Ferme EARL Terres Libres
Ferme d'élevage ovin et porcin en plein air
Nicolas Brahic
Introduction
De nombreuses fois récompensé pour son système de production innovant, Nicolas Brahic a su développer un produit de grande qualité BIO et extensif. Éleveur porcin et ovin dans le Parc Naturel des Grands Causses, Nicolas est en totale autonomie fourragère et est allé à la pointe technique de son système.
Contexte
- Nom de l’exploitation : EARL Terres Libres
- Localisation : Le Coulet, Saint-Maurice de Navacelle
- Site : Natura 2000, UNESCO, Parc des grands causses
- SAU : 250 ha dont 88 ha pâturés avec 44 ha de plaine et 44 ha de parcours
- Production : Élevage Porcin et Ovin
- Cheptel : 97 ovins et 88 porcins
- UTH : 1
- Cahier des charges : Agriculture Biologique, certification en 2007 pour l’élevage porcin et 2009 pour l’élevage ovin
- Climat :
- Pluviométrie annuelle moyenne : 1380 mm/an
- T° moyenne : 13,1 °C
- Type de climat : tempéré humide
Historique
- Formation BPREA équestre
- 2007 : création et installation de Nicolas Brahic, initialement avec un associé, sur 250 ha avec 34 brebis rouge du Roussillon et 88 truies naisseur-engraisseur sans bâtiments ni castration des porcelets, en production bio et extensif.
- 2009 : séparation avec l’associé, passage des brebis en bio
- 2012 : élection dans les 20 meilleurs produits du monde Ducasse
- 2012 : création de Buxor, entreprise compost de bois
- Aujourd’hui : sur 250 ha, Nicolas a 97 ovins, 88 truies en production bio et extensif et en autonomie fourragère totale.
Vers une agriculture durable
Objectifs
Nicolas Brahic a pour objectif principal de produire une viande de grande qualité en autonomie alimentaire et en respectant l’environnement en ayant un impact minimal.
Il souhaite suivre au maximum les cycles et les lois de la nature. Les animaux sont donc saisonnalisés, sans traitement vétérinaire et en alimentation au fourrage totale pour les brebis et à 90% pour les porcs.
Grâce à son entreprise Buxor, il souhaite garder les espaces ouverts en débroussaillant, tout en conservant la biodiversité.
Expérimentations et objectifs à venir
Dans le futur, Nicolas voudrait remixer ses élevages porcins et ovins, séparés initialement pour des questions de législations. Cependant, une dynamique s’organise lors de la mise en commun des troupeaux notamment par rapport aux prédateurs et à la consommation complémentaire des fourrages.
De plus, il a déjà expérimenté de faire pâturer ses porcs dans des espaces fermés par la broussaille pour les rouvrir, dans la vision de Buxor. Les résultats ont été concluants. Il souhaite développer ce système tournant.
Système de production
Entreprise Buxor
Buxor SAS est une entreprise produisant du compost de bois et des sols équestres naturels à partir de bois de broussailles tout en protégeant les espaces forestiers.
Création de l'entreprise
Depuis la création de sa ferme, Nicolas Brahic essaye de la faire évoluer vers un système le plus naturel possible. Cependant, malgré un faible chargement de un animal pour 2 ha, il n’arrivait pas à atteindre l’autonomie alimentaire pour ses brebis et ses cochons. Il devait compléter leur alimentation avec des céréales pour les cochons et environ 25 t de foin par an pour les brebis. Sur ses 44 ha de prairies et 44 ha de parcours, il a observé que les brebis n’allaient jamais dans les bois qui étaient trop fermés et que les cochons y allaient seulement s' il y avait un fort intérêt, comme des glands par exemple. Les 44 ha de parcours n’étant jamais utilisés, il a décidé d‘ouvrir ce milieu pour avoir plus de surface pâturable pour son troupeau.
En ouvrant ses parcours en débroussaillant, il a non seulement créé un meilleur abri contre la prédation par les renards pour ses brebis qui ne restaient qu’en lisière de bois, il est devenu 100% autonome en fourrage pour ses brebis et a aussi observé un meilleur état sanitaire de son troupeau. Par ailleurs, il a pu observer un comportement intéressant chez ses cochons qui se nourrissaient de larves dans le bois mort. Cette observation l' a amené à réfléchir sur ce qu’il pourrait faire pour nourrir ses cochons de cette manière afin de ne plus leur apporter de céréales. De même, il a réfléchi à une méthode efficace pour valoriser la broussaille taillée de cette manière. C’est avec ces deux objectifs en tête qu’il décide de créer l’entreprise Buxor en 2012.
Objectifs
- Ouvrir les milieux en respectant le sol et la forêt pour une protection contre les feux de forêt. Leur méthode empêche les ronces de prendre le dessus. Ce sont des chantiers fastidieux mais durables avec peu d’entretien par la suite.
- Utiliser la broussaille en la rendant disponible sans abîmer la faune
- Produire un compost de broyat de bois/broussaille grâce au système de Jean Pain, généré au sol à partir de broussaille broyée dans le sens de la fibre.
- Produire sols équestrespour carrières, parcours, manèges...
Expérimentations et recherches
Nicolas s’est rendu compte que ses cochons mangaient les larves dans le bois mort. En 2013, il a alors, avec l'aide de son ami naturaliste Gilles Hanula, lancé une expérimentation sur l’élevage hors sol de larves pour nourrir les cochons en protéines.
Basé sur le système de Jean Pain, ils ont développé un système pour composter le broyat de broussaille et produire de la chaleur pour le développement accéléré des larves. Ils ont atteint un effectif de 25 000 adultes.
Ils ont pu en donner aux porcs et devenir autonome en fourrage. Grâce à une autorisation de l’INAO, ils ont pu nourrir les porcs et garder le label BIO.
L'expérimentation a abouti à des résultats positifs et concluants. Cependant, ils n’ont pas continué du fait de la charge de travail que cela représente.
Buxor permet d’avoir des démarches scientifiques d’observations, de réflexions et finalement d’expérimentations.
Production Animale
Nicolas Brahic a développé un système d’élevage ultra performant avec un minimum de charge de travail car 100% plein air et un minimum d’impact sur le sol et la biodiversité.
Fourrage
Les cochons et les brebis vivent en plein air toute l'année et pâturent sur environ 44 ha chacun, répartis équitablement entre des prairies et des parcours. Sur les prairies, les animaux se nourrissent principalement de l'enherbement spontané composé de trèfle incarnat, rumex, avoine, ray-grass, pissenlit et bouillon blanc. De plus, Nicolas cultive les cynorrhodon sur ces prairies et les couche pour fournir une source en vitamine C à son bétail. Il essaye aussi de favoriser la repousse d’arbres naturels sur ses prairies afin de ne pas avoir juste une herbe rase pour favoriser la biodiversité et limiter les risques d’incendies.
Elevage Ovin
Le troupeau ovin de Nicolas Brahic est composé de 97 brebis et leurs agneaux, avec deux béliers. Les agneaux sont élevés sous la mère. L’élevage ovin est destiné à la production de viande : d’un côté la viande d’agneaux, d’autre part les brebis de réforme qui sont destinées à une clientèle musulmane cherchant ce type de produit. Les brebis sont de race pure : Rouges du Roussillon. Ces brebis perdent leur laine toutes seules, il n’y a donc pas nécessité de les tondre, sauf dans des cas de prolifération de tiques.
Les brebis pâturent sur les 44 hectares de prairies et de parcours toute l’année et cela représente la totalité de leur alimentation. Elles sont actuellement en rotation avec les cochons suite à la mise en place d'une réglementation, mais avant cela les brebis et cochons pâturaient tous sur 88 ha en même temps.
Nicolas ne fait pas de traitement vétérinaires pour ses brebis et laisse “la loi de la nature faire”. Lorsque ses brebis et ses cochons sont sur la même parcelle, les cochons permettent de déparasiter les brebis en mangeant les tiques par exemple.
L’atelier d’élevage ovin permet aussi à Nicolas de toucher des aides de la PAC, ce qui est impossible avec l’élevage porcin seul.
Elevage Porcin
Le troupeau porcin de Nicolas est composé de 88 truies et leurs cochonnets et deux verrats. Les cochonnets sont destinés à la vente de viande de très haute qualité. Les cochons ne sont pas castrés et sont en “liberté” : ils se nourrissent sur les 88 hectares de prairies et de parcours avec la nourriture qu’ils y trouvent. Ils se nourrissent donc principalement d'insectes, de fruits, d'herbe et de glands. Ils se nourrissent toujours aussi avec des larves qu'ils trouvent naturellement dans des souches ou troncs d'arbres morts.
Leur alimentation est complémentée à moins de 10% par de la drèche de brasserie provenant d’une brasserie artisanale locale et pain sec d'une boulangerie locale. Avec Buxor, ils ont expérimenté l’élevage d’insectes pour l’alimentation des porcs. Cette expérience a porté ses fruits et ils ont pu ainsi explorer une nouvelle forme d’alimentation pour les porcins.
Aucuns traitements vétérinaires ne sont faits sur les porcs, et Nicolas ne les déparasite pas non plus. Il estime que les périodes de jeûne, en hiver principalement, permettent aux porcs de se déparasiter eux même.
Le troupeau est en “liberté” sur les surfaces fourragères mais Nicolas a décidé de mettre en place des faux-rapages qui sont utilisés pour les maternités. Ces enclos faits de pierre, bois et grillage permettent de protéger le troupeau des renards et autres prédateurs à la mise bas qui est un moment critique et d’accepter une certaine prédation le reste du temps.
Complémentarité des productions
L’entreprise Buxor et les élevages porcins et ovins sont très imbriqués. Au cours des années Buxor a pris le dessus commercialement mais l’élevage reste quand même le pilier et la vitrine de l’exploitation.
Commercialisation et stockage de la production
Jusqu'en 2012 Nicolas commercialisait ses cochons sous forme de charcuterie bio pour la grande distribution, un charcutier et des cochons de lait pour des chefs étoilés.
Maintenant il vend son cochon transformé en confit en vente directe. La vente directe étant très énergivore et compliquée logistiquement il a décidé de mettre en place un système de vente en pot qui lui permet de réaliser des lots de pots ayant une longue DLC. Il produit de la viande encore ponctuellement pour quelques chefs étoilés.
Concernant les ovins, il vend sa viande à une boucherie à Lodève (34700) ayant une clientèle musulmane qui apprécie tout particulièrement les viandes issues de l’élevage extensif.
Il n’a plus de contrat régulier avec des grands restaurants qui demandent une régularité dans les produits qu’il ne peut plus assurer dans son système actuel, sans alimentation céréalière.
Il n’a pas un très gros objectif de vente et n’a pas une volonté particulière de pousser ses produits sur le marché.
Bilan social
Nicolas est très satisfait de son travail et a de nombreuses fois été récompensé pour la qualité de son travail et de sa viande. Il considère que son système est largement durable. Depuis son installation, il a fait évoluer l’exploitation et son rythme de travail. Il y a quelques années encore, il passait des journées effrénées au téléphone pour contacter les restaurants, les chefs cuisiniers etc et produire assez pour répondre à la demande. Aujourd'hui, son rythme de travail est beaucoup plus calme, notamment car il se concentre et s’équilibre avec l’entreprise Buxor.
Un des principaux défis rencontrés par Nicolas sont les ravageurs/prédateurs des troupeaux. Il peut faire face à l’attaque de loup (bien que rare), de corbeaux noirs, de renards et le plus problématique de sangliers. Il a cependant appris à avoir une attitude d’adaptation à la présence de ces prédateurs et non plus d’attaque. Il préfère protéger ses animaux à la mise bas et laisser les cycles naturels se faire, quitte à perdre quelques animaux par la prédation. Ils ont implanté près de 75 km de clôture électrique. Il a un chien de protection du troupeau et des chevaux, étonnement efficaces pour la protection des troupeaux. Il a aussi eu l'autorisation de mettre en place une placette à vautour sur laquelle il apporte les carcasses de ses animaux sur lesquelles peuvent se nourrir les vautours de la région. Grâce à cette placette et en apportant des carcasses de tailles différentes cela a permis à de nouvelles espèces de vautour de revenir sur le territoire.
Bilan économique
Sur sa ferme, Nicolas a très peu de charges annuelles car il n’achète pas de fourrage, n’a pas d’interventions vétérinaires, n’a pas d’interventions d'équarrissage vu qu’il apporte les carcasses de ses animaux sur sa placette à vautour. De plus, il ne consomme seulement 300 L de fuel par an.
Cependant, Nicolas réalise aussi très peu de revenus avec la vente de ses produits. Son objectif de vente est d’environ 10 000 à 15 000 € par an.
La majorité des revenus de sa ferme qui lui permettent de faire vivre sa ferme sont les aides de la PAC pour les ovins. Il reçoit environ 27 000 € d’aides de la PAC par an dont 11 500 pour l’ICHN et le reste pour les primes du paiement vert.
Enjeux et perspectives
Transition dans le contexte local
Il a été très compliqué pour eux de mettre en place l’exploitation car c’est une zone très protégée (inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, Parc des Grands Causses, Natura 2000). Les autorités locales étaient contre Buxor et l’exploitation pour des arguments de “protection de l’environnement”. Or des études ont été menées notamment sur le chargement à l’hectare et n’ont pu montré aucun impact négatif des élevages.
Conseils aux autres agriculteurs
Les conseils de Nicolas sont que “l’autonomie alimentaire est un axe pivot, la base de tout. Il ne faut pas hésiter à tripler les surfaces de rotation pour maximiser les fourrages et les vides sanitaires. Il faut respecter les cycles des saisons pour faire naître et abattre dans les meilleures conditions possibles. Il faut se faire sa place”.
Discussion des pratiques innovantes
Le système d’élevage extensif bio de Nicolas Brahic permet d’avoir un très faible chargement sur les prairies. Cela permet de réduire l’impact sur les sols et de limiter la pollution nitrique, tant crainte par les autorités locales. En effet, bien que sceptiques au départ, elles n’ont pas pu démontrer un impact négatif sur les cours d’eau et la biodiversité locale. Au contraire, les porcs et les ovins permettent de maintenir les espaces ouverts et diversifiés, favorables à la biodiversité.
De plus, la complémentarité de l’alimentation des ovins et des porcs permet de valoriser les divers végétaux sur le parcours. Les porcs, en particulier, sont omnivores et permettent d’entretenir les parcours en dégradant les troncs morts par exemple, où ils trouvent des larves dont ils sont friands. Grâce à ses parcelles, Nicolas pourrait accueillir 3 fois plus d’animaux sur son exploitation. Ce faible chargement lui permet d’être en totale autonomie fourragère sur son exploitation.
Finalement, Nicolas Brahic a choisi de ne pas faire de traitement vétérinaire. Cette démarche lui permet d’avoir une sélection naturelle d’animaux rustiques. Il a observé un atout dans le mixage des troupeaux porcins et ovins. Les porcs permettraient de déparasiter les ovins. Et des périodes de jeûne permettent de déparasiter les porcs eux-mêmes.
La version initiale de cet article a été rédigée par Antoine Bonnet, Marie Folie et Noémie Blanc Simon,