Détruire les couverts sans labour ni glyphosate

De Triple Performance
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Les débats sur le glyphosate ont accéléré les questionnements quant à la dépendance des systèmes sans labour voire sans travail du sol à cette molécule. Toutefois, plusieurs agriculteurs pratiquant l’agriculture de conservation des sols ont cherché à réduire leur consommation liée à la destruction de leurs couverts.

Ces techniques alternatives au broyage et/ou labour ont en commun de constituer chacune un moyen de destruction avec une efficacité pouvant n’être que partielle. En effet, même si elles ont des performances différentes, la plupart des agriculteurs interrogés (sauf ceux en agriculture biologique) continuent d’avoir recours au glyphosate certaines années ou dans certains cas. Les agriculteurs rencontrés distinguent souvent deux étapes dans la destruction de leurs couverts : la destruction des parties aériennes et celle des repousses de céréales ou d’adventices, du pivot ou du plateau de tallage.

Détruire les parties aériennes des couverts en les valorisant

La destruction des parties aériennes du couvert sans labour ni glyphosate pose en général peu de problèmes. Néanmoins, le broyage, technique la plus utilisée pour détruire des couverts développés, est un frein pour certains agriculteurs qui y voient une intervention supplémentaire parfois longue et coûteuse. Lors de cette traque aux innovations, des agriculteurs, ayant des pratiques innovantes permettant la valorisation et la destruction des parties aériennes, ont été rencontrés.

Récolter son couvert permet de maîtriser et de valoriser les parties aériennes. Pour illustrer ces pratiques, deux types de valorisation des couverts sont développés : l’un pour l’alimentation de ses vaches allaitantes et de ses brebis, l’autre pour la méthanisation. Le second récoltait les couverts d’une manière assez originale puisqu’il n’avait pas recours à une ensileuse mais à un broyeur-andaineur suivi d’un passage d’autochargeuse.

Broyeur-andaineur dans un couvert dédié à la méthanisation


Récolter son couvert est une manière de le valoriser, mais l’exportation des parties aériennes peut influencer les services écosystémiques rendus par le couvert du fait de l’export da la matière organique et des éléments minéraux qu’elle contient.

Brebis dans un couvert


Parmi les agriculteurs identifiés, quatre valorisaient leurs couverts par une méthode qui n’exporte pas les parties aériennes mais les transforme : le pâturage. Deux sont éleveurs ovins et faisaient pâturer leurs couverts et les deux autres n’ont pas d’élevage mais implantaient leurs couverts pour les faire pâturer par les brebis d’un éleveur voisin. Selon ces deux agriculteurs, ce partenariat est gagnant-gagnant puisque l’action des moutons est semblable à « un broyeur à l’avant et un épandeur à l’arrière ». Un agriculteur pense aussi que « les restes de couverts piétinés par les moutons forment un paillage qui réduit les levées d’adventices dans l’hiver ». En contrepartie de la mise à disposition de la parcelle l’éleveur fournit des semences de couvert. Selon l’éleveur rencontré, un sol moins remué et une présence plus importante de paille en surface permet de limiter les problèmes de boiterie. Pour lui, mettre ses brebis en lutte dans les couverts améliore leur prolificité. Les bénéfices pour les animaux ont été récemment bien documentés (valeur alimentaire importante, pression parasitaire très faible) :

Les bénéfices pour les cultures sont quant à eux bien moins connus : Synthèse bibliographique sur l’effet du pâturage des couverts sur la culture suivante.

Détruire les repousses, plateaux de tallage et collets

La destruction des racines, collets et plateaux de tallage des végétaux du couvert et des adventices présentent dans le couvert, posent souvent problème s’il n’y a ni labour ni glyphosate car le risque de repousses est important. Un premier levier consiste à choisir des espèces à croissance définie (moutarde blanche, féverole, tournesol, nyger, moutarde d’Abyssinie …) qui une fois la montaison amorcée produisent difficilement de nouvelles tiges. Même si le choix d’espèce permet de limiter le risque de repiquage, les repousses de céréales et les adventices sont généralement mal détruites lors du broyage/récolte voire même de la destruction mécanique.

Certains agriculteurs parviennent toutefois à limiter le risque de repiquage ou de repousse de la végétation même si le résultat reste inégal selon les années ou les parcelles.

Deux cas de figure ont été extraits des entretiens réalisés : les agriculteurs qui y parviennent ont innové soit sur l’usage de leur matériel, soit sur le matériel qu’ils utilisent.

Innovation sur l’usage du matériel

L’innovation sur l’usage de leur matériel a été réalisée avec des déchaumeurs à disques indépendants pour la plupart :

Cas Type de sol Département Règles de décision Citations
1er cas Craie de champagne Aube Intervenir sur le gel en janvier

ou février (la nuit si besoin)

« Il faut être patient et attendre le gel »
2nd cas « Le glyphosate c’est pas systématique »

« 1 parcelle sur 2, s’il y a des graminées »

3ème cas « Si la plante commence à dégeler ça marche plus »

« S’il y a présence de graminées au printemps avant le semis, je passe un glyphosate »

4ème cas Limon-argileux « L’affinage avant semis achève la destruction

des quelques repousses restantes » « Ne pas hésiter à y aller la nuit »

5ème cas Intervenir en novembre « Je traite au glyphosate que les parcelles sales

avant le semis au printemps »

Règles de décision et ressentis des agriculteurs quant à l’intervention mécanique sur le gel

Matériel utilisé pour la destruction sur le gel

Les agriculteurs interrogés ont choisi de se tenir à une règle de décision pour l’intervention de déchaumage de la parcelle couverte. Ils choisissent soit une intervention sur sol réssuyé soit sur sol gelé. Même si on s’accorde sur le fait que cette technique ne soit pas inédite, leurs retours d’expérience nous donnent des informations sur la pertinence de la technique selon les années. De plus, le couplage à une étude des fréquences de gel permet de replacer ces exploitations dans le contexte régional et de réfléchir à leur déploiement dans d’autres contextes géographiques.


Innovation par le matériel choisi

L’innovation sur le matériel utilisé concerne trois agriculteurs enquêtés. Deux d’entre eux ont recours à des cultivateurs équipés de pattes d’oie à fort recouvrement. Le premier utilise un cultivateur Kockerling trio équipé de socs co-conçus et réalisées avec un constructeur pour réaliser un travail de scalpage à 5 cm de profondeur dans le but de gérer les couverts et les adventices en interculture :
Dents pattes d’oie modifiées (02)
Selon lui, un recouvrement élevé est primordial pour une bonne efficacité de l’outil. Ainsi, son outil est équipé de socs de 40 cm de large pour un écartement entre dents de 29 cm (11 cm de recouvrement). Un fort dégagement est préconisé (ici 3 rangées de dents) pour éviter les bourrages avec les végétaux. Sur ce même principe, un agriculteur bio utilise un chisel Morris pour scalper la surface du sol. Cet outil est équipé de socs de 51 cm de large. Pour 30 cm d’espacement entre dents. Il est équipé de la barre désherbeuse Morris. Elle permet de mettre en surface tous les morceaux de plante via sa rotation dans le sens inverse de l’avancement de l’outil. Le coût très faible de ce matériel a également orienté son choix (10 000€ pour un chisel de 7 mètres).
Barre desherbeuse Morris (10)
Un autre agriculteur bio, en Bretagne, fait lui le choix d’un matériel peu répandu pour détruire les couverts et leurs parties superficielles dans le sol : un cultivateur rotatif à entrainement mécanique « Dyna drive ». L’outil est équipé de deux axes horizontaux recouverts de dents qui travaillent le sol comme une petite bêche. Le premier rouleau, plus gros que le second, l’entraine avec une chaîne pour le faire tourner à plus grande vitesse. Cet outil répond à ses quatre objectifs qui sont :
  • détruire les couverts sans trop travailler la terre,
  • éviter les de bourrages possibles avec un outil à dent,
  • ne pas utiliser un déchaumeur à disque pour ne pas multiplier les vivaces,
  • ne pas broyer.
En accord avec la CUMA qui détient cet outil, ils ont fait équiper un semoir qui dépose les graines avant que la terre projetée ne retombe dessus.
Dyna drive servant au semis et à la destruction du couvert (35)
Les règles de décision pour utiliser ces outils spéciaux sont agrégées dans le tableau suivant :
Matériel Type de sol Département Règles de décision Citations
Kockerling trio –

socs spéciaux

Limons battants et

limons sableux

Aisne Intervenir le 2ème jour de gel et

s’arrêter avant que les plantes commencent à dégeler (9–10h)

« J’emploie le glyphosate au cas par cas au printemps,

j’interviens parfois que sur des ronds de graminées dans la parcelle »

Chisel et barre

désherbeuse Morris

Argile lourde Aube Intervenir sur sol ressuyé :

une première sans la barre désherbeuse pour éviter les bourrages et une seconde fois avec la barre désherbeuse quelques jours après

« Les résidus de végétaux doivent être bien éclatés

ou friables »

Dyna drive Limons Ille-et-Vilaine Ne pas intervenir sur un sol trop humide,

l’intervention est possible dans un volume important de végétation

« En condition humide il y a un risque de bourrage

dans le rouleau »

Règles de décision et ressentis des agriculteurs utilisant les outils précédents

Source

Agro‑Transfert Ressources et Territoires (n.d.). FICHE PRATIQUES INNOVANTES : Détruire les couverts sans labour ni glyphosate.

Disponible sur : https://cultivons-les-couverts.agro-transfert-rt.org/glyphosate/index.html