Cela apporterait un confort de travail important, tant au niveau de la réduction du temps de travail que du partage des responsabilités de l’entreprise.
La certification AB
Je fait appel au certificateur local Alpes Contrôles pour ma certification Bio. Je souhaitais un organisme certificateur de petite échelle avec qui je pourrais avoir un échange constructif sur ma production biologique. J'ai travaillé avec eux pendant mes trois saisons à la ferme de la Berthe, je continue à la ferme des Buis, et cela c'est toujours très bien passé. La certification m’oblige à tenir à jour le suivi de cultures et de rendements, mais ce n'est rien de compliqué et cela me permet de me discipliner. Souvent lors du contrôle je ne suis pas 100% à jour et je dois renvoyer par la suite le suivi de cultures complété, mais ça ne pose aucun soucis.
La certification bio, contrairement à ce que je pensais, me fait gagner de l'argent. Non pas parce que je vends mes légumes plus chers parce qu'ils sont certifiés bio, mais parce que la certification me coûte 400€ par an et que le crédit d'impôts en faveur de l'agriculture biologique, attribué à tout agriculteur biologique, me rapporte 2 500€ par an, en déduction d’impôts ou en versement sur mon compte si je ne suis pas imposable.
Implantation des cultures
La pépinière
Je réalise une très grande partie de mes plants moi-même. Cela me permet de réaliser des économies et d’éviter des allers retours pour aller chercher des plants chez le pépiniériste. Mais cela m’offre aussi une plus grande flexibilité d’implantation, car si je vois que je suis en retard pour libérer une planche permanente, je peux décider de retarder le semis en pépinière de la future culture destinée à cette planche. Avec mon pépiniériste, je suis obligé de définir un calendrier de livraisons en début d’année et de respecter ce calendrier, même si je n’ai pas de place au jardin. Réaliser mes plants me permet aussi un plus grand choix dans les variétés, et m’évite d’importer des maladies éventuelles de chez le pépiniériste.
Pépinières
J’utilise deux pépinières d’environ 20 m2 chacune pour réaliser mes semis, avec des tables de chaque côté d’une allée centrale. Ainsi mes semis sont à la bonne hauteur pour les surveiller et les manipuler, et ils sont aussi à l’abri des limaces !
Je réalise tous mes semis dans des plaques alvéolées multi cellules, dont les dimensions sont de 40cm par 60cm, et qui contiennent entre 40 et 150 cellules par plaques. Ainsi, les plaques de 40 cellules de 7cm par 7cm permettent d’accueillir les plants de cucurbitacées ou de solanacées, ceux de 96 cellules permettent de réaliser les plants de salades, de choux ou encore de betteraves, et les plaques de 150 cellules accueillent eux les aromatiques où les fleurs comestibles destinées au mesclun. Ces plaques permettent de réaliser une économie significative de tourbe, elles sont très pratiques à utiliser, forment des mottes coniques et aérées idéales pour la transplantation, et semblent donner une meilleure précocité au printemps en maintenant la chaleur de la nappe chauffante prisonnière sous la plaque, autour des alvéoles. Ainsi, j’ai constaté 3 jours de retard sur des plants de concombres que j’avais semés dans des pots individuels par rapport à ceux que j’avais semé en plaques juste à côté.
Semer
Pour semer, je remplie d’abord la plaque de terreau (sacs KKS bio de 25kg livrés en palettes). Dans une des pépinières j’ai une table avec des bords de 15cm sur tous les côtés, sur laquelle je verse un sac de terreau à la fois. Les bords sont très pratiques car je peux poser mes plaques alvéolées sur la table et remplir de terreau sans en mettre partout. Une fois la plaque remplie de terreau, je tasse un peu avec mes doigts pour raffermir les mottes de chaque cellule : elles se tiendront mieux quand je les sortirai pour les transplanter. Pour les plaques de 96 cellules, qui sont de loin celles que j’utilise le plus, j’ai fabriqué une petite plaque en bois avec des boutons de portes vissés aux emplacements des cellules. Grâce à elle je peux tasser d’un seul coup une ligne de 8 cellules, ce qui me fait gagner un temps précieux. Une fois tassée, il doit rester environ 0,5 à 1cm entre le terreau et le bord de chaque cellule.
Ensuite je place une seule graine dans chaque cellule, sauf pour certaines semences qui sont plus capricieuses ou qui marchent bien en poquets : aromatiques, fleurs, épinards. Je recouvre enfin légèrement de terreau, et je mets une étiquette dans une des cellules avec la variété et la date de semis pour le suivi.
Les semis sont échelonnés sur une bonne partie de la saison pour assurer les séries successives de légumes. Concrètement, j’essaie je faire une bonne session de semis toutes les semaines ou deux semaines.
Arrosage
J’utilise un système d’aspersion très fine spécialement adapté pour les pépinières, avec un programmateur pour m’aider à gérer le dosage et la régularité de l’irrigation. Au printemps et à l’automne quand les jours sont encore frais, je privilégie une irrigation manuelle avec une douchette en mode brumisation. Je veux m’assurer de ne pas trop arroser les plants pour ne pas favoriser les maladies comme la fonte des semis, ni refroidir inutilement la pépinière. Dès que les jours se réchauffent, je programme l’irrigation pour démarrer 1 à 6 fois par jour, pendant une durée de 1 à 2 minutes, en fonction du climat. Le débit des micro-asperseurs est de 40L/h, et les mottes des plants s’humidifient en plus ou moins 1 min si je ne les ai pas trop laissées sécher avant. Je privilégie l’irrigation entre 10h et 16h, pour que le feuillage sèche vite et que le risque de maladie fongique reste limité.
Température
Une nappe chauffante électrique de 6m par 1,20m me permet de démarrer mes plants au début du printemps. Régulée par un thermostat, elle permet de maintenir les mottes des semis à une température autour de 20º. La nuit et les jours très frais, je pose un voile thermique au dessus des plants pour maintenir davantage la chaleur de la nappe favoriser la croissance des plants.
Je sème en pépinière la plupart des légumes car ma surface cultivée est limitée : quand une planche destinée à accueillir des salades est encore occupée par une culture précédente au jardin, je peux semer en pépinière les salades 1 mois avant que la planche soit libérée, puis les transplanter ensuite. Cela me permet de faire jusqu’à 3 rotations en plein champ, et de mieux rentabiliser ma surface de culture. Je transplante les salades, les betteraves, les épinards, la mâche, les pois, les haricots, les choux, les cucurbitacées, les solanacées (sauf patates bien sûr).
Pas de semis pour...
Les seuls légumes que je sème directement sont les radis, les navets, les carottes et le mesclun, car la densité est telle que le travail de semis en pépinière et de transplantation serait de l’ordre de plusieurs dizaines d’heures par planche !
Plaques ou motteuses ?
La plupart des maraîchers sur petites surfaces que je connais et qui font leurs propres plants fonctionnent avec des motteuses manuelles. Cela fait des mottes carrées beaucoup plus compactes, qui consomment plus de terreau. Mais c’est une solution qui marche tout à fait et qui est moins chère que les plaques alvéolées. En effet chaque plaque coûte 5€ et il m’en faut 60 à 80 pour ne pas en manquer pendant la saison. J’ai pour ma part toujours fonctionné avec des plaques alvéolées et j’en suis très content. J’ai parfois eu des mottes qui n’étaient pas assez tassées et qui se défaisaient lors de la transplantation, mais jamais de catastrophe. J’ai appris à tasser suffisamment, mais pas trop non plus car les racines des plants se développent mieux dans les mottes relativement aérées. J’ai également appris à reconnaître le bon niveau d’enracinement pour la transplantation : je transplante lorsque les racines se sont bien développées dans toutes la motte, et avant qu’elles ne s’enchevêtrent par manque de place. Ainsi, les racines sont en pleine vigueur et elles maintiennent la motte bien en place. Il m’est alors facile de les transplanter sur la planche en ayant fait un trou au plantoir au préalable. Grâce à leur forme conique, les mottes s’adaptent parfaitement au trou laissé par le plantoir. Pour les laitues, je fais un trou préalable très petit, et je plante seulement le bout de la motte dans le sol. La laitue est ainsi surélevée du sol et ses feuilles basses resteront plus saines.
L'achat de plants
Pour assurer le maximum de diversité début Mai et de la précocité sur les légumes d’été, j’achète les tous premiers plants à un pépiniériste. Cela me permet de rester tranquillement en vacances jusqu’à début Mars, ce qui est déjà un gros avantage.
L’autre avantage, c’est qu’en gardant une certaine fidélité envers mon pépiniériste, celui-ci n’hésite jamais à me dépanner quand j’ai besoin de 600 plants de salades que j’ai moi-même ratés, ou quand il me manque 200 plants de tomates parce que j’ai eu un problème d’irrigation dans la pépinière. Pour mes premières années de maraîchage et de pépinière, je dois bien reconnaître que ce partenariat avec mon pépiniériste m’a été bien utile à plusieurs reprises ! Mais pour cela, il doit être à la fois arrangeant et suffisamment gros pour que mes 600 plants de salades improvisés représentent peu de chose dans sa production. Par rapport à ces deux critères, j’ai choisi un pépiniériste qui m’a donné entière satisfaction depuis 3 ans.
Cependant cette année les plants de tomates et d’aubergines sont arrivés avec une mouche mineuse qui n’a pas fait beaucoup de dégâts au jardin mais qui a ralenti la reprise des plants. De plus certains plants étaient trop vieux et ont végété pendant 3 semaines avant de reprendre, et certains n’ont pas repris du tout. Pour une variété de tomates rondes, j’ai une ligne entière de 100 plants qui a séché sur place, à cause de ce que nous avons identifié comme de la fusariose avec un technicien maraîchage de l’Adabio. Dans le tunnel d’à côté, où j’avais 500 plants de tomates cerise, cocktail et anciennes que j’avais moi-même semés, je n’en ai pas perdu un seul.
Il m’est impossible de dire avec certitude que c’est une maladie qui venait de chez le pépiniériste, mais j’ai pris la décision de faire tous mes plants de tomates, poivrons et aubergines dans les années à venir.
Le semis direct
Les seules cultures que je sème directement en pleine terre sont les radis, les navets, les carottes et le mesclun. Vu le nombre de graines par planche, il serait beaucoup trop fastidieux de les transplanter !
Les semoirs
Pour les navets et les carottes j’utilise le semoir manuel mono rang Terradonis JP1. Il est léger, peu coûteux (600€), très pratique d’utilisation et donne de très bons résultats. Pour les radis et le mesclun, j’utilise le 6 Row Seeder développé par Eliot Coleman et que j’ai également acheté chez Johnny’s Selected Seeds pour 650€, frais de port et taxes compris. Ce semoir a l’énorme avantage de semer 6 rangs en même temps espacés de 4,5 cm chacun, sur une largeur totale d’environ 35 cm. Un aller-retour et ma planche de 80 cm est semée ! Il est à mon sens beaucoup moins pratique et agréable d’utilisation que le JP1, parce que son système d’entraînement est capricieux (courroie d’entraînement qui sort très facilement, rouleau d’entraînement qui parfois oublie de tourner…) et qu’il est moins facile de récupérer les graines dans la trémie après le semis (soit il faut enlever le manche soit il faut jouer les équilibristes). Mais il est pour moi indispensable et parfaitement étudié pour produire le mesclun sur douze rangs. Je m’en sers aussi pour les radis, mais je pourrais obtenir un résultat satisfaisant avec le JP1 équipé de son soc et de son rouleau double rang.
Organisation des semis
Comme pour la pépinière, j’essaie de programmer une session de semis par semaine ou toutes les deux semaines, pour assurer les séries successives des radis, navets, carottes et mesclun. Je ne produis les radis et navets qu’au printemps et à l’automne en tunnel froid, car ces deux cultures ne poussent pas bien en été et qu’elles sont beaucoup plus rentables sous tunnels du fait qu’elles sont moins attaquées par les limaces et limaçons.
Le lit de semence
L’essentiel du travail de semis est de réaliser un bon lit de semence, que je prépare avec un passage de microculteur, et éventuellement un râteau à feuilles s’il faut enlever quelques morceaux de bois du compost en surface. Le passage du semoir est ensuite très facile et agréable.
La densité de semis
Je sème sur 6 rangs pour les carottes et les navets, soit 6 passages (3 allers retours) avec le JP1, avec des espaces théoriques sur le rang de 2,7 cm.
Pour le mesclun et les radis, je fais un aller-retour avec le 6 Row, soit 12 lignes avec un espacement théorique de 2,5 cm sur le rang (le 6 Row permet un espacement de 2,5cm, 5cm ou 10cm sur le rang).
Tasser ?
Je ne tasse jamais après le passage des semoirs, qui disposent déjà de rouleaux tasseurs à l’arrière qui sont à mon sens suffisants. Je programme simplement l’irrigation pour m’assurer que les semis resteront bien humides jusqu’à leur levée, et je place une petite pancarte en plastique en début de planche avec la variété et la date du semis pour mieux suivre la culture.
La transplantation
Un élément clé du gain de productivité
Je privilégie la transplantation au semis en pleine terre pour tous les autres légumes. Cela me permet d’optimiser la production de mes planches de culture à deux niveaux. D’une part je peux semer 20 à 30% de plants en plus en pépinière, sélectionner les meilleurs et m’assurer d’avoir une planche remplie des plus beaux plants au jardin.
D’autre part je peux faire partir une culture en pépinière en moyenne un mois avant que la planche destinée à l’accueillir au jardin soit libérée de sa culture précédente. C’est un gain de temps essentiel pour moi pour optimiser la petite surface dont je dispose.
Qui prends du temps...
Le désavantage de la transplantation est que cela prend plus de temps que de semer directement, et que c’est aussi une tâche moins ergonomique car on est accroupis ou à genoux pour transplanter alors que le microculteur et le semoir sont des outils qui s’utilisent debout.
Mais qui permet de pailler !
Ce désavantage est compensé par le fait que je transplante toujours sur une toile tissée préalablement trouée ou un paillage végétal. Ce paillage permet de ne pas avoir de problème d’enherbement sur la culture par la suite et donc de compenser le surplus de travail de la transplantation.
Et pour rêver un peu ...
Pour ma prochaine installation, j’envisage d’acquérir un chariot automoteur électrique qui enjambe la planche permanente et qui permet de transplanter en étant couché au dessus de la planche, avec le plateau de plants à portée de main.
Cet engin est proposé sur le marché aux alentours de 15 000€ sous le nom de Toutilo. Je pense que c’est un investissement très intéressant à moyen terme pour préserver le dos, les genoux et les épaules. Je l’ai essayé en Avril 2017 chez la maraîchère qui l’a conçu, et j’ai été séduit pas son ergonomie.
L'itinéraire du mesclun
L'itinéraire du mesclun est l'un des plus techniques de mes itinéraires de culture.
Composition du mesclun
Elle varie en fonction de la saison, car les verdures asiatiques et la roquette ne poussent pas bien en été, alors que les fleurs comestibles ne sont disponibles qu'entre Juin et Octobre. Je choisi mes variétés en fonction de différents critères :
- Le goût : la roquette et les moutardes asiatiques apportent des goûts légèrement piquants et relèvent le mélange, la laitue romaine apporte du croquant, les aromatiques parfument délicatement le mesclun. J'exclue toutes verdures apportant un goût amer car la plupart des clients n'apprécient pas, et moi non plus : Chêne verte a couper, Batavia, Chicorées.
- L’esthétisme : j'aime mettre plus de verdures rouges que de vertes dans le mélange, car cela attire davantage l'oeuil. Pour cela je privilégie la chêne rouge Sadawi, la laitue Cocarde, la Mizuna rouge et la moutarde Osaka Segal. Évidemment, les fleurs comestibles sont le must en terme de visuel, en plus d'être très parfumées.
- La rentabilité : je m'assure d'avoir toujours dans le mélange quelques verdures lourdes qui donnent du poids au mesclun, comme la laitue romaine Palosta, le Pourpier d'été ou le Chou de Chine Granaat. Ces feuilles plus lourdes ont le mérite d'être plus croquantes et donnent du corps qu mesclun. Elles sont donc intéressantes pour mes clients, et intéressantes pour moi car elles optimisent le rendement du mesclun.
Concrètement j'utilise deux compositions de base en fonction de la saison :
- Mesclun de printemps et d'automne : Sadawi, Palosta, Cocarde, Roquette, Mizuna Verte, Mizuna Rouge, Chou de Chine Tatsoi, Chou de Chine Granaat, feuilles d'épinards, cerfeuil ou aneth
- Mesclun d'été : Sadawi, Palosta, Cocarde, Pourpier d'été, fleurs comestibles (Capucine, Souci, Œillet d'Inde, Mauve, Chrysanthème comestible, Pensée sauvage, Bleuet, Bourrache). Je ne mets plus d'aromatiques en été car je les effeuille et cela prend du temps, de la même manière que pour certaines fleurs je ne mets que les pétales. C'est donc soit l'un soit l'autre pour ne pas passer y trop de temps.
Préparation du lit de semences
Je passe le microculteur sur la planche en un aller-retour. Cela crée une surface très aérée et très homogène sur toute la planche. Je passe ensuite si besoin un râteau à feuilles pour affiner encore le lit de semences en enlevant les plus gros morceaux de bois (provenant du compost) en surface.
Semis direct
Je sème ensuite la planche à l'aide du semoir 6 row, en deux allers retours. Je sème plusieurs “patch” de variétés différentes sur la même planche, mais je ne sème jamais différentes variétés sur le même patch. Cela me permet de mieux contrôler chaque variété, de ne pas en récolter une si elle est amère ou abîmée, et les variétés qui poussent moins vite ne sont ainsi pas étouffées par celles qui poussent plus vite.
Cette pratique est la raison pour laquelle le semis du mesclun me prend une heure de temps, car il faut à la fin de chaque patch enlever les graines des trémies et les remplacer par des nouvelles. Comme le 6 row est peu ergonomique de ce point de vue, c'est toujours un moment délicat où je dois faire attention à ne pas renverser les graines par terre, qui représentent souvent plusieurs dizaines d'euros.
Je place une petite pancarte plastique avec la variété et la date marquées au feutre au début de chaque patch pour un meilleur suivi.
Ensuite, j'arrose abondamment au tuyau d'arrosage pour bien ancrer les graines dans le sol et je m'assure que l'irrigation est bien programmée et qu'elle sera suffisante pour garantir une levée optimale. Enfin, si le temps est humide, je répands des granulés anti-limaces sur la planche pour préserver les jeunes pousses de ces ravageurs.
Suivi de la culture
Je fais un tour du jardin tous les matins, ce qui me permet de m'assurer que mon semis de mesclun lève bien, que les campagnols et les limaces ne font pas trop de dégâts, et que la surface de la planche est bien maintenue humide grâce à l'irrigation. En début et fin de saison, je gère aussi le voile thermique en fonction du climat.
Désherbage
Je souhaiterais dans l'avenir effectuer un faux-semis avant de semer le mesclun, mais jusqu’à présent je l'ai rarement fait. Comme les planches de cultures sont relativement peu envahies par les adventices, cela ne me pose en général pas trop de problèmes. Je passe au bout de 2 ou 3 semaines sur la planche et je désherbe à la main, ce qui me prend une trentaine de minutes en moyenne. Par la suite le mesclun est si dense qu'il ne laisse plus pousser les adventices.
Récolte
Je commence à récolter au plus tôt un mois après le semis, et j'essaie de renouveler ma planche au bout de deux récoltes, car les jeunes pousses sont meilleures sur les premières récoltes, et aussi parce que les récoltes suivantes sont souvent moins belles (feuilles abîmées, jaunies, etc.) et demandent beaucoup plus de travail de tri ensuite.
J'utilise la récolteuse à mesclun qui fonctionne avec la visseuse à batterie. Je récolte 15 kg par semaine, ce qui me prend environ une heure en comptant la manipulation des caisses et l'acheminement vers la salle de stockage et de conditionnement.
Avant je récoltais au couteau ou à la serpette, et la récolte était très longue et fastidieuse. Il fallait être à genoux pendant des heures et le rythme de récolte était assez décourageant. Sans compter les coupures à répétition...
La récolteuse à mesclun est donc devenue pour moi indispensable pour une production sérieuse de mesclun.
Lavage et tri
Je dispose d'un grand bac en Inox de 80 x 80 cm, profond de 70 cm, que je rempli d'eau et d'1L de vinaigre. J'y verse la moitié d'une caisse de récolte à la fois, et donc une seule variété de verdure. C'est un détail important parce qu'il est beaucoup plus facile pour moi de trier une seule variété de verdure à la fois, car tout ce qui est d'une couleur ou d'une forme différente de cette verdure est très vite repérable. Je réparti les feuilles de verdures sur toute la surface de l'eau, et je les brasse doucement pour repérer et enlever toutes les feuilles jaunies et les adventices. Généralement, les petits escargots et les petites limaces qui se trouvent dans les feuilles tombent au fond du bac et je n'ai pas à m'en préoccuper.
Cette étape demande un temps très variable en fonction de la qualité du mesclun. S'il n'y a presque pas de feuilles jaunies par un excès d'humidité ou par le fait d'une culture trop vieille, alors c'est très rapide et agréable. En revanche, s'il y a beaucoup de feuilles à enlever, c'est une étape qui peut durer jusqu’à une heure par caisse de récolte, soit 1,5 à 3 kg de mesclun seulement!
C'est pourquoi le défi essentiel pour moi dans la culture du mesclun est de renouveler les cultures suffisamment souvent pour avoir le moins de tri à faire, et de bien gérer l'irrigation pour ne pas arroser trop et risquer de faire pourrir les feuilles les plus vieilles.
J'ai remarqué que lorsque le climat est sec, le mesclun est beaucoup plus joli et demande moins de tri que lorsqu'il pleut fréquemment et qu'il y a un excès d'eau dans les verdures. Pour notre climat de Chartreuse, il faudrait donc cultiver le mesclun davantage dans les tunnels au printemps et en automne pour mieux contrôler le climat. Malheureusement, je n'ai pas suffisamment d'espace pour cela, et les verdures rouges ont besoin d'être cultivées dehors pour avoir leur coloration rouge intense.
En ce qui concerne les adventices, elles sont quasiment insignifiantes pour moi par rapport aux feuilles jaunies.
Egouttage
Une fois triées, je retire les verdures du bac de tri et de lavage et je les place dans le grand bac inox de 30L de mon essoreuse à salade professionnelle. Le modèle neuf coûte 5 000€, mais en cherchant sur le Bon Coin j'ai trouvé plusieurs occasions. Je l'ai finalement achetée pour 200€.
Je place donc le bac en inox dans l'essoreuse, je ferme le couvercle et je lance la machine (qui fonctionne en 380V) pour 1 min d'essorage. Les verdures en ressortent parfaitement essorées sans être abîmées.
Mélange
L'essorage terminé, je retire le bac inox de l'essoreuse et je vide son contenu dans le “Pac Man”.
Le Pac Man, c'est un mélangeur à mesclun inventé par Eliot Coleman, dont je me suis construit une copie sur la base de son modèle présenté dans son livre "Des légumes en Hiver".
C'est une sorte de tonneau de 1,20 m de long par 90 cm de diamètre, conçu en 2 parties reliées ensemble d'un côté par des charnières, et de l'autre par 2 loquets. Ce tonneau est monté sur deux poteaux qui ont en leur sommet un roulement horizontal fixe au centre du tonneau. Ainsi, le tonneau une fois fermé peut tourner sur lui-même sans avoir un axe horizontal qui passe en son centre. L'un de mes roulements est le pédalier d'un vieux vélo, l'autre est l'axe de la fourche du même vélo. Après quelques découpes à la disqueuse, ils s'adaptent parfaitement sur les poteaux et sur le tonneau, même si le résultat visuel est bien moins chic que celui d'Eliot Coleman, j'en conviens volontiers!
Je peux faire tourner le Pac-Man soit avec la pédale que j'ai laissée sur l'un des côtés du pédalier, soit en le faisant simplement tourner avec les mains. Je maintiens ouvert le Pac-Man pendant toute la phase d'essorage et j'y verse au fur et à mesure les différentes verdures essorées. Lorsque j'ai terminé, je ferme le Pac-Man a l'aide des loquets, et je le fais tourner doucement 5 tours dans un sens, 5 tours dans l'autre.
Mes 15 kg de mesclun hebdomadaires sont ainsi parfaitement mélangés sans effort et en un rien de temps!
Avant de construire le Pac-Man, je faisais le mélange en prenant un peu de feuilles dans chaque caisse essorée, que je mélangeais dans une nouvelle caisse. Cela fonctionnait pour quelques kilos, mais je suis bien content de ne plus avoir à le faire pour 15 kg par semaine.
Conditionnement
Directement du Pac-Man dont je bloque la rotation grâce à deux loquets, je rempli des sachets fraîcheur micro perforés zippésavec 150g de mesclun. Ces sachets sont très pratiques car ils conservent le mesclun au frigo pendant une semaine en le laissant respirer par les micro-perforations. Je les achète 10 centimes d'euros pièce.
L'essorage est aussi très important, la conservation s'est allongée d'au moins deux jours grâce à l'essoreuse professionnelle, qui essore bien mieux que l'essoreuse manuelle domestique que j'utilisais auparavant. Même les fleurs se conservent très bien.
Je vends ces sachets 2,2€, ce qui équivaut à 14,5€/kg de mesclun. J'en vends une centaine par semaine, et je pense que le fait qu'il soit en sachet aide beaucoup. D'une part cela permet d'afficher un prix de 2,2€ le sachet qui fait moins peur que 14,5€/kg, et d'autre part c'est beaucoup plus pratique pour les clients qui n'ont qu'à prendre le sachet, le mettre au réfrigérateur en rentrant chez eux, et se servir directement du sachet quand ils veulent de la salade.
Pour ceux qui le demandent - et ils sont très peu nombreux - je vends aussi le mesclun en vrac, sans sachet. Plus fréquemment, ceux qui souhaitent limiter la consommation de plastique me ramènent les sachets, que je lave et que je réutilise.
Mes retours sur cette culture
C'est une culture que je trouve très technique et qui me plaît beaucoup car c'est une vraie composition, presque une préparation gastronomique !
Par contre cela m'a pris beaucoup de temps à la maîtriser, et aujourd'hui encore je manque d'expérience pour en faire une culture vraiment rentable par rapport au temps que j'y passe. J'ai surtout besoin de trouver les solutions pour avoir moins de feuilles jaunies à trier, car cette étape est encore pour moi très longue et désagréable.
Mais c'est une culture qui me vaut tellement de compliments de la part de mes clients que j'aurais aujourd'hui du mal à m'en passer.
Je pense en revanche qu’en tant que maraîcher totalement inexpérimenté comme je l'étais il y a 3 ans, c'est une culture que j’aurais dû éviter les deux premières années pour pouvoir me concentrer plus sereinement sur les autres cultures maraîchères. Le mesclun est un produit très chic, mais il est loin d'être indispensable comme le sont les tomates, les laitues, les carottes, les haricots verts, les courgettes ou les pommes de terre nouvelles.
De plus son chiffre d'affaires reste limité tant que je n’en produis pas en quantité semi-industrielle comme Jean-Martin Fortier par exemple. Le chiffre d'affaires du mesclun était pour moi de 3 500€ pour la saison 2016 pour un chiffre d'affaires total de 35 600€. Il faut également compter, en dehors de la main d'oeuvre, les charges opérationnelles : 400€ de semences, 150€ de sachets, et 10€ de vinaigre blanc pour 35 00€ de chiffre d'affaires.
Soin des cultures
L'amendement
L'amendement est pour moi l'étape n°1 dans le soin des cultures.
Si les plantes sont correctement nourries, elles doivent pousser en abondance et en pleine santé.
Mais si la théorie est évidente, la pratique n'a pas toujours été si simple pour moi aux jardins. Voici donc quelques retours d'expériences.
Les amendements organiques du commerce (utilisables en AB)
Les deux premières années, par facilité, j’ai utilisé un amendement organique en granulés de chez Frayssinet, titré NPK 6-3-13. Je l’enfouis dans les premiers centimètres du mulch à l’aide du microculteur car j’ai remarqué que l’amendement ne marche pas bien si je le laisse en surface.
J’ai noté une réaction vive des cultures à cet amendement, avec une augmentation de la croissance et de la vigueur des cultures sur les premières semaines.
Cependant, outre le fait qu’il est très cher, il semble être vite consommé ou lessivé car les cultures relativement longues comme les tomates ou les aubergines présentaient au jardin des signes de faiblesses en deuxième partie de saison (feuillage clair, baisse de vigueur et de production).
J'ai arrêté d'utiliser ces amendements organiques dans mes jardins depuis que j'utilise le fumier composté de la ferme.
Il existe dans le commerce des amendements organiques à diffusion plus lentes, et de bons dosages de ces différents amendements organiques permettent un apport régulier tout au long des cultures. J'ai vu beaucoup de maraichers expérimentés amender de cette manière et obtenir d'excellents résultats sur leurs cultures.
Le fumier composte
A l’automne de ma deuxième année de production, j’ai pu composter le fumier de nos chèvres et de nos chevaux et amender l’ensemble de mes planches permanentes avec ce fumier composté, à une dose de 20T/ha. J'ai déterminer cette dose en fonction des besoins des différentes cultures et des limites ne pas dépasser. J'ai constaté la 3ème année une meilleure vigueur, une meilleure productivité et une meilleure endurance des cultures.
Le problème est que je ne pouvais pas faire venir le retourneur d'andain sur mon ancienne ferme, car elle était trop en pente. Le fumier n'était pas composté de manière tout à fait homogène, et j'ai eu quelques problèmes d'adventices sur mes semis directs : carotte, mesclun, radis et navet.
Pour la saison prochaine, sur mes nouveaux jardins, je fais appel à un retourneur d'andain pour mieux composter mon fumier. Je le ferai retourner deux fois à 10 jours d'intervalle, pour un compostage d'une durée de trois semaines environ. Si je le fais composter moins de temps, je risque d'avoir de sérieux problèmes d'adventices. Et si je le fais composter plus longtemps, il perdra de son potentiel et stimulera moins bien la vie du sol, essentielle pour rendre les amendements assimilables.
Incorporation au sol
Une fois que j'ai épandu le fumier composté sur mes planches, je passe le microculteur pour l'incorporer à mon mulch de compost végétal. Si le fumier est bien composté, il se mélange bien au mulch, et il est ensuite facile de semer ou transplanter sur la planche. En revanche, s'il est aggloméré en mottes ou s'il y en a trop par endroit sur la planche, je préfère en enlever, car les cultures auront du mal à lever ou à reprendre s'il reste trop de fumier en surface.
Les engrais verts
Je n’ai pas pratiqué les engrais verts jusqu'ici, car j'ai préféré laisser cette complexité de côté pendant mes premières années de production. J'ai fait le choix de me concentrer dans un premier temps sur mon objectif de produire de beaux et bons légumes, en quantité suffisante pour me générer un revenu correct.
C’est en revanche une pratique qui m’intéresse beaucoup pour les années à venir, que j’espère pouvoir maîtriser et intégrer pleinement dans mon plan d’amendement. Au delà des nutriments et de la structuration du sol qu’ils peuvent apporter, j'ai conscience qu'ils représentent un apport de matière fraîche indispensable à la vie du sol.
Gilles Domenech va m'accompagner sur ce sujet sur les prochaines années, pour m'aider à choisir les bons engrais verts en fonction de mes besoins et contraintes aux jardins, et pour gérer correctement leur destruction au printemps.
La compréhension de la vie du sol pour améliorer mes pratiques
De manière générale, la pratique du mulch de compost et l’amendement sont des pratiques agronomiques complexes que je ne prétends pas maîtriser entièrement aujourd’hui. J'ai sollicité l'accompagnement de Gilles Domenech sur les prochaines années de production pour apprendre à mieux connaître le fonctionnement de mon sol, et pour pouvoir comprendre et mesurer l'impact de mes pratiques agronomiques.
L'irrigation
L'irrigation est pour moi, au même titre que l'amendement, une condition de base à la bonne santé et à la bonne productivité de mes cultures.
La programmation de l'irrigation
Il est très important pour moi d’avoir une irrigation entièrement fixe et programmable, car c’est à mes yeux une source de tranquillité, de productivité, d’ergonomie et de gain de temps. Chacun de mes tunnels est équipé de deux rampes d’aspersion et d’un départ goutte-à-goutte (GAG) par planche. Une électrovanne programmable commande soit les GAG, soit les rampes d’aspersion, en fonction de la culture en place. En plein champ, dans mes jardins extérieurs, j’utilise de la micro aspersion pour les verdures-racines et du GAG pour les cultures exigeantes (courges, courgettes, ail, oignon, poireau, pommes de terre nouvelles). Comme ces cultures alternent d’une année sur l’autre, chaque jardin est équipé des deux systèmes, avec une vanne qui permet de changer de l’un à l’autre en fonction de l’année. Je range les tuyaux GAG en fin de saison, seuls les départs GAG restent en place. Comme les tunnels, chaque jardin est équipé d’un programmateur indépendant.
Les électrovannes programmables
Les programmateurs que j’utilise sont des électrovannes programmables (75€ pièce environ) qui fonctionnent avec une pile 9V qui dure facilement deux saisons. Ces programmateurs permettent jusqu’à 8 départs par jour et sont très pratiques à programmer. Grâce à eux, les jardins de verdures-racines peuvent être arrosés tôt le matin et plusieurs fois dans la journée pour rester frais même en plein été, et les pourcentages de levées et de reprise des transplants sont très bons même en conditions extrêmes comme celles des deux derniers étés 2015 et 2016, où certains maraichers ont été embêtés avec la levée des carottes par exemple en Juillet et en Août.
La gestion de la programmation
Je fais le tour des programmateurs environ une fois par semaine pour mettre à jour les programmations en fonction du climat et des cultures. Même s’il m'arrive parfois de faire des erreurs, comme oublier d’éteindre les programmateurs alors qu’il pleut dehors, ma gestion de l’irrigation s’est énormément améliorée grâce aux programmateurs. Je n’ai par exemple jamais plus oublié d’éteindre une aspersion et retrouvé une flaque à la place de mes cultures le lendemain…
Idem dans la pépinière, où les variations brutales de températures au printemps font parfois des dégâts et où il est difficile de toujours maintenir des bonnes conditions pour les semis en été. Avec une brumisation spécialement adaptée pour la pépinière, je peux maintenir une bonne fraîcheur en été en programmant plusieurs départs par jour, ou partir en weekend sans me préoccuper de trouver quelqu’un pour arroser mes plants.
Le dosage de l'irrigation
Pour le dosage de l’irrigation, j’ai consulté plusieurs ouvrages de référence et suivi des formations spécifiques. J’essaie de suivre les besoins de chaque culture à leurs différents stades de croissance. Les deux Tomes de l’ITAB édités récemment « Produire des légumes biologiques » sont pour moi une bonne référence. Ces formations et lectures n’ont pas profondément changé mes pratiques, mais elles m’ont permis d’affiner le volume d’irrigation en particulier pour les tomates, aubergines et poivrons sous tunnels. Je passe plus fréquemment régler le programmateur en fonction de leur stade de développement.
Concrètement, j’irrigue par exemple entre 0,5 et 3L/jour chaque plant de tomate en fonction de leur stade.
Pour les jardins de Verdures-Racines, je dose l'irrigation en fonction des semis et des jeunes transplants qui s'y trouvent : je m'assure en fonction des conditions climatiques que l'irrigation sera suffisante pour leurs bonnes levées ou reprises.
Gestion de l'enherbement
Le paillage de toile tissée
J’utilise des toiles tissées de 80cm de large par 25m de long. C’est la dimension de toutes mes planches, ce qui me permet d’utiliser n’importe quelle toile sur n’importe quelle planche. L’idée est de pailler toutes les cultures qui peuvent l’être, donc toutes celles qui sont transplantées, pour réduire le travail de désherbage au minimum.
Au delà de sa durée de vie d'une quinzaine d'années, l'intérêt de la toile tissée est qu'elle s'installe et se range très rapidement.
Je troue les toiles tissées selon différents espacements, adaptés aux différentes cultures : de 3 à 6 rangs sur la largeur de 80cm, espacés de 10 à 30cm sur le rang.
J’utilise le thermoperfo, un perforateur thermique pour « souder à chaud » le plastique, ce qui évite aux toiles de s’effilocher.
Il me suffit pendant la saison de choisir une toile tissée trouée selon les espacements adaptés à ma culture, de l’agrafer sur ma planche de culture et de transplanter dans les trous de la bâche.
Par la suite j’enlève ponctuellement quelques adventices qui peuvent pousser dans les trous destinés aux cultures pour maintenir la planche propre pendant toute la durée de la culture.
Le paillage végétal
Je souhaite expérimenter pour ma saison 2018 le paillage végétal avec de la paille, du foin, ou mieux de la deuxième coupe de luzerne qui ne contient presque pas de graines d'adventices. Je reste prudent car ce type de paillage demande beaucoup plus de travail à la mise en place que les toiles tissées. En revanche il présente l'énorme avantage d'apporter de la matière végétale fraîche qui peut considérablement stimuler la vie du sol. C'est donc une pratique que je souhaite introduire progressivement dans mes nouveaux jardins.
Les semis directs profitent aussi du paillage
Pour les semis en pleine terre, il y a toujours quelques adventices qui poussent dans les cultures. Elles sont cependant limitées pour deux raisons.
La première est que je ne travaille pas le sol, je ne fais donc pas remonter de grands stocks de graines vers la surface.
La seconde est que même pour les verdures-racines, j’essaie d’alterner les cultures semées et les cultures transplantées. Ainsi la plupart du temps je sème en pleine terre sur une planche qui vient de bénéficier de 6 à 12 semaines d’occultation, grâce à une culture précédente qui avait été transplantée et donc paillée.
La densité des cultures
C'est pour moi un autre facteur clé dans ma gestion de l'enherbement. J'essaie de trouver un optimum de densité qui permette aux plantes de bien se développer, tout en assurant rapidement un couvert végétal qui empêche rapidement les adventices de pousser. Je sème par exemple les carottes et les navets sur 6 rangs sur 80cm de large, et le mesclun et les radis sur 12 rangs. Avec ces espacements, le calibre est au rendez-vous et les adventices sont assez vite maîtrisées.
Le sarcloir à main
Pour limiter les adventices qui poussent malgré cela (et il y en a toujours dans mes jardins!) je passe un petit sarcloir à main entre les rangs, et quand c’est nécessaire je désherbe quelques grosses adventices à la main. Je ne passe le sarcloir que dans les cultures semées sur 6 rangs, c'est-à-dire les carottes et les navets.
Le pyro-désherbage
A l’aide d’un pyro-désherbeur amateur, le même que j’utilise avec la cloche pour perforer à chaud les toiles tissées, j’expérimente le pyro-désherbage depuis quelques mois avec des résultats intéressants. Je souhaite développer davantage cette technique dans l’objectif de pratiquer un faux semis 2 à 3 semaines avant un semis de mesclun ou de carottes, et de faire un pyro-désherbage avant le semis de mesclun ou une semaine après le semis de carottes. Cela demande une organisation et du temps de « non-production » entre deux cultures pour réaliser le faux-semis, qui pourrait valoir la peine si cela réduit significativement le désherbage par la suite.
Le temps de désherbage
Grâce à ces différentes pratiques que j'améliore au fur et à mesure, le désherbage n'est plus une tâche qui me prend beaucoup de temps aux jardins. J’estime le temps de désherbage d’une planche de carottes à 1h maximum sur toute la durée de la culture, pour une production de 150 bottes de carottes par planche. Mon objectif est de descendre à 30 min de désherbage.
L'entretien des allées et des passe-pieds
Je laisse les passe-pieds enherbés, en prairie naturelle telle que je l’ai trouvée avant de cultiver la parcelle.
Le fait d’avoir des planches permanentes bardées de 15 cm de bois me permet de facilement passer la tondeuse dans les passe-pieds qui mesurent 60cm de large.
J’utilise aussi une débroussailleuse électrique à batterie très ergonomique qui permet de travailler avec précision et efficacité, dans le silence, sans vibrations et sans essence. Il faut veiller à couper l’herbe avant qu’elle ne soit trop haute, mais il est très agréable de travailler dans ces passe-pieds enherbés, c’est très esthétique, cela favorise la vie du sol et évite l’érosion et la formation de flaques lorsqu’il pleut très fort. Cela représente un peu de travail surtout au printemps et en été quand l’herbe pousse très vite, mais je ne suis pas sûr que cela prenne plus de temps que de maintenir les passe-pieds sans herbe, et avec du matériel de qualité c’est un travail tout à fait ergonomique.
Maraichage sur sol vivant
Chiffres clés
Alors que nos sols sont historiquement très pauvres, lourds et froids, nous avons mis en place depuis notre arrivée en 2017 des pratiques MSV (Maraichage sur Sol Vivant) qui nous ont permis d'obtenir aujourd'hui une très bonne fertilité de nos jardins. Grâce à cela, nous avons vu nos rendements en légumes considérablement augmenter.
Voici quelques chiffres clés de nos sols actuels :
- 16% de Matière Organique dans les 20 premiers cm du sol
- 18 tonnes/ha de vers de terre sous les planches de cultures
- 280 unités d'azote/ha/saison générés par les micro-organismes du sol
- Très forte minéralisation de l'azote et du carbone
Je souhaite vous partager ci-dessous, humblement, les résultats de nos expérimentations, observations, analyses et relevés, ainsi que l’état actuel de nos réflexions sur le sujet. Je ne prétends pas tout comprendre sur la vie des sols, j'en suis encore loin, et peut-être que d'ici quelques temps je viendrai corriger quelques erreurs grossières dans ce retour. C'est pour cela que je vous partage ici surtout des résultats d'analyses et de relevés, ainsi que des observations de terrain, et que j'essaie de faire relativement peu d'interprétations personnelles.
Enfin, avant de rentrer davantage dans le détail, un grand merci à Johan Billy, un ami qui a aussi été stagiaire sur notre ferme, et qui a réalisé un rapport MSV très largement repris dans cette page !
Notre contexte pédoclimatique
Nos terres, longtemps destinées à de grandes cultures conventionnelles, furent certifiées en AB suite à l’implantation d’une luzernière en 2013. Notre atelier maraîcher est dans la partie basse d’une large combe orientée vers le nord et bordée de forêts. Il s’agit d’une zone où s’accumule l’érosion hydrique du bassin versant.
Notre climat est de type méditerranéen avec une pluviométrie annuelle moyenne de 850 mm principalement distribuée en automne et au printemps comme le montre la figure 2.
Nous sommes en région « chaude » mais nos terres sont localement considérées comme « froides » du fait de notre proximité avec un Col à 395 m d’altitude accentuant notre exposition au Mistral pouvant atteindre 90 km/h.
L’étude pédologique effectuée par Giles Domenech en 2017 nous a renseigné sur la structure de notre sol. Notre substratum géologique est un calcaire tendre parfois recouvert d’éboulis calcaire et tapissé d’un sol peu profond de 40 à 60 cm. Des tassements et semelles dus aux engins agricoles ont été observés sans pour autant justifier un décompactage.
L’analyse de sol, dont un extrait est présenté par la figure 3, réalisée en 2016, a qualifiée la texture de notre parcelle comme étant de type « lourde d’argile limono-sableuse ». Avec 35 % d’argile, la rétention d’eau est intéressante, mais nous invite à être vigilants à l’asphyxie. Notre sol très calcaire (11 % de calcaire actif) et basique (pH 8,3) présente des risques de carence en oligo-éléments. Le taux de MO (c.-à-d. : matière organique) y est seulement de 2 %.
Un apport massif de compost en surface
Lors de notre installation, sans travail du sol préalable, nous avons apporté un mulch de 15 cm de compost de déchets verts à la surface de nos 126 planches de culture, soit un apport de compost de 300 t/ha. Les résultats de l’analyse de ce compost présentés par la figure 4, révèlent notamment un rapport C/N de 14.
Les passe-pieds, larges de 55 cm, sont enherbés en permanence. Nous avions au début beaucoup de liseron et autres adventices, qui progressivement laissent la place à des graminées spontanées et un peu de trèfle. Nous restons vigilants car nous observons quelques zones de chiendent qui n'ont pas l'air de vouloir se laisser faire si facilement, même si pour l'instant elles restent contenues.
Lors des deuxième et troisième saisons, seulement 4 jardins sur 18 ont été réapprovisionnés en compost, afin d’y implanter des carottes, pommes de terres nouvelles et poireaux, qui bénéficient particulièrement d’une nouvelle couche de mulch. Ainsi, grâce à la rotation des cultures, chaque jardin pourrait être réapprovisionné en compost tous les 4 ans environs.
L’aspect d’une planche réapprovisionnée en compost est illustré par la figure 5.
Que la planche soit en culture ou non, le compost est rarement piétiné, le plus souvent couvert (toiles tissées ou bâches d'ensilage) et régulièrement irrigué. Le seul « travail » du sol a lieu lors de l’incorporation de la fertilisation, avec le microculteur sur environ 4 cm de profondeur
Nous pensons qu’il s’agit de bonnes conditions pour la dégradation du mulch par la vie du sol. La figure 6 illustre l’état du compost deux années après le dépôt.
L'évolution de la vie et de la fertilité de notre sol
Depuis notre apport important de compost (300 t/ha) en 2017, nous suivons les évolutions de notre sol grâce aux analyses de sol du laboratoire Celesta Lab, spécialisé en analyse de la microbiologie du sol.
Un suivi de la population de vers de terre a été réalisé en avril 2018, 2019 et 2020 grâce à des prélèvements dans nos planches de cultures selon le protocole « test bêche ». Une augmentation constante du nombre de vers de terre est constatée. En 2020 dans une planche de tomate sous tunnel l’abondance était très élevé avec 1 425 vers/m² sur 20 cm de profondeur, ce qui représente 18 tonnes/ha.
Nous avons pu constater avec Gilles Domenech au printemps 2019 que, grâce à nos « ingénieurs du sol », la structuration du sol pouvait être qualifiée de « bonne » à « très bonne » avec une importante bioturbation incorporant progressivement le mulch, comme le montre plus haut la figure 6.
Deux diagnostics agronomiques ont été réalisés. Le premier, en mai 2018, avec des échantillons provenant de l’ensemble de nos jardins. Le deuxième, en décembre 2019, à partir d’échantillons de nos planches de culture sous l’un de nos tunnels. Les échantillons ont été prélevés sur 20 cm de profondeur (les résidus de compost ayant été écartés) et analysés par le même laboratoire.
Caractérisation physico-chimique
La figure 7 présente les résultats de l’analyse de 2018 :
Les matières organiques
En 2018, la teneur en MO totale est de 3,6 %, comme le présente la figure 8 (soit 87,2 t/ha sur 20 cm de profondeur). Sur ces 3,6%, on a 3,1% de MO liées (soit les réserves à long terme), et 0,55% de MO libres (soit les réserves à court et moyen terme). Pour ces deux types de MO, les valeurs observées sont déjà supérieures aux seuils de référence.
Il apparaît également que les réserves organiques sont à 85 % disponibles sur le long terme. Globalement, le rapport C/N des MO est satisfaisant. Ces résultats encourageants ont été obtenus seulement 6 mois après avoir déposé notre couche de mulch.
Fin 2019, la teneur en MO totale est de 15,6 %, comme l’illustre la figure 9. Soit 446 t/ha de MO, et 259 t/ha de Carbone stocké rien que dans les 20 premiers cm de notre sol !
Sur ces 15,6%, on observe 8,7% de MO liées et 6,8% de MO libre. Ces taux en MO sont très supérieurs aux seuils de référence du laboratoire pour ce type de sol.
De plus, le taux de MO libre augmente beaucoup, ce qui veut dire plus de nourriture à court terme pour les micro-organismes, et donc ensuite pour nos légumes ! Nous le constaterons en 2020, avec une nette augmentation de nos rendements maraichers, principalement sous tunnels.
La biomasse microbienne
En 2018 (figure 10) comme en 2019 (figure 11), il apparaît que notre sol est très « vivant ». En 2018, la biomasse microbienne représentait 664 mg de carbone par kg de sol sec, soit environ 1 576 kg/ha pour une profondeur de 20 cm. En 2019, il s’agissait de 1 290 mg de carbone par kg de sol sec, soit environ 3 677 kg/ha. Ces chiffres sont énormes !
L’activité microbienne
Afin d’évaluer la quantité de carbone et d’azote minéralisée par l'activité microbienne, les échantillons ont été maintenus dans des conditions contrôlées (température, humidité) en laboratoire pendant 28 jours. Les résultats des analyses sont présentés par les figures 12 et 13.
Le carbone organique, la source d’énergie pour la croissance et le développement des micro-organismes, a été minéralisée très rapidement en 2018 (429 mg de carbone par kg de sol sec) et encore beaucoup plus en 2019 (1 869 mg de carbone par kg de sol sec). Le laboratoire estime que l’activité de la MO est bonne et propice au maintien du potentiel biologique du sol.
L’azote minéralisé en 28 jours représente la quantité d’azote minéral potentiellement disponible pour les plantes dans une situation de terrain d’environ 4 mois. En 2018, la quantité était satisfaisante (26 mg d’azote par kg de sol sec) et en 2019, elle était très forte (65 mg d’azote par kg de sol sec)
Par extrapolation, il est estimé que l’activité biologique du sol sur 6 mois pourrait générer environ 91 unités d’azote par hectare avec l’échantillon de 2018, et 279 unités d’azote par hectare avec l’échantillon de 2019. C'est environ la consommation d'une culture de tomate sur la saison !
Constats sur la disponibilité de l'azote dans nos jardins
Nous sommes partis de sols très pauvres en 2017, pour arriver en 2021 à des sols globalement très fertiles.
Cependant, cette fertilité a mis du temps à se mettre en place. Nous avons constaté une nette augmentation de cette fertilité seulement à partir de 2020 sous les tunnels (où l'activité du sol est plus rapide qu'en plein champ), et en 2021 en plein champ.
L’analyse de 2019 estime que l’activité biologique de notre sol sur 6 mois, soit une bonne partie de la saison 2020, aurait du générer 279 unités d’azote par hectare. Nous avons donc pensé à revoir à la baisse notre plan de fertilisation en 2020. Finalement, nous avons fertilisé comme nous l’avions prévu, et nous avons malgré tout constaté des carences en azote dans nos jardins de plein champ. Même en tunnel, sur les cultures gourmandes et longues comme les tomates, nous avons constaté en 2020 des signes de manque d’azote à partir de la nouaison du cinquième bouquet, et nous avons dû les soutenir à l'aide de vinasse de betterave en ferti-irrigation.
Nous pensons donc qu'il faut être prudent avec les apports d'azote annoncés par les analyses, et que cet azote est surtout disponible au printemps et à l'automne, et beaucoup moins en été. Nous constatons également que la fertilité "naturelle" apportée par le compost et la vie du sol met du temps à se mettre en place, et qu'il ne faut pas hésiter les premières années à soutenir les cultures avec une fertilisation organique adaptée à leurs besoins.
Aujourd'hui, à la fin de la saison 2021, nos jardins ont une bonne structuration biologique, sont très vivants et fertiles, et nous fournissent de très bons rendements en légumes. Nous allons toutefois continuer nos observations, analyses et relevés dans les années à venir pour confirmer la bonne dynamique de ce système.
Les planches permanentes mulchées
Voici en introduction une vidéo réalisée en 2015, dans laquelle je présente mes planches permanentes mulchées. Je m'excuse pour la mauvaise qualité de son et d'image, j'en referai une bientôt sur mes nouveaux jardins!
Toutes mes planches de cultures sont des planches permanentes de 25m de long par 80cm de large, mulchées avec 15cm de compost de déchets verts (tontes, tailles d’arbres et de haies). Ces planches permanentes sont délimitées par un bardage en bois de 15cm de haut. Cela me permet de créer des petites terrasses perpendiculaires à la pente et de maintenir le compost sur les planches permanentes. Dans les endroits les plus pentus du jardin, avec une pente proche des 30%, j’utilise en aval un bardage de 25cm de haut pour compenser la pente. Ce bardage en bois me permet aussi de me préserver des adventices, notamment des renoncules très présentes sur la ferme. Ainsi je peux aisément passer la tondeuse et le rotofil dans les passe-pieds enherbés sans risque d’abîmer les cultures, et les plantes invasives comme les renoncules sont stoppées par la barrière physique du bardage. J’ai mis en place le bardage la seconde année, et j’ai divisé mon temps de gestion de l’enherbement par 5 par rapport à la première année sans bardage. Mais le plus grand intérêt de ce système repose sur le mulch de compost végétal de 15cm d’épaisseur.
La construction
En effet, pour réaliser mes planches permanentes, après avoir fixé le bardage en bois de 15 cm au sol à l’aide de petits piquets en bois, je remplis ce dernier de compost végétal issu de la plateforme de compostage de déchets verts de Chambéry, qui est certifiée « compost vert » utilisable en agriculture biologique. J’utilise leur compost criblé à 2 cm pour ne pas avoir de gros morceaux de bois dedans. Il est un peu plus cher que le compost criblé à 10 cm, mais le prix du compost est assez faible en comparaison avec le prix du transport, et cela me fait gagner beaucoup de temps par la suite car je n’ai pas à passer le râteau à feuilles systématiquement pour enlever les gros morceaux de bois à la surface des planches. Je pose ce compost directement sur la prairie permanente, sans retourner ni travailler le sol au préalable. Je ne l’incorpore pas au sol, car l’objectif est bien d’avoir un mulch en surface, et non d’incorporer de la matière organique en grande quantité dans le sol. De cette manière, le sol n’est jamais à nu, et son activité biologique est largement activée par ce compost en surface, amendé chaque automne avec le fumier composté des animaux de la ferme (chèvres et chevaux). Cette activité biologique est suffisante pour aérer le sol et me permet de cultiver tous les légumes sans jamais réaliser de travail mécanique de sol. Et comme je ne travaille pas le sol, je ne perturbe pas son activité biologique, ce qui crée un cercle vertueux qui fonctionne au jardin depuis 3 ans.
Le compost de déchets verts
L’analyse chimique du compost de déchets verts montre qu’il ne contient presque pas de nutriments pour le sol. S’il était riche en nutriments je ne pourrais pas en utiliser une telle quantité pour mulcher mes planches, car je risquerais de polluer les sols et les nappes phréatiques par lessivage de tous ces nutriments. C’est au contraire un humus mûr (12 mois minimum) et stable, avec un rapport carbone/azote de 15 à 25, et un pH de 7,5 à 8. La teneur en oligo-éléments est également contrôlée pour chaque lot de compost qui sort de la plateforme, et pour nos lots elle a toujours été nettement inférieure aux normes en vigueur. La forte teneur en bois et donc en lignine du compost engendre une potentielle faim d’azote, car les micro-organismes qui transforment la lignine consomment l’azote du sol pour réaliser cette dégradation. C’est pour cela que j’amende en fumier composté, parce que le compost n’est pas riche et qu’en plus il peut consommer l’azote du sol.
Semis direct dans le mulch de compost
Enfin le mulch de compost vert présente un avantage important sur les autres types de mulch : il est possible de semer et transplanter directement dedans puisque c’est du terreau, contrairement aux autres mulchs comme la paille, le foin, le BRF ou la toile tissée.
Préparer le lit de semence
Pour créer un bon lit de semence, j’utilise le microculteur, un outil que j’ai acheté 700€ sous le nom de « tilther » chez la coopérative maraichère américaine Johnny’s Selected Seeds. C’est un mini motoculteur d’environ 40cm de large et dont le diamètre de la fraise mesure moins de 10cm. Il travaille uniquement les 4 premiers centimètres du sol. Entraîné par une visseuse électrique à batterie, cet outil est peu puissant et ne permet pas de travailler un sol compacté. En revanche, il est excellent pour créer un lit de semences à partir d’un sol déjà travaillé ou d’un compost végétal. Je l’utilise également pour incorporer au compost mes amendements tels que le carbonate grossier ou le fumier composté.
Un mulch et non un susbrat de sol
Le mulch de compost vert est très drainant et de couleur noire, il se réchauffe donc très facilement au printemps. Les racines des semis ou des transplants commencent à se développer dans le compost et se faufilent très vite vers le sol où elles s’étoffent largement. Les plantes poussent donc principalement dans le sol en dessous du compost et non dans le compost même. Le compost végétal est facilement séchant en surface, sur les deux premiers cm. En revanche, au delà de ces deux premiers centimètres le mulch reste frais et retient bien l’humidité du sol. Je veille donc toujours à bien irriguer en aspersion pour faire lever les semis et permettre aux transplants de reprendre sans stress. J’ai une préférence pour la micro-aspersion, qui donne de très bons résultats pour humidifier uniformément la surface sans consommer beaucoup d’eau.
Le coût, en euros et en heures
Le compost me revient à 10€/m3 livré au jardin, ce qui représente 30€ par planche permanente, dans lesquelles je mets environ 3m3 de compost. Cela me coûte encore 30€ de bois par planche permanente pour réaliser le bardage, soit 60€ au total pour une planche permanente de 20m2. C’est également un investissement en temps important pour construire ces planches. Concrètement il me faut 3h30 à deux personnes pour monter le bardage de 7 planches permanentes, et 2h pour remplir une planche de compost à la brouette. Dans mes nouveaux jardins à la ferme des Buis, bien plus plats que sur la ferme de la Berthe, je peux circuler facilement en tracteur à cheval sur les planches permanentes, avec les roues de chaque côté dans les passe-pieds. Je suis donc en train de construire avec la (grande) aide de mon père une épandeuse à compost qui sera attelée au tracteur et qui épandera le compost sur les planches grâce à un tapis roulant. Le temps de mise en place et la pénibilité du travail devraient être considérablement limités grâce à cette machine, verdict dans quelques semaines!
Récolte, lavage et stockage
Le matériel
Pour la récolte, j'utilise essentiellement des brouettes, mais aussi le landau de cueillette "caisses en long" de chez Toutentub, équipé d'une petite échelle 4 marches très pratique pour récolter en hauteur dans les tunnels.
Pour récolter les haricots rames, les tomates, les concombres et les pois croquants, j’utilise des paniers de récolte de 15L avec un harnais. C’est très pratique pour récolter confortablement sans devoir traîner en permanence une caisse de récolte avec moi.
J'utilise des caisses de récolte en plastique de 30 x 50 cm et de 15 cm de haut pour tous les légumes "lourds" : pommes de terre, tomates, oignons, etc. Cela me permet d'avoir des caisses d'un poids maximum de 8kg une fois remplies, qui se manipulent facilement sans risque de se faire mal au dos.
J'ai aussi les mêmes caisses en 25 cm de haut, pour les légumes un peu moins lourds.
Enfin j'utilise des caisses légères de type caisses à salades, de 40 x 60 cm et de 15 ou 25 cm de haut, pour tous les légumes feuilles volumineux : salades, épinards, mâche, carottes botte, etc.
L'organisation
Les principaux jours de récolte sont le jeudi et le vendredi matin, car le vendredi après-midi nous commercialisons les paniers et le samedi matin nous faisons le marché. En pleine saison, je commence à récolter le mercredi les légumes qui se gardent plus facilement, pour avoir le temps de tout récolter sans que ce soit la course.
Concrètement...
J'emmène régulièrement les légumes cueillis au champ jusqu'au bâtiment maraîcher, pour éviter qu'ils s’abîment au soleil. Je dispose d'un long banc Inox dans le bâtiment et d'une chambre froide avec une étagère à hauteur de hanches pour pouvoir poser et reprendre les caisses sans me pencher. Je n'hésite pas à brumiser les légumes sensibles au dessèchement : salades, carottes botte, etc.
Je lave les légumes qui en ont besoin (carottes botte, radis, navets, betteraves botte, poireaux, etc) directement après la récolte, car ils se lavent mieux quand la terre n'a pas encore séché dessus. Si j’attends plusieurs heures et que la terre sèche, je passe plus de temps à les laver pour un moins bon résultat.
Pour les carottes, une partie de la racine est dans le mulch de compost, ce qui facilite grandement la récolte. Je ne produis que des carottes nantaises en bottes. Je les récoltais très simplement en les tirant par les fanes quand j'étais en Chartreuse avec une terre sableuse. Aujourd'hui en Drôme avec une terre très argileuse, j'ai besoin d'utiliser une fourche bêche pour remuer un peu la terre avant de les arracher. C'est un petit désagrément largement compensé par le fait que nos rendements en carotte ont presque doublé grâce à cette terre argileuse.
Pour les pommes de terre nouvelles, les tubercules poussent en grande partie dans le mulch de compost, et il me suffit généralement de tirer les pommes de terre par le feuillage, puis de remuer un peu le mulch pour récolter l’intégralité des pommes de terre.
Les choix à faire à chaque récolte
Mon objectif est d’être le plus régulier possible dans les légumes que je propose à mes clients, et de leur proposer le plus grand choix possible pour leur intérêt autant que pour optimiser mon chiffre d’affaires. J’essaie donc de réaliser mon plan de cultures de manière à récolter chaque semaine une quantité et une diversité similaires de légumes.
Je sais que je dois récolter chaque semaine environ 80 kg de haricots verts, 100 bottes de carottes, 200 laitues, 10 kg de mesclun, etc. Je récolte sur les planches les plus “mûres” ces différents légumes. Si j'ai un problème de maturité ou de calibre sur un légume, je choisi alors si je le cueille ou si je le retire de la vente en attendant qu’il mûrisse ou qu'il grossisse.
Concrètement, la question se pose essentiellement pour moi pour les légumes suivants :
- Les laitues, que j’aime vendre avec un poids minimum de 300g. Si la planche que je dois cueillir cette semaine n’a pas ce calibre, généralement je récolte quand même et je vends les salades à 4€/kg, car je souhaite pouvoir en proposer chaque semaine à mes clients.
- Les betteraves, un légume que je néglige trop souvent. Je n’en ai parfois pas à la vente pendant quelques semaines car j’ai un “trou” entre deux planches de betteraves, c’est-à-dire que j’ai fini de récolter une planche et que la prochaine n’est pas encore mûre (j’aime avoir un calibre d’une dizaine de cm de diamètre pour une betterave). Contrairement à la laitue ou à la carotte, la betterave n’est pas un légume très populaire. Cela ne pose pas de problèmes à mes clients si je décide de ne pas leur en proposer pendant deux semaines.
- Pour les tomates, aubergines et poivrons, je récolte chaque semaine les fruits qui sont bien mûrs, c’est-a-dire bien colorés pour les tomates et les poivrons, et d’un bon calibre pour les aubergines.
- Pour les pommes de terre nouvelles, l'ail, les courges et les oignons de conservation, je les récolte en une seule fois dès que le calibre me satisfait. Pour les pommes de terre je fais attention à ne pas trop tarder dans la saison pour éviter les risques de mildiou, et pour les oignons je les récolte courant août, dès que le beau temps est annoncé pour plusieurs jours afin de pouvoir les faire sécher quelques jours sur leur planche de culture avant de les rentrer pour terminer le séchage à l’abri.
Le stockage
Je dispose aujourd'hui d'une chambre froide de 12m2, que je règle sur 12 degrés. J’y stocke la grande majorité des légumes entre la récolte et la vente, empilés dans les caisses de récolte qui sont posées au sol sur un planchon après que les légumes aient été lavés. Cela me permet ensuite de venir chercher les piles de caisses avec un diable et de les charger ensuite rapidement et sans effort dans le camion à l'aide d'une rampe de chargement.
Les courges sont stockées dans une pièce tempérée, ainsi que l'ail et les oignons, étalés dans des cagettes bien ventilées après avoir été séchés au soleil pendant plusieurs jours.
Galerie photo
Sources
Meteo Blue. Le diagramme ombrothermique de Crest EURL Terre en Sève. 32350 Ordan-Larroque. Rapport d’étude pédologique réalisée par Gilles Domenech le 11/10/2017. Laboratoire d’analyses agricoles TEYSSIER. 26460 Bourdeaux Analyse de terre. Echantillon reçu le 20/04/2016. SADEF, Agronomie et Environnement. 73000 Chambery. Rapport d’analyses COMPOSTS. Echantillon prélevé le 17/07/2017. GIRARD L. (2019). Rapport de stage. Stage d’étude à la Ferme des Buis. FAURY A. (2020) pour l’A.D.A.F. Etude sur les des vers de terre (en cours de publication). CELESTA-LAB, Laboratoire d’analyse, d’étude et de conseil en biologie des sols. 34130 Maugio Diagnostic agronomique : Physico-chimie et Biologie du sol. Echantillon reçu le 18/05/2020. CELESTA-LAB, Laboratoire d’analyse, d’étude et de conseil en biologie des sols. 34130 Maugio Diagnostic agronomique :Biologie du sol. Echantillon reçu le 20/12/2019.
Annexes