Keyline design
Le keyline design est une technique d'aménagement paysager visant à maximiser l'utilisation bénéfique des ressources hydriques d'une parcelle et d'éviter les phénomènes de dessèchement, érosion et excès d'eau.
Une keyline est un point d'inflexion perpendiculaire au sens de l'écoulement de l'eau. La keyline se situe là où la pente commence à faiblir, et le flux d'eau ralentir. Une keyline est d'abord identifiée à l'aide d'un relevé topographique (qui peut être produit sur place à l'aide de drones), puis creusée avec une sous-soleuse, derrière laquelle on peut semer un couvert ou des espèces pérennes.
Le sillon capture l'eau et la répartit sur toute la vallée de manière uniforme (en suivant les courbes de niveau), sans perturber ni le sol ni le flux général de l'eau.
Description et objectifs
La keyline dénomme une caractéristique topographique spécifique liée à l'écoulement naturel de l'eau. La conception en keylines est un système de principes et de techniques de développement des paysages pour optimiser l'utilisation de leurs ressources : eau, ensoleillement, exposition, vent, flore et faune. Chaque paysage (espace agricole dans sa globalité) présente des particularités climatiques et topographiques. Le keyline design est à appliquer à chaque ferme ou terrain de façon personnalisée. Il est un des éléments à la base du design en permaculture.
En prenant en compte l’ensemble des éléments d’un paysage, cette approche participe à la reconstruction et la consolidation des écosystèmes. En cela, son application ne se limite pas aux zones arides et aux grandes parcelles. On peut donc s’en inspirer quelle que soit la zone climatique où l’on se situe et quelle que soit la taille du terrain considéré. Il permettra à la fois de diriger, infiltrer, stocker, répartir les eaux de ruissellement et d'en évacuer l’excédent, mais aussi d’infiltrer de l’oxygène et des nutriments tout ceci dans le but de favoriser le développement d'un sol vivant, profond et présentant une grande fertilité biologique. Il est moins coûteux d’atteindre ce but dans un paysage qui a été organisé à cette fin.
Si le sol est sec, lorsqu'une pluie surviendra, l'eau de ruissèlement sera alors captée dans les sillons et évitera les phénomènes d'érosion. A l'inverse si le sol est déjà saturé en eau, lors d'une pluie, l'eau de ruissèlement sera également dirigée dans les sillons et pourra être évacuée dans une zone de rétention (cuvette, mare, noue).
L'agriculteur et ingénieur australien P. A. Yeomans a inventé et développé le keyline design dans ses livres "The Keyline Plan", "The Challenge of Landscape", "Water For Every Farm" et "The City Forest".
Le keyline design est apparu au moment de l’avènement de l’agriculture chimique et fut boudé. Dans la période actuelle de transition agricole, la permaculture, le keyline design, l’holistic management, la biodynamie, l’agroécologie … sont autant d’outils disponibles pour nous aider à exprimer au mieux le potentiel de chaque terrain, de chaque terroir.
Avantages
- Meilleure infiltration et répartition de l'eau → limitation du ruissèlement et donc du risque d'érosion.
- Gestion et régulation des excédents → remplissage des nappes phréatiques.
- Meilleurs échanges air-eau avec les plantes, le sol et le sous-sol → meilleure pénétration des racines qui en se décomposant créent de l'humus.
En résumé : Les keylines créent une zone de production qui favorise l'enracinement, qui maximise l'utilisation de l'eau, la vie et la régénération rapide du milieu en évitant les dégâts dus aux excès (chaleur, sécheresse et/ou inondations).
Mise en place
Dans la nature, les lignes droites sont quasi inexistantes et les sols parfaitement plats sont très rares. En prenant en compte l’ensemble des éléments d’un paysage, le keyline design participe à la reconstruction et la consolidation des écosystèmes. La gestion de la ressource en eau du paysage est à designer après avoir considéré le climat et la topographie (les formes et les pentes du terrain).
Le travail de mise en place des keylines va être réalisé à l'aide d'un ripper ou d'une sous-soleuse (Yeomans) qui travaille le sol sans en perturber les horizons. Pour cela il va falloir attendre que le sol de la parcelle soit bien ressuyé et pas trop sec. Il faudra alors suivre les courbes de niveau et tracer les keylines perpendiculairement à la pente.
Ce décompactage du sol laisse comme un motif gravé sur le sol qui influence les mouvements de l’eau en surface. C’est plus d’une centaine de petits sillons par hectare qui piègent l’eau, lui permettant de s’infiltrer. Quand le sol est imbibé, l’eau suit ces sillons qui sont autant de petits canaux. En organisant la disposition de ces canaux, on peut agir sur la répartition de l’eau sur le terrain et conduire l’eau des creux (appelé vallées en langage keyline) où elle a tendance à s'accumuler vers les bosses (appelé crêtes) qui s’assèchent. Yeomans nous a transmis un savoir-faire sur la façon de passer la sous-soleuse pour obtenir cet effet, basé sur la détermination des points clé et des lignes clés. On appelle ces sillons des keylines et on parle de travailler le sol en keyline. Ces keylines servent également à l’irrigation gravitaire, par diffusion de l’eau à la fois horizontalement et verticalement.
Avec le temps ces sillons risquent de se reboucher. Pour éviter ce phénomène, le meilleur moyen est de planter des végétaux qui ont de l'ancrage comme les plantes pérennes (haie, arbres, vigne, plantes aromatiques...) pour continuer à avoir cet effet de rétention et de distribution de l'eau le long des courbes de niveau.
La prise en compte des "points clés"
Les courbes de niveau sont jalonnées de lignes de talweg (creux) et de lignes de crête (bosse) qui se succèdent au fil du relief, certaines lignes étant plus prononcées que d’autres. La courbe de niveau la plus importante sera celle qui prendra son départ sur un point situé sur une des lignes de talweg où la vitesse du ruissellement sera la plus importante. Ce point où les eaux se rassemblent est appelé "point clé", c’est à partir de ce point que les ravines se forment car c'est là que le courant d'eau est le plus fort.
La courbe de niveau qui passe par ce point clé se nomme "ligne clé" soit littéralement "key" "line" en anglais, d’où le nom de "keyline". C’est à partir du point clé que l’on trace la première keyline, les suivantes suivront parallèlement cette ligne tant que la topographie restera homogène.
Les keylines seront tracées avec une ou plusieurs dents, le plus profondément possible : 60 à 80cm, tous les 0,75m à 1,50m en largeur (en vigne), en fonction de la pente et du matériel utilisé.
Attention, la keyline ne doit pas continuer tout le long de la courbe de niveau. Elle doit partir du key point (là ou le flux d'eau descend dans la vallée) et suivre la courbe de niveau de part et d'autre de la vallée jusqu'à chaque crète. En effet, la keyline doit s'arrêter pour permettre à l'eau de rentrer dans le sol et éviter qu'elle ne s'évacue dans la vallée suivante.
Les noues
Les noues (ou baissières) suivent aussi les courbes de niveau, ce sont des fossés fermés. Il faut essayer de positionner les noues à partir du « point clé » de la première keyline. La noue deviendra une super keyline qui accumulera beaucoup plus d’eau. Elle sera en aval de la pente, surplombée d’une petite butte permettant d’augmenter la capacité de stockage de l’eau. C’est sur cette butte que seront plantés les diverses essences forestières et les arbres fruitiers, les petits fruits et les cultures légumières pérennes. Cette noue, va elle aussi répartir, infiltrer, stocker les eaux de ruissellement. Chaque noue sera équipée, à l’une de ses extrémités, d’un « trop plein » qui évacuera les excédents d’eau vers différents fossés qui peuvent alimenter une ou plusieurs mares.
Attention : les noues sont des éléments hydrologiques massifs, qui changent la topographie du paysage. Il est primordial de ne pas mettre en place ce genre de dispositif avant d'avoir mis en place toutes les autres solutions agroécologiques (couverts, apport de matière organique, keylines éventuelles). Dans la plupart des cas, les noues peuvent devenir problématiques si elles ne sont pas bien gérées, en particulier en hiver avec l'excès d'eau. De plus, il est important de bien valider l'aspect géologique du sol (avec un hydro-géologue) pour s'assurer que le dispositif mis en place ne fasse pas plus de mal que de bien... De manière générale, ce genre de dispositif ne trouvera sa place que dans des régions avec un climat méditerranéen !
Pour aller plus loin
- Permalab
- Le Keyline Design (paysages-fertiles.fr)
- Les conditions optimales de sous-solage - Fabian Féraux.
- Qu’est ce que le Keyline Design ? ou comment augmenter la fertilité naturelle des sols ? - Permaterra.
- La Révolution de l'Eau en Inde #1 : Résoudre la crise en 45 jours avec la Fondation Paani - Andrew Millison.
- Harmoniser les approches agroécologiques en viticulture - Ver de terre production.
- Before Permaculture: Keyline Planning and Cultivation (permaculturenews.org)
- Chaines youtube de Richard Perkins et surtout son livre "Regenerative Agriculture" (en Anglais)
Sources
- Malard Alain. Vignes, vins et permaculture. Editions France Agricole. 2021.
- Page Wikipedia sur le Keyline design
- Le keyline design, un outil pour une agriculture régénératrice - Possible media
- "Introduction au Keyline Design" avec Simon Ricard :
- Partie 1 - https://www.youtube.com/watch?v=pbkPh6TUPRk
- Partie 2 : https://www.youtube.com/watch?v=miqlamR0M_k
Annexes