Ferme des Périchoux

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Agroécologie, diversité des cultures, fertilité des sols, compost, association culturales, paillage
Damien Martin, Sathurnin Bossou
Bénin Polyculture-élevage

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Ferme des Périchoux

Damien Martin, agriculteur à Koudjanada au Bénin cultive ses terres selon les principes de l'agroécologie, il est épaulé par plusieurs salariés dont Sathurnin Bossou. Voici le portrait de leur ferme.


Contexte

La ferme

  • Nom de l'agriculteur : Damien Martin.
  • Nom de la ferme : Ferme des Périchoux.
  • Localisation : Koudjanada, Zè, Bénin.
  • Date d’installation : 2016, Sathurnin l'a rejoint en tant que salarié en 2022.
  • Surface cultivée : 1,25 ha.
  • Texture du sol : Sablo-limoneux.
  • Nombre de personnes travaillant sur l’exploitation (UTH) : 4.
  • Climat : 1200 mm de pluie par an en 2023. Selon la classification de Köppen-Geiger, le climat est de type Aw. Il y a des coups de vent très importants avant les orages, ce qui provoque un effet venturi, qui peut faire plier le maïs.
Haricots.

Productions végétales

  • Cultures maraîchères : Diversité de cultures maraîchères (principalement à destination de l’autoconsommation) : 20 espèces de fruits, légumes et herbes aromatiques : Piment (oiseaux , antillais, long piment), laitue (une variété "classique" et une variété de laitue plutôt apparentée à un pissenlit local : le yantoto, qui se multiplie par drageons. Connu localement mais peu utilisée en salade, cette plante n’a pas besoin d’être re-semée et monte beaucoup moins rapidement en graine que la laitue classique et a donc un intérêt nutritionnel et agronomique fort pour l’agroécosystème), tomates, gombo, curcuma, gingembre, aubergine (blanche et violette), concombre, haricot grimpant (plusieurs variétés : semences roses, noires, bicolores, blanches. Les haricots sont associés à des arbres fruitiers comme tuteur et production secondaire des arbres fruitiers). Ponctuellement, ils plantent aussi des carottes et des betteraves.
  • Arbres fruitiers : 40 espèces différentes :
    • Variétés locales : Baobab , tamarin, tamarin velours, pomme étoilée, pomme sauvage, néré, bananier des jumeaux, miraculine (endémique Togo, Bénin), egbè (nom local), palmier à huile, bananier (6 variétés : 2 plantins et 4 douces), sapotille, jujube, egg tree.
    • Variétés exotique : Liane goïne, avocat, noix de coco, litchi, longane, ramboutan, goyave, corossol, pomme cannelle, poivre, pomme jaque, agrumes (citron, orange, pamplemousse), noix de cajou, noix de kola (plusieurs variétés locales et exotiques), noix de Calabar, café, cacao.
  • Plantes médicinales : Plus de 100 espèces, beaucoup de plantes qui poussent de manière spontanée ont des vertus médicinales. Parmi les plus "remarquables" ou utilisées, ils comptent : Artemisia afra (lutte contre le paludisme), pois rouge, neem, caïlcédrat (acajou du Sénégal), hysope africaine (Newbouldia laevis), moringa, plus d'autres herbacées utilisées pour les animaux.


Volailles.

Productions animales

  • Production de volailles : Ils ont rencontré des soucis sanitaires en fin d’année passée (2023) qui ont réduit le cheptel, mais l’objectif est d’avoir des géniteurs et génitrices permettant d’assurer l’autoconsommation d’une partie de la production animale et la vente de quelques individus, si la pression de la prédation n’est pas trop forte. Ils veulent que l’agroécosystème puisse encaisser la charge animale et au lieu de développer un atelier de production de volailles à grandes échelle.
    • Volailles locales : 20.
    • Dindes : 4-5.
    • Pintades : 4-5.
    • Cannes : 4-5.


  • Production de petits ruminants et autres productions animales :
    • Chèvres, moutons : 10 (3 géniteurs génitrices pour les chèvres et pareil pour les ovins.)
    • Cochon d’Inde : 10.
    • Rat de Gambie : 4.


  • Apiculture : 4 espèces d’abeilles locales, 6 ruches. Suite à un accident mortel sur la ferme lié à une attaque d’abeille, la décision à été prise de réduire très fortement l’activité d’apiculture et d’élever des mélipones, des abeilles sans dards plutôt que l’espèce d’abeilles européennes normalement élevées pour la production de miel.


  • Escargot : Production en plein champ, dans des enclos. Production pour l’autoconsommation, en phase expérimentale. Damien et son équipe ont commencé l'élevage en captivité, en conventionnel mais cela demandait beaucoup de temps et la multiplication rapide des escargots provoquait une surdensité dans les enclos. Ils ont donc libéré les escargots dans un champ non cultivé et ils les récolteront à la fin des deux saisons des pluies. Suite à la récolte ils réaliseront une pesée générale et ils en garderont 10% pour les remettre dans le champ. L’idée est de valoriser des espaces non cultivés comme les jachères, les haies, etc. Il n’y pas d’impacts sur les cultures vivrières pour le moment à réaliser ce type de gestion "semi-naturel". Cette forme d'élevage demande peu de travail. A la fin de la saison des pluies cette année, ils réalisent la première récolte.


Études/formation/parcours de vie

  • Damien Martin : Est diplomé d'un BTS en aquaculture. Il est arrivé au Bénin en 2003 et cultive son terrain depuis 2016. Sa mère est chercheuse à l’INRAe et travaille sur la thématique des eaux de surface, c'est elle qui l'a formée au maraîchage biologique. Son père était ouvrier agricole, il est décédé d’un cancer généralisé, ce qui a développé chez Damien une aversion pour les produits chimiques et le souhait de cultiver des légumes sans l’usage de pesticides.
  • Sathurnin Bossou : Est fils d’agriculteur, il a fait des études de lettres avant de se rapprocher petit à petit du monde agricole. Il a appris l’agriculture en la pratiquant, ses connaissances sont empiriques. Saturnin était l’enseignant des filles de Damien et ils se sont découvert des atomes crochus et un intérêt commun pour l’agroécologie, Damien le forme alors à ces pratiques. Sathurnin a une réflexion autour de l’agroécologie inhérente au monde agricole paysan autour de chez lui, il participe et anime des journées de volontariat agroécologique et de sensibilisation.


Motivations et objectifs

  • Damien : Son objectif principal est de pérenniser sa ferme. Il souhaite démontrer l’intérêt de ce type d’exploitation agroécologique, créer un agrosystème permettant une production alimentaire importante et économiquement viable qui puisse être transposable à une famille de 5-6 personnes. La ferme a pour objectif de travailler sur l'autoconsommation. La vente de produits de la ferme est réalisée si et seulement s'il y a des excédents.
  • Sathurnin : Son objectif est de démontrer l'intérêt et les multiples avantages de mettre en place des pratiques agroécologiques, c'est pourquoi il les met aussi en place dans son propre champ d’un demi hectare.
  • La ferme des Périchoux a aussi pour vocation de former de nouvelles générations d'agriculteurs, elle fonctionne comme un incubateur pour former les jeunes agriculteurs.


Volet agronomique

Pratiques agricoles

Compostage au sol des déchets organiques.

Gestion de la fertilité des sols

  • Implantation d’arbres de la famille des Fabacées (légumineuses) : Gliricidia sepium. Comme les légumineuses annuelles, cet arbre fixe l’azote atmosphérique dans les nodosités de ses racines et participe à la fertilisation du sol. Sur la ferme, ils utilisent du paillage afin de protéger le sol et de diminuer les actions de désherbage (les feuilles ont un effet allélopathique et inhibent la croissance de plantes adventices).
  • Compostage au sol en amenant tous les déchets organiques dans le champ (cendre de bois, urine, compost de toilette sèche, restes d’aliments). "En fonction de ce qu’il y a à disposition, on met cela directement dans le champ. On pense que la biodiversité sauvage joue aussi un rôle dans la fertilisation."


Gestion des ravageurs

Les ravageurs principaux sont les chenilles et rongeurs sur les cultures céréalières et les tubercules et les oiseaux granivores (tisserand).

  • Méthode de lutte contre les rongeurs : Ils construisent des épouvantails sonores qui sont des structures avec des bouteilles qui s’entrechoquent. L’épouvantail sonore fonctionne bien, même si l’efficacité a tendance à diminuer avec le temps. Tout dispositif qui fait du bruit à la prise au vent (CD ROM , bouteilles vides, bobine de cassette, épouvantail en forme d'oiseau pour faire comme une ombre de rapace) doit être déplacé de temps en temps, sinon les ravageurs s'y habituent.

Ils ne savent pas toujours identifier les espèces de rongeurs qui impactent les cultures, mais parmi elles se trouvent : le rat de Gambie, la souris de brousse, l'écureuil (plusieurs espèces). Ils commencent à réfléchir à chasser pour consommer la faune et réduire la pression des ravageurs.

  • Contre les oiseaux granivores : Ils construisent des rapaces faits en taule qu’ils suspendent dans un arbre avec un bout de bois.
  • Contre les oiseaux et les rongeurs : Ils installent aussi des épouvantails à forme humaine. Cette technique est néanmoins moins efficace car immobile, donc il faut les déplacer régulièrement.


Travail du sol

Le travail du sol sur la ferme est très limité, ils travaillent le sol en billon, dans le cas du maïs et de l’igname. Lorsqu’il constate que la terre est pauvre en dessous il peuvent faire un labour en surface pour intégrer la matière organique et faciliter sa décomposition.

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Stratégie face aux contraintes

  • Il n’y avait pas d'accès au réseau de téléphonie mobile jusqu’à récemment.
  • Accès à l'électricité, le terrain étant reculé l’accès au réseau n’est pas possible cela demande d’être autonome sur l'électricité. Toutefois, l'irrigation étant manuelle, les besoins en électricité sont faibles sur la ferme.
  • Taille et prix du foncier (6 millions FCFA/ha) : Achat anticipé, connaître le propriétaire pour acheter la terre avant qu’elle soit mise en vente publiquement, et rachat de terre par petits morceaux pour éviter les investissements trop importants.
  • Présence de fourmis maliennes (fourmis légionnaires) qui font peser une forte pression sur les cultures car leurs visites sont trop répétées. Encore aucun moyen de lutte biologique efficace n’a été trouvé sur la ferme.
  • De manière générale des prédateurs menacent le cheptel : python et chat sauvage sur la volaille. La dinde génitrice principale a été mangée cette année. Ils ont procédé à l'achat de camera trap pour savoir quel est l’animal qui attaque la volaille (probablement un python de Ceba, ou le crocodile). Ils font des inventaires sur la faune et la flore (20 serpents ont été identifiés dont certains peuvent avoir une taille suffisante pour manger des volailles).
  • L’érosion hydrique peut amener à l'affaissement de certains espaces agricoles à forte pente. Sur les endroits de la ferme avec des pentes, la stratégie est de favoriser une très forte implantation racinaire, multistrate pour retenir le sol en profondeur.
    • Ils implantent des haies (orgueil de chine, acacia, fruitiers, lianes annuelles (fruit de la passion par exemple), plus tout ce qui pousse naturellement (régénération naturelle assistée)) sur des anciennes limites de terrain, plus une strate herbacée qu’ils laissent s’installer de manière spontanée pour limiter l’érosion et améliorer l’infiltration de l’eau. D’autre part, ils implantent aussi des couverts d’herbacées avec une implantation en forme de demi-lune : panicum C1, vétiver, fleur du perroquet (plante ornementale qui se multiplie et s'utile comme une plante fourragère pour nourrir le bétail.)
    • Des petits murets ont aussi été disposés à certains endroits pour ralentir l’érosion. La technique de l’enrochement est compliquée dans la région car il n’y a pas beaucoup de roches, ils ont récupéré les roches d’un chantier de route adjacentes.
  • La matière organique est chère et difficile à trouver aux alentours car les cultures en place sont essentiellement importées et sont fertilisées chimiquement (comme l’ananas par exemple). La stratégie est donc d’être autosuffisant sur la ferme en produisant de la matière organique en grande quantité (animale, feuille d’arbres, paille). De nombreux espaces sont laissés volontairement en friche pour récupérer le feuillage ou profiter de la litière arboricole pour planter des plantes plus exigeantes comme le maïs par exemple.


Système hydrique

  • Arrosage réalisé hors de la saison des pluies (novembre - avril).
  • Forage avec pompe thermique : Groupe électrogène qui remplit un château d’eau. Il sert pour arroser les espaces verts et surtout l’usage domestique. Utilisation de l’eau des bas fonds (marais) pour l’arrosage des espaces cultivés.
  • Méthode d’irrigation : Certaines parcelles sont arrosées en saison sèche à l'arrosage mais c’est limité aux cultures maraîchères et aux jeunes arbres.
  • Fréquence d’arrosage : L’irrigation dépend fortement de la période de l’année, elle est réduite en saison des pluies (avril-octobre). En saison sèche, ils arrosent 2 fois par jour pour le jardin (avec de l’eau des étangs) et une fois tous les 3-4 jours pour les jeunes arbres fruitiers.
  • Ils ont pour objectif de passer à une installation solaire pour le forage, maintenant qu’il existe du matériel de bonne qualité abordable.


Volet social

Satisfactions / insatisfactions

  • Charge de travail : 5. 120 heures par semaine, toute main d'œuvre confondue. La complexité de l’agrosystème engendre beaucoup de travail. L'accueil à la ferme des visiteurs ajoute une charge supplémentaire. Sachant que la visite est à prix libre, l’arbitrage n’est pas toujours simple à faire. Ils n'ont pas "peur" du travail en temps que tel, mais ils ont beaucoup de questions sur la charge de travail car ils veulent créer un modèle reproductible pour une famille de 5-6 personnes, ce sont donc des questions qu’ils se posent en permanence.
  • Economique : 5. Ils s'estiment encore dans une phase de développement, ils se sont données 5 ans pour tester l’agrosystème. Plus ils avanceront, plus ils seront productifs et plus ils pourront mettre des surplus sur le marchés.
  • Sociale : 7. Les ouvriers sont logés sur place mais mènent une vie séparée de leurs employeurs.
  • Confort de travail : 5. Damien donne un point de vue "privilégié" (selon ses termes) car il est le patron. Le logement sur place était déjà là mais il pourrait offrir "mieux" aux ouvriers selon lui quant au logement et à l'accueil des salariés.
  • Cadre de vie : 8.


Echelle de 1 = très insatisfait, à 10 = très satisfait.


Environnement

Accompagnement technique

Initialement, Damien à été formé au maraîchage par sa mère. Aujourd’hui Damien et Sathurnin réalisent un accompagnement auprès d'autres agriculteurs.


Coopération avec d’autres agriculteurs

Ils échangent beaucoup entre agriculteurs, au niveau des méthodes de production principalement. Avec les agriculteurs voisins, ils effectuent du troc ou don de graines. De nombreuses discussions sont engagées pour mettre en œuvre un système de solidarité paysanne, qui permettrait de venir en aide aux autres lors d’un sinistre, de faire du prêt de matériel, etc.


Volet économique

  • Foncier : 5 millions de FCFA.
  • Matériel : Presse polyvalente et centrifugeuse : 100 000 FCFA (150 €), panneau solaire et batterie.
  • Dons, aides financières : Aucun.
  • Charges : Très peu de charges, matériel et main d’œuvre.
  • Salaire : 54460 FCFA / mois dans le cas de Sathurnin.


Stratégie commerciale / débouchés

  • Autoconsommation avant la vente.
  • Vente uniquement de miel en local, le reste de la production sert à nourrir la ferme. Ils récoltent 40 L par an pour l’instant, ce qui est ridicule pour la taille du rucher, mais ils ont dû lever le pied sur l’apiculture classique et réorienter le système vers des abeilles mélipones sans dard, suite à une attaque mortelle d'un salarié. Ils consomment une partie du miel et transforment le reste en hydromel.
  • Ils pratiquent essentiellement l’agriculture vivrière et recherchent l’autonomie alimentaire. En cas de surplus de production, ils sont vendus sur le marché local.
  • Une évaluation économique de tout ce qui est consommé dans la ferme est réalisée afin qu’ils puissent avoir une idée de combien cela aurait pu rapporter.


Les conseils de l’agriculteur

  • Damien : "Il faut se questionner sur les valeurs que l’on donne à l’agriculture, derrière chaque choix de consommation se cache un choix politique. On demande beaucoup d’efforts aux agriculteurs mais leurs métiers sont très peu rémunérateurs. Pas de soutien, pas de subvention, pour inciter l’agriculteur à utiliser des techniques en agroécologie."
  • Sathurnin :
    • "Il faut encourager le respect de l’environnement. Il est important, de surveiller la santé des plantes parce qu'elles ont un impact sur la santé humaine. Notre santé dépend de ce que nous mangeons, il faut manger sain pour vivre mieux."
    • Ne pas se focaliser sur une seule culture, il faut sauvegarder la biodiversité pour les générations à venir et favoriser la souveraineté alimentaire et la résilience entre les cultures.
    • Ne pas sous-estimer le rôle de la biodiversité, qui est peu connu, mais qui est important dans la lutte contre les ravageurs, ne pas tuer les serpents par exemple."


Galerie photos


Sources

Interview de Damien Martin et Sathurnin Bossou réalisée en juin 2024 par l'équipe de Ver de Terre Production dans le cadre du projet Urbane.

Crédits photos : Damien Martin et Sathurnin Bossou.


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Cette page a été rédigée en partenariat avec le projet Urbane et grâce au soutien financier de l'Union Européenne.

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Annexes

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