Phytoremédiation
La phytoremédiation est une technologie utilisant le métabolisme des plantes pour accumuler, transformer, dégrader, concentrer, stabiliser ou volatiliser des polluants (molécules organiques et inorganiques, métaux et éléments radioactifs) contenus dans des sols ou des eaux contaminées[1]. D’autres technologies existent avec des micro-organismes (bactéries, micro-algues), on parle alors de bioremédiation, pour englober toutes les techniques. Ce sont des techniques de dépollution naturelle, qui s’opposent aux méthodes conventionnelles.
Méthodes conventionnelles
Les méthodes les plus utilisées aujourd’hui sont mécaniques et physico-chimiques : excavation, utilisation de solvants et/ou incinération. Elles ne sont menées que sur de petites surfaces fortement contaminées, en raison de leur coût élevé et de leur impact sur le paysage : elles déstructurent les sols et/ou en diminuent fortement la fertilité et la productivité. Leur principal avantage est leur efficacité pour une durée de traitement de quelques semaines à quelques mois[1].
Principes
Il existe 4 mécanismes de phytoremédiation :
- Phytovolatilisation : Transformation et dégradation de certains types de polluants en éléments volatils moins toxiques, qui sont ensuite libérés dans l’atmosphère par transpiration de la plante (exemple : le tabac).
- Polluants concernés : quelques composés organiques et métaux (sélénium, mercure).
- Phytostabilisation : Absorption et séquestration (ou immobilisation dans le cas de la rhizofiltration) des polluants au niveau des racines (rhizosphère). Objectif : réduire leur dispersion par le vent ou leur lessivage par les eaux de pluies, et limiter leur migration et leur entrée dans la chaîne alimentaire ou les nappes phréatiques (exemple : le peuplier).
- Polluants concernés : radioéléments comme l’uranium.
- Phytodégradation : Absorption et décomposition des contaminants par la libération d’enzymes et par des processus d’oxydation et de réduction. Les polluants dégradés, donc moins toxiques, sont ensuite incorporés dans la plante ou libérés de nouveau dans le sol (exemple : saule pleureur).
- Polluants concernés : composés organiques (hydrocarbures, pesticides, explosifs…).
- Phytoextraction : Extraction, transport, accumulation des polluants dans les tiges et les feuilles. Les plantes sont dites accumulatrices. Les feuilles, ou la plante entière, sont alors récoltées par des techniques agricoles, puis brûlées dans des usines. Les polluants sont concentrés dans les cendres et les filtres qui sont ensuite traités, comme des déchets de haute activité dans le cas d’une pollution nucléaire (exemple : le tournesol).
- Polluants concernés : métaux (cuivre, or…) et radioéléments (césium, strontium…).
Types de polluants/molécules[2]
- Composés organiques
- Herbicides (Atrazine, Fluométuron, Métolachlore)
- Trichloroéthylène (TCE)
- Composés inorganiques
Mise en pratique
- Décontamination d'un site pollué par du trichloroéthylène (TCE) avec des peupliers hybrides : Le TCE est un contaminant majeur du sol et des eaux souterraines, présentant des risques carcinogènes. Les méthodes traditionnelles de décontamination, comme l'absorption sur charbon, sont coûteuses et peuvent prendre plusieurs années. Des expériences en laboratoire ont démontré que les peupliers hybrides peuvent absorber, transformer et volatiliser le TCE présent dans le sol. Ces arbres ont été choisis pour leur croissance rapide et leur système racinaire étendu. Les peupliers ont réussi à réduire les concentrations de TCE dans le sol. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour optimiser le processus en conditions réelles et évaluer l'impact des facteurs environnementaux[2].
- Décontamination des eaux contaminées par des radionucléides à Tchernobyl avec des tournesols : Suite à l'accident de Tchernobyl, les eaux de surface ont été contaminées par des radionucléides. La rhizofiltration avec des tournesols (Helianthus annuus) a été utilisée pour absorber les radionucléides, notamment l'uranium, le césium et le strontium. Les tournesols ont réussi à accumuler les radionucléides présents dans l'eau. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer la durabilité de cette méthode et ses impacts sur l'environnement[2].
- Épuration des eaux usées d'un village à l'aide de roseaux : Les eaux usées d'un village de Savoie ont été traitées grâce à la mise en place d'une station d'épuration expérimentale utilisant des lits de macrophytes, composés de roseaux (Phragmites australis, Typha latifolia et Scirpus lacustris).
- Piscines biologiques : L'eau est filtrée par rhizofiltration, un procédé naturel utilisant des plantes pour remplacer le chlore[3].
- Arabidopsis thaliana utilisée pour l'étude de l'absorption et la translocation du césium[3].
Avantages
- Faibles coûts de traitement (10 à 100 fois inférieurs aux technologies classiques).
- Adaptation aux grandes superficies contaminées (dizaines d’hectares).
- Récupération des polluants.
- Valorisation des résidus : conversion possible de la biomasse en énergie.
- Bonne acceptabilité sociale.
- Faible perturbation du milieu contaminé.
Limites
- Limitation aux surfaces colonisables par les racines.
- Temps de traitement très long (minimum 3 ans).
- Dépendance aux conditions environnementales : Nature du sol, météorologie, attaques d’insectes, micro-organismes…
- Besoin de grandes superficies et d’une pollution peu profonde (de 50 cm à 3 m ).
- Risques écologiques potentiels : La dissémination des plantes accumulatrices de contaminants dans l'environnement peut poser des risques pour la faune, notamment via la chaîne alimentaire.
- Application pour des contaminations modérées pour que la plante survive.
Les défis de la recherche
Les scientifiques font face à cinq défis majeurs pour améliorer les procédés de phytoremédiation :
- Réduire les durées de traitement : Les plantes peuvent prendre plusieurs années pour dépolluer un site. Les scientifiques cherchent donc des moyens d'accélérer le processus, par exemple en sélectionnant des plantes à croissance rapide ou en modifiant génétiquement les plantes pour augmenter leur capacité d'absorption des polluants.
- Gérer des cas de contamination multiple : Les sites contaminés sont souvent pollués par plusieurs types de polluants. Trouver des plantes capables de traiter efficacement plusieurs polluants à la fois est un défi important.
- Mieux prendre en compte les différents paramètres environnementaux : L'efficacité de la phytoremédiation peut être influencée par des facteurs environnementaux tels que la pluie, la température et le type de sol. Les scientifiques doivent mieux comprendre comment ces facteurs interagissent avec les plantes et les polluants pour optimiser les procédés.
- Mieux valoriser la biomasse : Après avoir absorbé les polluants, les plantes doivent être récoltées et traitées. La valorisation de cette biomasse contaminée est un enjeu important pour rendre la phytoremédiation plus rentable. Des solutions comme la production d'énergie par combustion de la biomasse dans des chaudières équipées de systèmes de filtration sont à l'étude.
- Créer de la valeur avec les métaux extraits : Dans le cas de la phytoextraction, les métaux extraits des sols par les plantes pourraient être récupérés et réutilisés. Cela permettrait de créer une nouvelle source de revenus et de rendre la phytoremédiation plus attractive[3].
Annexes
- ↑ 1,0 et 1,1 La phytoremédiation, CEA, juin 2016 https://www.cea.fr/multimedia/documents/infographies/posters/defis-du-cea-infograhie-phytoremediation.pdf
- ↑ 2,0 2,1 et 2,2 La phytorémédiation, Dominique Fournon, 1999 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01617616v1/file/1999GRE17009_fournon_dominique%281%29%28D%29_SO_version_diffusion.pdf
- ↑ 3,0 3,1 et 3,2 Phytoremédiation : des plantes pour dépolluer ?, CEA, octobre 2017, https://www.cea.fr/multimedia/Documents/publications/les-savanturiers/CEA_SAVANTURIERS_21_simple.pdf