Agroforesterie, fertilité et érosion des sols en Afrique

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Maïs cultivé dans une parcelle contenant des palmiers à Bolou, Togo.


L’agroforesterie est un système de production qui intègre les arbres aux cultures, à l’élevage ou aux deux. Elle est adaptée à de nombreuses situations. Contrairement à certaines croyances, on peut même y avoir recours sur de petites superficies en association avec des cultures. De par ses avantages, l’agroforesterie peut s’avérer être une alternative dans les zones où la culture sur brûlis est pratiquée[1].

Portée écologique et intérêts

Selon les organisateurs du 4ème congrès mondial sur l’agroforesterie qui s’est tenu en mai 2019 en France à Montpellier, "l’agroforesterie est une innovation majeure de l’agriculture contemporaine et un élément clé de la transition agroécologique". En effet les arbres semblent pouvoir apporter de nombreux effets bénéfiques aux agroécosystèmes :

Production alimentaire et non-alimentaire de biomasse

L’agroforesterie s’est montrée, dans de nombreuses situations, bénéfique pour les producteurs en termes de sécurité alimentaire et d’approvisionnement en combustible, matériaux de construction et fourrage[2].

Fertilité du sol

Les arbres participent à la restauration de la fertilité des sols, en particulier lorsque des arbres de la famille des légumineuses (Fabacées) sont utilisés. Les arbres produisent une biomasse importante qui peut enrichir le sol, via les feuilles et branchages qui s’accumulent au sol, mais aussi via les exsudats et la décomposition de leurs racines[3]. Ces apports de biomasse permettent d’apporter une grande diversité de nutriments au sol, seul un manque de phosphore est à noter[4]. Si manque il y a effectivement, il peut être compensé par des farines d’os ou encore par les mycorhizes (champignons) qui se développent bien sur les matières ligneuses (branches, copeaux, écorces, etc.).

Protection contre les éléments (soleil, pluie et vent)

La canopée des arbres, leurs racines, mais aussi la litière qui se forme à leur pied altèrent le microclimat et limitent les effets météorologiques érosifs. Cela permet de limiter la température au sol et de préserver l’eau dans les sols[5][6], et ainsi par exemple de prolonger la période de croissance des cultures avoisinantes[7]. Si les arbres et arbustes sont utilisés comme barrières brise-vent, il est important d’assembler les arbres pour que la barrière reste perméable pour filtrer le vent et non pas le détourner, l’effet positif sera ainsi effectif sur une plus grande distance. De plus, on constate que les rendements les plus élevés sont obtenus à une distance d'environ 3 à 7 fois la hauteur de la barrière[8].

Promotion de la biodiversité

Par la gestion microclimatique et l’apport de matière organique, les arbres favorisent la vie dans le sol. La présence de vers de terre (et autres membres de la macrofaune) dans le sol, souvent utilisés comme indicateurs de l’activité biologique, est bien corrélée avec la présence et l’abondance des arbres en milieu tropical[9][10][11]. L’agroforesterie ne bénéficie pas seulement à la biodiversité du sol, mais bien à la biodiversité dans son ensemble (oiseaux, insectes pollinisateurs, etc.)[12].

En outre, introduire des arbres dans les fermes permet de réduire la pression sur les forêts naturelles (bois de chauffe ou de construction, etc.). Il est important de rappeler que comme pour les cultures, il faut conserver de la diversité dans les arbres. En effet les plantations d’une seule espèce d’arbres sont susceptibles de subir les mêmes problèmes que les monocultures de plantes annuelles[13].

Remontée des nutriments et prévention du lessivage

Les racines des arbres permettent de remonter une grande quantité de nutriments des profondeurs et de les rendre disponibles aux cultures, notamment les nutriments de la surface qui auraient tendance à se lessiver[14].

Séquestration du carbone atmosphérique

Les arbres jouent un rôle important pour la séquestration du carbone dans leur biomasse et dans le sol et ainsi à la mitigation des changements climatiques[15][16][17].


Effets de l'arbre sur l'agroécosystème. Source : SECAAR.

Conditions de mise en œuvre

Premièrement, il est important de déterminer quels arbres on souhaite planter et quelles seront leurs fonctions (alimentaires, fertilisantes, etc.). Ici nous nous concentrerons essentiellement sur les arbres dont les rôles principaux sont la fertilisation et la restauration des sols dégradés.

Arbres et arbustes potentiels

  • Faidherbia albida (ancien nom: Acacia albida) :
    • Description : Grand arbre du Sahel, épineux, résistant à la sècheresse. Contrairement à la plupart des arbres, il perd ses feuilles en saison des pluies, fixe l’azote.
    • Rôles : Production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol, production de fourrage, adapté à l’apiculture.


  • Senna Siamea (Cassia) :
    • Description : Grand arbre originaire d’Asie, résistant à la sècheresse.
    • Rôles : Combustible, fixe l’azote, production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol.


Gliricidia sepium.
  • Tephrosia vogelii :
    • Description : Arbuste d’Afrique tropicale, résistant à la sècheresse, toxique pour la plupart des animaux (excepté les chèvres).
    • Rôles : Feuilles avec effet insecticide, fixe l’azote, production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol.


  • Cajanus Cajan (Le pois d'Angole) :
    • Description : Arbuste originaire d’Inde.
    • Rôles : Pois pour l’alimentation humaine, fixe l’azote, production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol.


  • Leucaena leucocephala :
    • Description : Arbre originaire d’Amérique Centrale, supporte mieux les sols neutres ou alcalins et les faibles altitudes (<800 m).
    • Rôles : Fourrage pour animaux, combustible, fixe l’azote, production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol.


Moringa oleifera.
  • Gliricidia sepium :
    • Description : Arbre originaire d’Amérique du Sud, supporte mieux les sols acides.
    • Rôles : Exceptionnellement fourrage, combustible, feuilles avec effet insecticide, fixe l’azote, production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol


  • Moringa oleifera :
    • Description : Arbre originaire d’Inde.
    • Rôles : Feuille pour la nutrition humaine, production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol.


  • Neem (Azadirachta indica) :
    • Description : Arbre probablement originaire d’Inde, résistant à la sècheresse.
    • Rôles : Bonne prévention de l’érosion, effet insecticide, combustible, production de biomasse pour améliorer la fertilité du sol, propriétés médicinales, fourrage (apprécié des chèvres), potentiellement invasif.


AgroforesterieAfrique Materiel.jpg

Matériel nécessaire

  • Bottes : Protection des pieds.
  • Outils aratoires (houe, coupe-coupe, daba) : Nettoyage de la parcelle et préparation du sol.
  • Sachets plastiques opaques / pots en terre cuite : Réalisation des pépinières.
  • Pulvérisateur : Épandage des biopesticides et du compost liquide.
  • Pelles : Manipulation du compost.
  • Cordeau : Dimensionnement de la parcelle et repiquage des jeunes plants.
  • Bassines et brouettes : Transport des plantes, du compost, de l’eau,...
  • Arrosoirs : Arrosage de la pépinière et des plants repiqués.
  • Sacs : Conditionnement du compost.

Matériaux / matières premières

  • Semences.
  • Compost.
  • Produits à base de champignons (Mycotri, Mycoplus).
  • Si besoin, biopesticides à base de neem, de piment, d’ail, etc.



La plantation

Il y a quelques conditions préalables à respecter avant de se lancer dans la plantation :

  • Disponibilité d’un espace aménagé pour installer la pépinière et l’exploitation.
  • Compétences nécessaires à la pratique.
  • Disponibilité du matériel approprié et des matériaux en quantité suffisante.
  • Planification et organisation rigoureuse.
  • Disponibilité en eau.
  • Disponibilité de la main-d’œuvre.


Comme pour les associations de cultures, les arbres peuvent être associés aux cultures selon différentes dispositions.

Plantation de bordure

AgroforesterieAfrique Bordure.jpg

Les arbres entourent les cultures, cette disposition peut être adaptée par exemple pour délimiter des pâturages ou protéger des cultures du vent.

AgroforesterieAfrique Alterne.jpg

Plantation alternée

Des rangées d’arbres sont intégrées entre les cultures. Cette disposition peut être utilisée par exemple si les arbres ont pour fonction principale la fertilisation ou les barrières anti vent, y compris lorsqu’ils font partie d’une rotation avec les cultures.

Plantation dispersée

Les arbres sont dispersés dans les cultures, cette disposition peut par exemple être utilisée si les arbres ont avant tout une fonction alimentaire.


Pour diversifier l’apport en matière organique les arbres ou arbustes légumineux peuvent être utilisés en complément à des légumineuses de couverture comme le Mucuna ou Stylosanthes.

Etapes de mise en place

  • Préparer le terrain pour la pépinière (ombragé, facile d’accès, proche d’un point d’eau, etc.).
  • Semer les graines d'arbres dans des sacs contenant un mélange de 1/3 de compost, 2/3 terre et du Mycotri si disponible.
  • Entretenir régulièrement les plants (arrosage, désherbage, et si besoin application de Mycoplus).
  • Choisir et préparer le terrain en fonction de l'effet recherché et de la place disponible (brise vent, ombrage,...).
  • Effectuer les trous pour la plantation, si besoin on peut former une cuvette pour recueillir l’eau et la matière organique selon la technique du Zaï.
  • Planter les jeunes plants et apporter du compost (et si disponible Mycoplus).
  • Entretenir le champ (application de biopesticides si besoin).

Entretien

La taille de l’arbre s’effectue quelques semaines avant le début de la saison des pluies, la biomasse récupérée est utilisée en couverture ou enfouie superficiellement. Si la matière organique est déposée trop tôt dans la saison sèche une bonne partie de ses bénéfices seraient perdus[18]. Cette biomasse peut également être utilisée pour la fabrication du compost, comme combustible ou comme fourrage pour les animaux.

Difficultés et contraintes

  • La recherche de l’eau pour l’arrosage régulier des jeunes plants est une charge de travail.
  • Le temps que l’arbre pousse et produise ses bénéfices est assez long. Si l’arbre n’apporte pas de bénéfice concret aux paysans, ils préféreront planter une culture de rente.
  • Pendant la période sèche les arbres peuvent subir les dommages des animaux.

Sources

Manuel des bonnes pratiques agroécologiques - SECAAR.


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Cette page a été rédigée en partenariat avec le projet Urbane et grâce au soutien financier de l'Union Européenne.

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Annexes

  1. Castro et al., 2009
  2. Mbow et al., 2014
  3. Kang et al., 1999
  4. C. A. Palm, 1995
  5. Lin, 2010
  6. Castro et al., 2009
  7. Bunch, 2012
  8. Gliessman, 2014
  9. Pauli et al., 2010, 2011
  10. Dangerfield, 1993
  11. Tian et al., 2000
  12. Bhagwat et al. 2008
  13. Sileshi et al., 2008
  14. Rowe et al., 1999
  15. Paustian et al., 2016
  16. Nair, Kumar, and Nair, 2009
  17. Hombegowda et al., 2016
  18. Bunch, 2012
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