La Fattoria
Polyculture élevage et Verger Maraîcher
Chadi et Selma
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Chadi et Selma, agriculteurs à Casablanca-Settat au Maroc, cultivent leurs terres et élèvent leurs volailles selon les principes de l'agroécologie. Voici le portrait de leur ferme.
Contexte
La ferme
- Nom des agriculteurs : Selma et Chadi
- Nom de la ferme : Ferme La Fattoria
- Localisation : Sidi Yaaqoub, Maroc
- Date d’installation : 2021
- Surface cultivée : 0,22 ha.
- Texture du sol : Sablo-limoneux
- Nombre de personnes travaillant sur l’exploitation (UTH) : 3 personnes à plein temps (Chadi, Selma et un ouvrier) plus la main-d'œuvre journalière selon les besoins (0,5 UTH)
- Climat : Selon la classification climatique de Köppen-Geiger, Rabat présente un climat méditerranéen à étés chauds (Csa). Les températures varient généralement entre 13 °C et 24 °C au cours de l’année, avec des extrêmes pouvant rarement descendre jusqu’à 5 °C ou monter jusqu’à 39 °C. Les précipitations annuelles moyennes atteignent environ 383 mm, réparties sur 52 jours de pluie par an
Productions végétales

- Verger diversifié, 3000m², cultivé en goutte-à-goutte.
- Cultures maraîchères associées à des céréales, 2000m² : ail, courges, solanacées, cucurbitacées, petite surface de piments (100 m²). Toutes ces cultures sont implantées en association avec des couverts végétaux composés de sorgho et de tournesol.

- Pépinière, 500m² : incluant deux eucalyptus qui permettent d’ombrager les plants en attente, ainsi qu’une serre-abri pour le stockage de jeunes plants et les semis.
Remarque : Une association progressive entre le verger et le maraîchage est en cours, l'objectif est de mettre en culture les espaces au pied des fruitiers dans le verger et ainsi mieux valoriser la surface cultivée.
Production Animales
- 20 poulets
- 10 canards
Remarque : Autonomie alimentaire atteinte pour les canards : avec 1/3 d’azolla (pour mieux connaître la culture d'Azolla voir la ferme Mouzouna), 1/3 de pâturage et déchets (dont escargots), 1/3 de grains.
Etude, formation et parcours de vie
- Selma et Chadi travaillaient respectivement dans la communication et la télévision. Au départ, ils n'avaient pas de connaissance en agriculture. Ils sont donc passés par l’auto-formation via Internet en regardant des vidéos de Ver de Terre Production et le MOOC de l’Institut Agro Montpellier.
- Pour leurs installations ils participent à la formation du projet "NABTA " visant à accompagner des porteurs de projets axés sur la biodiversité.
- Actuellement ils continuent à se former par internet, ils regardent régulièrement le travail de l’Atelier Paysan et d'autres ressources d’auto-construction.
Commercialisation
- Vente directe de paniers livrés à Casablanca (6 paniers par semaine, 8-12 kg par panier, à partir de 100 Dirhams).
- Pour la communication avec la clientèle, ils utilisent WhatsApp Business.
- Selma souligne la forte demande en produits agroécologiques à Casablanca (liée à l’urbanisation rapide qui a tendance à prendre le dessus sur les fermes périurbaines ce qui diminue l'offre).
Historique de la ferme
- La propriété sur laquelle ils se trouvent n'était initialement pas destinée à l'agriculture. Le couple s'y est progressivement installé.
- Pendant la crise du COVID, le couple est en télétravail depuis la propriété qui est alors leur maison secondaire, où ils entretiennent un potager. Cette expérience déclenche leur envie de vivre à plein temps à la campagne.
- En 2021, ils commencent les cultures, appuyés par Si Mohamed, un ouvrier originaire de la localité.
- L’excédent de production durant le COVID les pousse à commencer à commercialiser, presque malgré eux.
- En 2023, après avoir apprécié leurs confinements, ils s’installent définitivement, quittent leur emploi et se consacrent entièrement à la ferme.
Motivations et objectifs
- Créer un centre de formation en agroécologie.
- Produire et transformer des produits agricoles respectueux de l’environnement, en vue de leur commercialisation auprès des habitants de Casablanca.
- Développer des projets avec des voisins : cultiver sur une parcelle de 3 Ha appartenant à une voisine en échange d’une part de récolte.
- Équiper la ferme d’une machine d’extraction sonique pour produire des confitures sans sucre ajouté.
- Mettre en place un système de phyto-épuration pour les rejets de la transformation des fruits et légumes (les épluchures par exemple).
- S’inscrire dans une démarche de Système Participatif de Garantie (SPG) avec un cahier des charges collectif.
- Un projet de création d’un point de vente en ligne sur la plateforme Dababastore est à l’étude, mais reste encore en phase de réflexion.
Volet Agronomique
Gestion de la fertilité des sols
- Apport de fumier : Le fumier est récupéré gratuitement auprès de voisins élevant des moutons et des chèvres. En moyenne, 3 charrettes de 2 m³ sont apportées chaque année, soit un total de 6 m³/an. Cette collaboration s’inscrit dans un échange de services : les voisins peuvent faire pâturer leurs animaux sur la ferme, en contrepartie de la fourniture du fumier.
- Compostage : Un compost est réalisé en petite quantité, principalement à partir des déchets verts ménagers.
- Apports complémentaires : Des cendres, issues de l’incinération de petits escargots et de débris végétaux, sont également utilisées comme amendement. Des résultats positifs ont été observés, notamment sur les courges jaunissantes, qui semblent mieux se développer après cet apport.

Gestion de l'eau
- Système entièrement en goutte-à-goutte (sauf pour trois pieds de canne à sucre irrigués manuellement).
- Récupération de l’eau de pluie via les toitures.
- Deux forages :
- Le stockage de l'eau se fait via un bassin de rétention bâché avec une toile sur le dessus pour limiter l'évaporation.
Gestion et planification
- Un planning de culture sur six mois est établi, permettant d’anticiper les grandes rotations et les besoins en main-d’œuvre.
- Ce planning est réajusté toutes les deux semaines, afin d’intégrer les tâches secondaires et de s’adapter aux imprévus.
- Certaines cultures stratégiques, comme les solanacées et les cucurbitacées, sont maintenues chaque années pour garantir la fidélisation des clients.
Gestion des adventices
- La gestion des adventices sur la ferme ne repose pas sur un désherbage systématique mais s'appuie sur des pratiques alternatives telles que le fauchage manuel, avec restitution des végétaux au sol selon la méthode du « chop and drop », ou encore le pâturage. Cette approche double permet de limiter la concurrence sans perturber l’équilibre du sol.

Transformation de produit agricole
- Chadi et Selma produisent également des confitures et sèchent certains produits, comme les piments, grâce à un local dédié à la transformation.
- Cela leur permet d’intégrer des produits transformés dans leurs paniers.
Pratiques d'intérêt
Gestion des escargots
Contexte
Les cultures ont été soumises à une forte pression liée à la présence d’escargots, en particulier sur les jeunes arbres. Cette infestation a entraîné jusqu’à 15 % de pertes sur certaines plantations, compromettant le bon développement du verger.
Objectif
Réduire l’impact des escargots sur les cultures en mettant en place une stratégie de régulation agroécologique combinant barrières physiques, techniques d’attraction, ramassage manuel et valorisation des escargots récoltés.
Fonctionnement

1. Blocage physique
- Rubans de cuivre (32 MAD pour 10 m, largeur 2 cm), posés au printemps autour des troncs.
- Fils de cuivre : plus adaptés aux jeunes arbres, permettent de faire plusieurs tours.
- Emplacement : Sur le tronc avant la première couronne de charpentière, dans certains cas, sur les charpentières (ex. : jujubier), notamment lorsque les branches basses sont accessibles via le couvert d'adventices (quand les herbes sont hautes).
- Un ajustement hivernal est envisagé pour éviter que les fils ne gênent la circulation de la sève si le tronc grossit, bien que ce problème n’ait pas encore été constaté.
Remarque : Chadi utilise également des fils de câbles Ethernet, qu’il juge particulièrement efficaces, leur finesse entrave davantage la progression des escargots, et leur petit diamètre permet d’épouser plus facilement les aspérités des troncs.

2. Techniques pour attirer les escargots
- Dépôt de cartons d’œufs au sol pour offrir des refuges aux escargots et les ramasser plus facilement.
- Fauchage partiel autour des arbres pour créer des zones d’attraction.
- Utilisation du sorgho comme culture appât, attirant les escargots loin des jeunes arbres.
3. Ramassage manuel
- Circuit du matin : ramassage sur les troncs.
- Circuit du soir : ramassage sous les cartons d’œufs.
- En moyenne : 2 à 3 kg d’escargots/jour récoltés, pour 1 heure de travail mobilisant 2,5 personnes.
4. Élimination et valorisation
- Gros escargots : donnés aux canards, et potentiellement valorisables sur le marché (mais les volumes restent trop faibles pour les grossistes).
- Moyens escargots : donnés aux canards et aux poules.
- Petits escargots : brûlés avec du bois, ce qui permet de produire une cendre riche en calcium. Objectif de production : un seau de 30 L de cendre à partir de 0,4 m³ de bois et de 10 à 15 kg d’escargots.
5. Amélioration possible
- Période stratégique : après les premières pluies (fin d’été - début d’automne).
- Augmenter l’effort de ramassage à 2 h/jour durant cette période, afin de réduire la pression sur le reste de l’année et de se limiter ensuite à 30 min/jour.
Résultat
Grâce à la mise en place progressive de ces différentes techniques, la pression exercée par les escargots a nettement diminué. Les pertes, qui atteignaient jusqu’à 15 %, sont désormais réduites à environ 5 %.
Conseil
Pour Chadi, il est essentiel de rester constamment vigilant face aux populations d’escargots, qui peuvent devenir rapidement envahissantes et difficiles à maîtriser. Autant que possible, il est recommandé de mettre en place un rythme de ramassage régulier, en amont des pics de prolifération, afin de limiter leur développement dès les premières apparitions.
Un broyeur auto construit adapté aux herbes et petits résidus végétaux
Contexte et motivation
Face au coût élevé des broyeurs industriels dont les prix démarrent autour de 4 000 MAD selon Chadi, la ferme a fait le choix de développer une solution artisanale.
Objectif
- Réduire la pénibilité du travail, notamment liée à la coupe manuelle à la hache, qui nécessitait environ deux heures de travail pour broyer seulement 0,25 m³ de végétaux.
- En parallèle, cette initiative s’inscrit dans une volonté d’autonomie matérielle, de réduction des charges d’exploitation et de valorisation locale des biomasses végétales.

Fabrication artisanale
- Le broyeur auto-construit a été entièrement opérationnel après une semaine de travail, incluant les recherches, les tests techniques et la mise au point du système.
- Les matériaux principaux sont un baril en plastique épais et un moteur d'une pompe hors d’usage.
- Un soudeur local a été sollicité pour construire la structure métallique, pour un coût modeste de 250 MAD.
- L’axe rotatif a été équipé de trois lames, dont deux ont finalement été conservées dont une lame de forme dédiée au broyage de la paille et l’autre aux déchets verts légèrement ligneux (les tiges de chardon par exemple).
- Le fond du baril a été perforé une première fois puis élargi pour mieux laisser passer la paille, puis équipé d’une bague en caoutchouc qui obstrue le trou de sortie pendant les premiers tours pour éviter que la paille soit éjectée.
- Par souci de sécurité, les boulons fixant les lames ont été montés dans le sens inverse de la rotation du moteur, afin d’éviter tout desserrage accidentel.
Fonctionnement
- Le broyage se fait en trois cycles successifs de 1 minute, pour un total d’environ 3 minutes par ballot de végétaux. Lors des deux premiers passages, la sortie du baril est entièrement fermée à l’aide de la bague, afin que la matière végétale reste confinée et bien broyée. Ce n’est qu’au troisième passage que l’ouverture est progressivement libérée, permettant une évacuation efficace du broyat.
- La vitesse de rotation du système est estimée à 100 tours par minute.
Remarque : En complément de cet outil auto-construit, un second broyeur a été acquis à l’extérieur. Il est destiné à des usages spécifiques : broyage de bois vert (rameaux de moins de 2 cm).
Résultat
- Cette innovation a permis de rendre la ferme plus autonome, tout en évitant dans un premier temps un investissement financier lourd dans du matériel professionnel.
- L’utilisation du broyeur permet un gain de temps considérable par rapport au hachage manuel de la paille, réduisant une tâche de deux heures à seulement quelques minutes.
Remarque : Le broyeur a récemment été utilisé (été 2025) pour battre le blé le résultat est très satisfaisant et permet d'économiser un temps et un coût important en main d'œuvre.
Conseils
Pour celles et ceux qui souhaiteraient s’en inspirer, plusieurs points méritent d’être retenus selon Chadi :
- Il est essentiel d’utiliser un baril solide pour garantir la durabilité du dispositif.
- La sécurité doit rester une priorité : des tests en atelier sont recommandés avant tout usage sur le terrain.
- Le broyeur génère un bruit important, ce qui nécessite le port d’un casque antibruit pour préserver la santé auditive de l’utilisateur.
- Enfin, il est utile de prévoir plusieurs essais pour ajuster la configuration du broyeur selon la nature des végétaux à traiter.
Galerie photo de la ferme de La Fattoria
Sources
Interview de Selma et Chadi réalisée en 2025.
Cette page a été rédigée dans le cadre du projet Urbane avec le soutien financier de l'Union Européenne, avec la participation du Centre National d'Agroécologie et de Ver de Terre Production
