Reliquat azoté
Le reliquat azoté est une méthode permettant d'ajuster sa fertilisation en azote en fonction de l'azote restant dans le sol à l'ouverture du bilan. Pour que le résultat soit fiable, il faut suivre une certaine méthodologie. Néanmoins, comme toute méthode, celle-ci reste critiquable et c'est ce que nous allons voir ensemble.
Les bonnes pratiques pour un RSH fiable
Dans les lignes suivantes, nous utiliserons régulièrement l'acronyme RSH pour Reliquat en Sortie d'Hiver.
Quand prélever
Pour rappel :
- La valeur du reliquat représente la quantité d’azote minérale disponible dans le sol à un instant t.
- La valeur évolue très rapidement dans le sol (minéralisation, activité biologique, végétation, lessivage des pluies...).
Les prélèvements doivent être faits au plus prêt de la fertilisation, en conditions ressuyées, après les lixiviations hivernales (vers le 15 janvier en général).
Les facteurs pouvant rendre un résultat ininterprétable :
- Prélèvement après un apport d'azote récent de moins de 2 mois.
- Prélèvement sur un sol gelé, enneigé ou très sec.
- Prélèvement après un travail du sol récent (labour, déchaumage,...)[1].
La teneur en ammonium (NH4+) est un bon indicateur de la qualité de l’échantillon. Au delà de 20k g N/ha dans les premiers horizons posez vous la question de la qualité du prélèvement.
De fortes valeurs peuvent aussi provenir des situations suivantes :
- Un retournement de prairie ou enfouissement récent de résidus riches en azote (ex: feuilles de betteraves).
- Un sol naturellement riche en matière organique.
- Un sol saturé ou proche de la saturation en eau.
- Un apport récent de fertilisant organique ou minéral[1].
Selon le contexte pédo climatique du territoire concerné, ces valeurs peuvent être conservées si elles sont représentatives des pratiques et du contexte agricole.
Comment prélever
- Où ? : Au sein de la plus grande zone homogène de la parcelle dans un cercle de 20 à 30 mètres de diamètre.
- Combien d’échantillons ? : Minimum 14 carottages élémentaires pour constituer un échantillon représentatif. Le graphique ci dessous montre bien qu’en dessous, l’erreur est trop importante pour avoir une mesure fiable du reliquat.
Quelle profondeur
- Sols superficiels : 2 horizons minimum.
- Sols profonds : 3 horizons minimum[1].
Rappels :
- 1 horizon = 30 cm.
- Les analyses sur un seul horizon sont à réserver aux situations très spécifiques : sol très superficiel, cultures à cycle rapide ou à enracinement superficiel.
- Dans le cadre de la Directive Nitrates, pour les cultures à enracinement profond, il faut obligatoirement effectuer un RSH sur trois horizons.
Quel laboratoire
Par un arrêté daté du 22 décembre et publié au Journal Officiel du 29 décembre 2021, le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a mis à jour la liste des laboratoires agréés pour les analyses de terre : 28 établissements sont agréés pour l'année 2023 (Attention tous ne sont pas habilités à effectuer les mesures de reliquats azotés).
Retrouvez l'arrêté ici.
Retrouvez la liste des laboratoires agréés en direct avec lien vers leurs sites ici.
Effet des conditions post-prélévements
Comme la minéralisation de l’azote est fortement dépendante de la température, il est essentiel d’être vigilant sur les conditions post-prélèvements pour assurer un résultat fiable.
L’échantillon doit parvenir au laboratoire :
- A l'état réfrigéré (4°C) : Dans un délais de 2 à 3 jours après le prélèvement.
- A l'état congelé (-18°C) : A favoriser si possible car idéal pour bloquer la minéralisation.
- Dans les 2 cas : Préserver le cycle du froid lors de l'acheminement (pas de dépôt le samedi, envoi rapide).
Il est important de respecter la chaîne du froid :
Attention également aux risques gel/dégel/gel qui entraînent également une minéralisation importante :
- Eviter de congeler des échantillons provenant de sols gelés.
- Respecter le cycle du froid.
Les limites de la méthode
Densité des horizons profonds
Le prélèvement des minéraux du sol par les plantes est fonction de la capacité des plantes à s'enraciner. Ainsi, si un sol est trop dense, les racines n'iront pas en profondeur et les plantes ne pourront pas prélever les minéraux du sol. Les essais de la coopérative SCARA nous montrent que souvent les troisièmes horizons, de 60 à 90 cm, ont une densité assez élevée, autour de 1,5.
Horizon | Densité | Humidité | NH4+
(kg/ha) |
NO3-
(kg/ha) |
Azote minéral
(kg/ha) |
---|---|---|---|---|---|
0-30 cm | 1,20 | 21% | 3,10 | 26,00 | 29,10 |
30-60 cm | 1,40 | 18% | 6,10 | 10,30 | 16,40 |
60-90cm | 1,50 | 14% | 0,30 | 17,00 | 17,30 |
Total | - | - | 9,50 | 53,30 | 62,80 |
Comme on peut le voir sur ce résultat d'essai provenant du MAPAC au Québec, une telle densité pénalise fortement l'enracinement, notamment en sol très argileux. On peut donc se poser la question de la pertinence d'un troisième horizon, quand de toute façon les plantes ne pourront que très mal valoriser l’azote qui s’y trouve.
Optimale | Limite
l'enracinement |
Empêche
l'enraciment | |
---|---|---|---|
Sable,
sable loameux, loam sableux |
1,6 | 1,7 | 1,8 |
Loam sableux,
loam |
1,4 | 1,6 | 1,8 |
Loam sablo-argileux,
loam, loam argileux |
1,4 | 1,6 | 1,75 |
Limon, loam | 1,3 | 1,6 | 1,75 |
Loam limoneux, | 1,4 | 1,55 | 1,65 |
Argile (35 à 45 %) | 1,1 | 1,5 | 1,6 |
Argile (>45%) | 1,1 | 1,4 | 1,5 |
L’hétérogénéité des résultats sur une parcelle
On sait que les parcelles sont hétérogènes sur des indicateurs assez statiques comme le taux de matière organique ou les niveaux de phosphore ou de potasse. Cette hétérogénéité est encore plus forte dès l'instant où l'on arrive sur des indicateurs très dynamiques comme par exemple la quantité d'azote.
Voici par exemple une rotation maïs-soja-blé en Allemagne sur une parcelle de 5 ha en sols limoneux. On voit des différences de reliquats pouvant aller jusqu’à 100 UN par zone (de 80 à 180 UN). Suivant l’endroit où on prélève, on aura un fort impact sur le résultat. Comme on peut le voir sur cette carte, le reliquat azoté est aussi fortement inversement corrélé au potentiel agronomique. Si on fertilise de manière égale partout, les zones plus productives prélèveront plus d'azote que les zones les moins productives. Et de cette manière, le reliquat azoté s'en trouvera impacté avec les zones les moins productives présentant les plus forts reliquats azotés.
Des valeurs qui varient suivant les laboratoires
Pour terminer, les valeurs de reliquat azotés dépendent aussi du laboratoire. Voici ici un exemple où un même échantillon a été envoyé à 4 laboratoires différents, et on peut voir que les différences peuvent atteindre 48 unités d'azote, ce qui n'est pas neutre sur la dose que l'on pourra ensuite apporter dans le cadre du bilan azoté. Résultats orge 2017 :

Sources
Cet article a été rédigé grâce à l'aimable contribution de Martin Rollet, ingénieur agronome au Centre National d'Agroécologie et chez Agroleague.