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EARL Dominique Sarda

De Triple Performance
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Dominique Sarda
Institut Agro Montpellier Hérault (département) Viticulture

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Dominique Sarda est un viticulteur innovant de l’Hérault qui met en place des couverts végétaux en inter-rang en semis direct afin de préserver son sol et la biodiversité. Il expérimente les EMs et essaye différents apports de biochar sous le rang. Il transmet par ailleurs ses résultats et retours d’expériences auprès de publics variés afin de promouvoir les pratiques agroécologiques en viticulture.

Historique de l’exploitation et contexte pédoclimatique

Présentation de la ferme

Contexte

  • Localisation : Creissan 34370
  • UTH : 2
  • SAU : 30 ha
  • Cultures : Vigne
  • Label : HVE niveau 3
  • Sol :
  • Climat :
    • Climat méditerranéen : été chaud et sec, hivers doux, précipitations irrégulières avec des épisodes cévenoles
    • Précipitations = 700 à 900mm/an
    • Tmoy = 15,3 °C

Historique

  • 1993 : Création de son entreprise individuelle
  • 2013 : Création de son EARL
  • 2014 : Fermeture de son entreprise individuelle
  • 2021 : Mise en place de ses premières pratiques agroécologiques

Enjeux locaux

Dans un contexte Languedocien, il existe de nombreux enjeux locaux :

  • Enjeu pédoclimatique (sécheresse, gelée tardive, érosion…)
  • Enjeu sociétal (marché du vin)
  • Croisement entre enjeu environnemental et économique (compromis entre les charges, marges et pratiques agroécologiques)
  • Enjeux au niveau de la recherche et la politique (dilution des politiques publiques : il faut les centrer sur les choses essentielles comme le sol et son enrichissement)
  • Enjeu sur la communication des pratiques

Cheminement vers une agriculture plus durable

Les étapes vers un changement de pensées

Cela faisait déjà quelques années que Dominique considérait son système comme non durable, avec des problèmes de portance notamment, un faible taux de matière organique, et le constat que depuis l’après guerre les sols perdaient leur matière organique.

Il a donc décidé en 2017 de faire appel à un ingénieur agronome, auprès de qui il s’est formé et avec qui il a commencé à réfléchir à la question de la matière organique dans ses sols. C’est donc en 2017 qu’il commence sérieusement la reconception de son système de culture. Il poursuit son apprentissage en auto-formation par la suite, ainsi qu’avec 7 autres agriculteurs faisant partie du GIEE Vignes Vertes en Méditerranée. En 2018, la CUMA dont il fait partie, réalise les premiers investissements en termes de matériel, comme par exemple l’achat d’un semoir en semis direct. En parallèle de cela, il réalise de nouvelles formations par le biais du GIEE dont il fait partie pour continuer à se former sur les pratiques agroécologiques, comme par exemple sur la taille physiologique de la vigne.

En 2021, il commence ses premiers essais en introduisant des couverts sur sa parcelle expérimentale de 0,8 ha. Ses expériences, lorsqu'elles sont réussies, sont ensuite reproduites à grande échelle sur l’ensemble de son domaine. Aujourd’hui, il continue de tester de nouvelles pratiques et notamment le biochar avec les agriculteurs de son groupe. Il nous précise cependant que ces expériences n’ont pas pour but de tester les avantages et les inconvénients d’un seul paramètre, mais de tester la fonctionnalité d’un système dans son ensemble.

Objectifs souhaités

Dominique avait plusieurs objectifs lorsqu’il s’est lancé dans sa transition :

  • Avoir des pratiques plus durables
  • Protéger et améliorer la santé de son sol
  • Faire de la photosynthèse tout au long de l’année grâce aux couverts végétaux
  • Maintenir des rendements
  • Diminuer son utilisation d’intrants et de produits phytosanitaires
  • Communiquer sur son système

Effets des pratiques innovantes

Dominique a constaté très rapidement que ces nouvelles pratiques lui permettaient d’améliorer la portance de son sol. De plus, il constate un retour de la biodiversité, comme des vers de terre par exemple, qui ont mis 3 ans  à revenir. Les escargots sont également présents, et s’attaquent à son couvert et non pas à ses vignes, comme c’est le cas chez certains de ses voisins. Le couvert permet de leur apporter une autre source de nourriture et de fraîcheur, ce qui réduit ainsi les attaques sur les vignes.

De même, les analyses de la vie biologique de son sol révèlent que celle-ci s'est améliorée depuis la mise en place de ces pratiques. Enfin il nous explique qu’avec ses anciennes pratiques, il estime qu’il perdait 300 kg de carbone par an et par hectare. Aujourd’hui, il apporte 700 kg C/ha/an grâce à ses couverts et apports de matière organique, ce qui fait une différence d’une tonne.

Expérimentations et objectifs à venir

Un de ses objectifs centraux est d'atteindre un taux de MO de 2,5%. Il estime qu’il pourra atteindre ce taux dans 3 à 5 ans. En effet, depuis sa transition il a constaté que son taux de MO augmentait de 0,1 à 0,2% par an.

Expérimentations :

  • Biochar sur la parcelle d’essai (0,8 ha) en 2025 : 1 t/ha, 2 t/ha et 4 t/ha de biochar sur le rang
  • Ensemencement de microorganismes favorables au développement racinaire des couverts

Système de production

L’objectif de production de sa vigne est de 90 hL/ha sur du pinot noir irrigué. Il souhaite tout au long de sa transition garder le même niveau de rendement. En 5 ans d’expérience et de mise en place de couverts végétaux, Dominique n’a jamais eu d'échec, son couvert végétal s’est toujours développé même si certaines années il était plus beau que d’autres. Il met en place dans les inter rangs 2 types de couverts végétaux.

Parcelle expérimentale de Dominique Sarda

Des couverts végétaux en viticulture

Objectifs visés pour les couverts végétaux :

  • Faire de la photosynthèse pendant les 6 mois de dormance de la vigne pour produire de la biomasse sans concurrencer la production de raisins
  • Avoir un sol portant en automne et au printemps, c'est-à-dire les saisons les plus humides dans son climat. L’objectif est de pouvoir passer avec les machines sans tasser le sol à cette saison.
  • Favoriser la vie biologique du sol
  • Améliorer le taux de MO

Choix du couvert végétal :

  • Mélange de graminées (avoine rude et seigle) :
    • Produire de la biomasse
    • Améliorer la portance en automne
  • Mélange de légumineuses (la légumineuse la plus productive est la féverole) la féverole est très largement prédominante dans son mélange où l’on retrouve un peu de vesce :
    • Production de biomasse
    • Apport d’azote


ITK pour la couverture du sol sur 2 ans dans un inter-rang:

  • Fin d’été début automne (après les vendanges du 15 août) exemple le 24 septembre 2024 : semis direct de légumineuses (féverole et vesce) à 40 kg/ha dans les pailles de graminées (précédent couvert végétal). Le semis est précoce car les jours sont longs et chauds ce qui assure une photosynthèse maximale, et la vigne n’a plus besoin de supporter la production car elle a été vendangée. Les graminées sont présentes pour améliorer la portance du sol tandis que les légumineuses restituent de l’azote en fin de cycle. Les légumineuses sont semées un inter-rang sur deux et les graminées sont semées sur l’autre inter-rang.
    • Matériel utilisé : Semoir direct viticole. Après l’ouverture du sillon, la graine est déposée et rappuyée sur la bordure du sillon à l’aide d’une roue oblique. Sans ce système, la graine lève dès les 5 premiers mm de pluie et si cette pluie est suivie d’une sécheresse la plante meurt et ne repart pas. Le rappui effectué par le semoir direct sur le bord du sillon permet d’éviter ce phénomène grâce à un petit retard de levée de la graine. Ce semoir a coûté 20000€ à la CUMA. Il a deux trémies, une de 300L et une autre de 30L où il est possible de mettre différentes graines ou des  fertilisants booster de croissance. Ce semoir direct est adapté au semis de grosses graines (féverole).
Semoir Semis direct en viticulture
    • Dose de semis : 40 kg/ha. c’est une dose de semis moins dense que celle préconisée pour les céréaliers car il ne cherche pas à faire des grains mais de la biomasse. Il veut également favoriser le développement des racines et des nodosités.
  • Rendement de 5 à 7 tonnes de biomasse ou matière sèche par hectare. Les légumineuses vont jusqu’à 1,40 voir 1,60m.
  • Printemps : Destruction des légumineuses après le début de la floraison : scalper la féverole à 10 cm et les restes de bois de taille pour les mélanger aux 5 premiers cm de sol. Il va s'opérer une dégradation de la féverole en condition aérobie ce qui va éviter des pertes d’azote. La date de scalpage est choisie quand le sol est un peu humide. Si le sol est sec, il utilise un déchaumeur réglé à 5 cm de profondeur. Si le sol est trop humide, le rouleau faca est passé pour détruire les féveroles.
Scalpeuse utilisée pour la destruction des couverts
  • Automne après le 15 août : semis des graminées (dans l’inter-rang) selon la dose recommandée par son vendeur qui restent pendant toute la saison pour faire de la paille.
  • Fertilisation du couvert : Soufre élémentaire pour corriger le pH, 7 et 2 tonnes de fientes de poules non hygiénisées.
  • Sur sa parcelle d'essai en 2024, épandage de basalte pour augmenter la CEC, et épandage d’une tonne de biochar sous le rang.
  • Travail superficiel du sol avec des dents à 30 cm de part et d’autre du rang (extrémités des inter-rang) pour éliminer le couvert et éviter les compétitions pour l’eau au printemps. Ce travail superficiel permet également d’oxygéner ces surfaces qui correspondent au passage des roues de tracteur. Les couverts sont laissés dans l’inter rang mais ils prennent moins de place pendant la période estivale.
    • Matériel utilisé : il sont auto-construits à la CUMA un matériel avec une étoile de kress pour gratter entre les souches de vigne, et des dents qui travaillent le sol superficiellement sur 30 cm autour des rangs. 
  • Roulage des graminées juste après l’épiaison avec un rouleau faca. À ce stade, les graminées ne peuvent pas se redresser. Et la paille couchée est laissée sur place pendant toute la saison.
Rouleau faca pour la destruction des couverts végétaux en inter-rang des vignes
  • Semis direct des légumineuses dans les pailles des graminées


Avantage de ses couverts végétaux et de son ITK :

  • Il n’a pas eu de pertes de rendement avec ce nouvel itinéraire technique.
  • Garder les feuilles de vignes mortes sur place dans l’inter rang. Les feuilles de vigne représentent entre 1 tonne et 1,5 tonne de biomasse chaque année si la vigne est assez rigoureuse. S’il n’y a pas de couvert végétal, les feuilles mortes sont emportées par le vent et l'eau et se retrouvent dans les fossés. Sa stratégie permet une couverture quasi-permanente du sol.  
  • Production de biomasse aérienne et racinaire : 60% de la biomasse produite par un couvert sont des racines concentrées dans les 10-15 premiers centimètres.
  • Moins de flocage de mildiou grâce aux couverts végétaux et à la couverture du sol
  • La vie biologique du sol est surtout active au printemps et à l’automne. Dominique essaye d'être le moins impactant possible sur son sol à ces périodes pour favoriser la vie des micro-organismes et des insectes.


Avec les adhérents de la CUMA, ils se procurent des semences fermières (graminées et légumineuses) de couverts végétaux à 50€/ha grâce à un partenariat avec un céréalier qui plante et récolte des couverts végétaux après l’arrachage des vignes. Ce prix est très avantageux en comparaison du prix chez un semencier qui revient à 150€/ha. Cela lui permet aussi de densifier les couverts car le coût des semences est faible.


Fertilisation :

Uniquement les couverts sont fertilisés entre 2 et 7 tonnes de fientes de poules /ha à l’automne. Il choisit des fientes de poules qui ne sont pas hygiénisées pour apporter le cortège de micro-organismes qu’elles contiennent. Il se procure de la fiente de poule à 45€/t.

Il est intéressant de fertiliser les couverts à l’automne, car ça leur permet de mieux se développer pour produire plus de biomasse, qui sera dans tous les cas restituée au sol plus tard dans l’année.

Dominique n’apporte pas de matière organique qui vient de l’extérieur de son exploitation car cette ressource est très prisée et très chère. De plus, il veut favoriser l’équilibre de la vie biologique de son sol avec des communautés de champignons et de bactéries, ainsi ses couverts végétaux et son bois de taille suffisent à remplir cet objectif.


Auto-construction de faucheuse avant pour les couverts avec l’Atelier Paysans :

Ils veulent construire une faucheuse qui sera devant le tracteur pour faucher le couvert à 25 ou 30 cm de hauteur. La tonte sera protégée dans le couvert restant et pourra se dégrader tranquillement en évitant de grandes pertes d’azote. Cet outil existe déjà pour la gestion des prairies en élevage, mais il veut l’adapter à la viticulture à l’aide de la coopérative l’Atelier Paysan.


Mise en place collective des couverts végétaux dans le terroir :

8 agriculteurs sont impliqués dans le GIEE Vignes Vertes en Méditerranée. En tout, ils sèment et entretiennent des couverts végétaux sur 80 à 100 ha. De plus, l’ensemble des agriculteurs de la CUMA fait du semis direct de couverts végétaux sur 150 ha.

Création et utilisation de biochar

Objectifs d’utilisation de biochar :

  • Recycler la biomasse (bois de taille) produite sur les parcelles
  • Améliorer la porosité et la rétention en eau du sol
  • Augmenter la quantité de carbone organique dans le sol
  • Créer un refuge pour les bactéries du sol grâce aux microporosités du biochar.


Méthode de fabrication :

Le principe est de créer une combustion de bois anaérobie pour faire du charbon :

  • Broyer grossièrement des souches de vignes qui ont séché pendant un an.
  • Démarrer un petit feu dans le four à pyrolyse
  • Faire une combustion anaérobie de type pyrolyse dans le four plein de bois : 500°C à 700°C pendant 1h30 quand le bois est bien sec.
  • Injecter de l’eau par le bas du four arrêter brusquement la cuisson.
  • Vider l’eau
  • Récupérer le biochar


Rendement de la pyrolyse :

Pour 3 m³ de bois, 1m³ de biochar est produit. Sachant qu’au moment de l’arrachage la vigne a produit environ 15 m³ de bois/ha. Cette méthode a un très bon rendement en carbone. En effet, la forme conique du four permet une convection de l’air ce qui crée l’environnement anaérobique de la combustion, ainsi l’air chargé en CO2 est aspiré dans le four.

Ce chaudron à biochar a coûté 2700€ à la CUMA. 

Outil utilisé pour la fabrication du biochar

Pour l’instant le biochar est épandu uniquement sur le rang des vignes car Dominique n’a pas assez de matière première pour en mettre sur toute la parcelle, et pour concentrer les effets du biochar sur le rang. En effet, il ne produit pas assez de bois pour épandre à 1t/ha du biochar.

À terme, il voudrait pouvoir monter le chaudron à biochar sur une remorque pour pouvoir faire la pyrolyse en bout de champ, ce qui éviterait de transporter les souches. Le but est d'avoir un système le plus circulaire et local possible.

Conduite de la vigne

Irrigation de la vigne :

Les besoins en eau du couvert sont similaires à la vigne (500 mm/an). Il est donc nécessaire d'irriguer la vigne au goutte à goutte pour qu’il n’y ai pas de trop grande compétition hydrique entre la vigne et les couverts. De plus, cette irrigation permet de constituer le matelas végétatif de la vigne entre le débourrement et la floraison.

L’eau d’irrigation est stockée en surface après avoir été ponctionnée dans le Rhône en hiver. Ils doivent néanmoins augmenter leur réservoir s’ils veulent avoir assez d’eau pour remplir les besoins de leur système de production.


Gestion de l’enherbement sur le rang :

Il passe du glyphosate soit à 500g avec une dose à 0,8L/ha, soit à 300g avec une dose de 1,2L/ha sous le rang. Il travaille sur le pH et la dureté de l’eau pour améliorer l’efficacité du produit. Les outils pour les traitements phytosanitaires proches du sol sont dotés de bâches latérales pour éviter l’application du produit ailleurs que dans la zone voulue. Dominique fait le choix d’utiliser des produits phytosanitaires pour que les racines des adventices se dégradent sur place et créent des chemins préférentiels pour l’eau d’irrigation.

Outil de désherbage chimique utilisé pour gérer les adventices dans les rangs des vignes


Taille de la vigne :

Dominique a suivi grâce au GIEE des formations sur la taille de la vigne. Il choisit de pré tailler la vigne grossièrement avec une machine et de faire ensuite une taille rapide manuelle.

Commercialisation et stockage de la production

Dominique vend 100% de sa production à la cave d’argeliers dans l’Aude, qui est une coopérative connue pour son passé historique. En effet, en 1907, il y a eu crise viticole, et Marcelin Albert, leader des vignerons dans le Midi, obtient la mise en place de réglementations sur la transformation du vin. C’est ainsi qu’est née la cuvée  éponyme. Il ne s’occupe pas de la vente des raisins transformés en vin. Il est plus intéressé par son sol et sa vigne que l’activité commerciale.

Freins à la transition

Les freins selon Dominique sont :

  • Ses propres peurs. Quand on connaît pas, ce n’est pas facile de démarrer sans connaître mais il faut essayer
  • Les peurs transmises par les animateurs de la chambre d’agriculture et autres techniciens qui ne sont pas parfois déconnectés de la réalité du terrain
  • Matériel : il faut aller chercher les subventions pour les couverts : Agence eau par exemple : en justifiant que les couverts favorisent l’infiltration et évitent la pollution des nappes

Bilan social

Dominique est très satisfait de son travail (10/10). Initialement, il vient d’un système complètement basé sur la chimie. Et au vu des différents résultats de ses pratiques au cours des années, Dominique a participé à de nombreux échanges avec des agriculteurs, techniciens, chercheurs… afin de s’informer et communiquer ses résultats pour promouvoir ses pratiques.

Les pratiques qu’il met en place permettent de réduire son temps de travail (environ 50h/semaine si on considère toute la partie communication de ses pratiques):

  • Peu de passage de produits phytosanitaires
  • Peu de passage pour la fertilisation
  • Peu de travail du sol (semis direct) contrairement à ses voisins qui passent plus de temps sur leurs tracteurs (labour, décompacteur…).

Le temps consacré au semis et aux vendanges est similaire à celui de son ancien système (conventionnel), mais à des périodes plus ou moins différentes. Il veut éviter de perturber les couverts pendant la période de dormance de la vigne (6 mois) en limitant les interventions mécaniques et l’apport d'intrants.

Il prend des vacances mais moins de 5 semaines par an.

En 2018, lorsqu’il commence à mettre en place ces pratiques agroécologiques, il était perçu comme un “alien” par ses pairs, tandis qu’aujourd’hui de plus en plus d’agriculteurs le questionnent pour pouvoir mettre en place ces pratiques et les adapter à leur contexte local. Dominique effectue 8 à 10j de formation par an.

Volet économique

La principale force d’un point de vue économique est son appartenance à un GIEE et une CUMA car cela lui donne une force de négociation plus importante que s'il était seul. “Seules les grosses exploitations (> 40ha) peuvent s’en sortir individuellement”. Il préfèrerait avoir 10 ha et s’investir davantage en agroécologie sur cette surface mais pour s’assurer un certain revenu, il est obligé d’augmenter ses surfaces.

La CUMA permet de diluer de manière conséquente les charges matérielles.

En revanche, même s’il adore son travail, le métier de viticulteur reste un “métier de misère” puisque les marges ne sont pas suffisantes pour travailler sereinement, et ceci d’autant plus pour la viticulture biologique.

Enjeux et perspectives

Conseils pour d’autres agriculteurs

Dominique recommande aux agriculteurs / viticulteurs qui sont installés ou qui aimeraient s’installer de :

  • S’entourer correctement (profils transdisciplinaires : chercheurs, agriculteurs, techniciens…)
  • Ne pas être uniquement dans la théorie (comme les techniciens, IA, chercheurs…) mais aussi les praticiens : agriculteurs/paysans et discuter des pratiques / solutions avec eux
  • Changer progressivement de système (pas de transition directe). Les politiques sont là pour donner du temps pour la transition, dont les agriculteurs doivent être acteurs. Démarrer avec des systèmes simples et les améliorer progressivement
  • Avoir des machines adaptées aux objectifs.
  • S’intéresser aux nouvelles technologies qui permettraient de faciliter le travail et “d’anticiper certains obstacles”

Avenir de la profession agricole

Dominique voit l’avenir de la profession comme ceci :

  • Disparition du désherbage chimique (mais mécanique pas forcément mieux car ça fait perdre de la matière organique)
  • Pesticide = troisième problème après le sol et le travail du sol. Les produits sont à utiliser le moins possible mais ce n’est pas l’élément majeur aujourd’hui selon lui
  • Agriculture toujours intégrée dans système sociétal. « Modèle agricole = modèle politique car on ne peut pas travailler seul ». C’est un « métier de consensus » mais pas un métier de communicant. Le communication est un enjeu majeur pour les futurs générations
  • S’améliorer dans son discours et sa manière de communiquer. Ne pas raconter n’importe quoi : exemple des intrants en viticulture biologique (cuivre)
  • Utilisation des nouvelles technologies : « Les outils d’aide à la décision (OAD) vont permettre d’intervenir au bon moment et d’utiliser moins d’intrants mais je n’en aurai pas 0 »
  • Mettre en place des pratiques pour améliorer la qualité / santé des sols et mieux gérer les “déchets viticoles” (bois de taille par exemple)


Les conditions de réussite dans la réalisation d’un projet sont les suivantes :

  • Commencer par une “approche sol”. “C’est important de revenir aux bases”
  • S’entourer des bonnes personnes : multi acteurs/transdisciplinaires
  • Avoir du bon matériel agricole et si possible utiliser des nouvelles technologies adaptées aux objectifs de production
  • Rester ouvert et ne pas avoir peur de tester
  • Travailler en groupe : entraide, dilution des charges et tester plusieurs choses à la fois…

Ses pratiques innovantes

Plusieurs pratiques innovantes sont mises en place par Dominique :

  • Cultures de services semées
  • Semis direct
  • Biochar
  • EM


Le couvert végétal est l’une des pratiques agroécologiques en viticulture. La mise en place d’une telle pratique est facilitée dans des environnements sans ou avec peu de stress hydrique, ce qui n’est pas le cas dans le Languedoc.

Les types de couverts sont variables en fonction des objectifs de production des viticulteurs et de leur crainte par rapport à la compétition entre la vigne et ce dernier : un inter-rang sur deux, sur trois ou encore toute la parcelle et ces couverts peuvent être présents en permanence ou uniquement pendant la dormance de la vigne.

Le deuxième enjeu de la réussite d’un couvert réside dans :

  • Sa gestion (densité de semis, destruction…)
  • Sa composition (compromis entre services écosystémiques et dysservices[1]). Les graminées (seigle et avoine chez Dominique) permettraient d’améliorer la portance, la couverture du sol et gérer les adventices. Les légumineuses comme la féverole permettent d’apporter de la biomasse et de l’azote lorsqu’elle est restituée au sol[2].

Cependant, selon la gestion du couvert, il y a une compétition plus ou moins forte pour les ressources entre la vigne et le couvert, pouvant diminuer le rendement.[1][3][4]


Le semis direct améliorerait :

  • Taux de carbone (+ 7%) et le stock en carbone[5]
  • Disponibilité en potassium et phosphore échangeable[6]
  • La vie du sol (bactéries, bactéries fixatrices d’azote, de champignons et de vers de terre) car moins de perturbations favorisant une bonne structure du sol[7][8].

Le semis direct est un levier essentiel de l’ACS limitant l’érosion et réduisant les charges en carburant[9]. Sa réussite est favorisée par l’association de plusieurs leviers tels que les couverts (semis direct sous couvert). C’est ce que Dominique fait.


Le biochar[10] aurait divers bénéfices :

  • Amélioration de la structure du sol
  • Réduction de l’acidité du sol
  • Rétention de l’eau en surface au niveau des racines
  • Lutte contre des ravageurs
  • Stockage du carbone

Enfin, les ensemencements de microorganismes permettent de sélectionner les espèces de microorganismes adaptées souhaitées et de les inoculer dans le sol pour en tirer des services comme la fixation d’azote atmosphérique, la décomposition des composés cellulosiques ou encore la lignine.


La version initiale de cet article a été rédigée par Jarod Garin, Coraline Guigou et Lucile Regouby,




Sources et références

  1. 1,0 et 1,1 Garcia, L., Krafft, G., Enard, C., Bouisson, Y., & Metay, A. (2024). Adapting service crop termination strategy in viticulture to increase soil ecosystem functions and limit competition with grapevine. European Journal of Agronomy, 156, 127161. https://doi.org/10.1016/j.eja.2024.127161
  2. Fried, G., Garcia, L., Kazakou, E., & Metay, A. (2024). Gestion écologique des couverts végétaux en systèmes viticoles. Techniques de l’Ingénieur. https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/environnement-securite-th5/genie-ecologique-en-milieu-rural-42704210/gestion-ecologique-des-couverts-vegetaux-en-systemes-viticoles-ge1057/
  3. Delpuech, X., & Metay, A. (2018). Adapting cover crop soil coverage to soil depth to limit competition for water in a Mediterranean vineyard. European Journal of Agronomy, 97, 60 69. https://doi.org/10.1016/j.eja.2018.04.013
  4. Celette, F., & Gary, C. (2013). Dynamics of water and nitrogen stress along the grapevine cycle as affected by cover cropping. European Journal of Agronomy, 45, 142 152. https://doi.org/10.1016/j.eja.2012.10.001
  5. Eric Scopel, Antoine Findeling, Enrique Chavez Guerra, Marc Corbeels. Impact of direct sowing mulch-based cropping systems on soil carbon, soil erosion and maize yield. Agronomy for Sustainable Development, 2005, 25 (4), pp.425-432. https://hal.science/hal-00886259/
  6. Dridiger, V.K., Ivanov, A.L., Belobrov, V.P. et al. Rehabilitation of Soil Properties by Using Direct Seeding Technology. Eurasian Soil Sc. 53, 1293–1301 (2020). https://doi.org/10.1134/S1064229320090033
  7. https://www.agro-league.com/semis-direct
  8. Bazaya B.R., Avijit Sen, Srivastava V.K. (2009) Planting methods and nitrogen effects on crop yield and soil quality under direct seeded rice in the Indo-Gangetic plains of eastern India. Soil and Tillage Research. 105. 27-32. https://doi.org/10.1016/j.still.2009.05.006.
  9. Arvalis https://www.arvalis.fr/sites/default/files/imported_files/326_1281900530722807656.pdf
  10. CIRAD https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/2024/le-biochar-est-il-un-produit-miracle
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