Double culture blé-soja en Agriculture Biologique dans le Gers
Christophe Garroussia est agriculteur à Marciac, dans le Gers, depuis 1990. En Agriculture Biologique depuis 2009, il produit principalement du soja et du blé, et possède un élevage de poulets de chair depuis 2013 (16 000 poulets / an). Christophe Garroussia pratique la double culture depuis 6 ans (2017).
Présentation
- Nom : Christophe Garroussia.
- Localisation : Lieu dit Cassou, Marciac, Gers (32).
- Statut : Agriculteur.
- Exploitation : En nom propre.
- SAU : 125 ha. Surface cultivée : 95 ha (tout est irrigué), le reste en jachères et plantation d’arbres (chênes). Surface en côteaux : 65 ha, surface en plaine : 60 ha.
- UTH : 1,5 : Christophe Garroussia et sa femme qui travaille à mi-temps sur l’atelier poulets.
- Cahier des charges : Agriculture Biologique, conversion en 2009.
- Production : Poulets de chair, soja, blé.
- Cheptel : 16000 poulets sur 2 bandes de 8000 poulets.
- Sol : Boulbènes non battants - Coteaux limono-argileux (sans calcaire).
- Travail du sol : Labour tous les 3 ans.
- pH : 7 à 7.5 (depuis son passage en bio) sinon, 6.5.
- Autre caractéristiques : Irrigation.
- Modes de commercialisation : Le soja est vendu pour l’alimentation humaine ou aux coopératives, vente à des négociateurs privés.
Motivations
Pour Christophe Garroussia, la principale motivation d’instaurer la double culture dans son exploitation était la couverture de ses sols, mais aussi par intérêt économique de celle-ci. Après être passé en Agriculture Biologique en 2009, puis commencé une activité d’élevage de poulets en 2013, l’innovation dans l’exploitation n’était pas particulièrement au cœur des intérêts. Mais la recherche d’une rentabilité accrue afin d’augmenter les revenus de l’exploitation, avec des investissements modérés voire nuls, a poussé l’exploitant à adopter la double culture.
Étapes de mise en place
- Christophe Garroussia a commencé la double culture avec seulement 3-4 ha en 2017, en guise de tests. Suite à des résultats prometteurs, il a souhaité continuer la pratique en augmentant ses surfaces en double culture. Il lui a fallu au total 3 ans pour maîtriser complètement sa mise en place, avec des années 2018 et 2019 moins concluantes, en termes de rendement, qu’attendu en double cultures colza/soja. C’est ainsi qu’il a décidé d’introduire la double culture blé/soja en 2020, et cela n’a pas changé depuis, avec 12 hectares actuellement dédiés à cette technique.
- L’exploitation a été confrontée à quelques difficultés au cours de la mise en œuvre de cette pratique :
- Une infestation de chardons en coteaux. Pour cela, la solution d’introduire des rotations de blé/féverole a rapidement été envisagée, et fût très efficace contre les chardons. Cependant, ces deux productions ne peuvent malheureusement pas être pratiquées en double culture car la féverole n’est mûre que vers le 10 juillet.
- Une autre difficulté a résidé dans le défi temporel entre la récolte de la première culture et le semis de la culture suivante. C’est en effet un timing serré à respecter, pouvant entraîner des bouleversements dans l’organisation de l’exploitation lors des années de mise en place. Par ailleurs, le retrait du colza a été motivé par diverses difficultés rencontrées : ravageurs, maladies. Face à cela, l’exploitant a dû faire preuve d’adaptabilité et de réflexion stratégique afin de trouver des solutions appropriées tout en conservant les objectifs de rentabilité et de durabilité de la ferme.
- Enfin, il y a eu très peu d’investissements pour la double culture. Aucun matériel spécifique n’a été acheté, il a juste fallu que l’exploitant apporte quelques modifications à celui qu’il utilisait déjà.
- Concernant les charges, elles sont plus importantes au niveau des semences et de la récolte en double culture, mais par contre elles sont moins importantes pour la mécanisation. En effet, il y a beaucoup moins de passages pour gérer les adventices en double culture, ce qui réduit la consommation de carburant ainsi que la possibilité de rencontrer des problèmes techniques sur les machines.
Itinéraire technique
- Christophe sème des variétés de soja 00, très précoce, afin d’être sûr de pouvoir récolter avant la date de semis du blé suivant, mais avec des rendements inférieurs (20 quintaux/ha au lieu de 25). En effet, ces variétés précoces, même si récoltées plus tôt, vont avoir un enracinement moins profond, une capacité de photosynthèse réduite, et vont ainsi moins puiser dans les ressources nécessaires pour leur développement. Elles seront donc moins productrices que d’autres variétés.
- A ce jour, il sème en ligne, avec des rangs espacés de 80cm, de manière très dense, mais il souhaite diminuer à 50 cm d’inter rangs pour le soja afin de couvrir plus rapidement le sol pour gérer au mieux les adventices.
- Il laboure le sol tous les 3 ans et toute la paille y est restituée.
- L’exploitant irrigue ses 95 hectares avec un débit de 2000 m3/ha.
Résultats
Christophe Garroussia gagne 10 000€ en plus par an sur l’exploitation, soit 900 €/ha grâce à la double culture. Cela lui permet ainsi d’avoir une marge brute satisfaisante, même si chaque année il essaye d’améliorer ses rendements de soja, qui sont autour de 20 qtx/ha aujourd’hui. Sinon, les rendements en culture simple sont de 5 à 10 quintaux de plus qu’en double culture.
Intérêts et points de vigilance
Intérêts
- La culture suivante est plus robuste et plus développée.
- Meilleure couverture du sol : Meilleure fertilité du sol, réduction de l’érosion.
- Vie souterraine plus dynamique.
- Meilleure gestion des adventices (quand la rotation est bien gérée).
- Augmentation des revenus de l’exploitation.
- Pas d’investissement particulier nécessaire.
Points de vigilance
- Irrigation : Gestion de l’eau, être bien équipé.
- Temps de travail plus condensé sur une période (aux alentours de juin).
- Être très rigoureux.
Conseils
Christophe Garroussia conseille de semer la deuxième culture au maximum 3 jours après la moisson de la première. Selon lui, il faut aussi avoir un semis dense avec un inter rangs assez léger, c'est-à-dire inférieur à 80cm. Pour se lancer dans cette pratique, il affirme qu’il faut vraiment se rendre compte de la condensation du temps de travail qu’elle nécessite lors de la période de moisson (juin).
Perspectives
En termes d’avenir proche, l’exploitant voudrait réduire sa production de soja, car il trouve qu’il y en a beaucoup dans sa ferme et il craint l’apparition d’une maladie difficilement gérable en Agriculture Biologique. Il souhaite ainsi d’autres cultures afin de rendre son système de rotation plus pérenne. Il aurait aimé réintroduire la production de maïs, mais malheureusement elle n’est pas du tout rémunératrice en AB.
Christophe souhaite poursuivre cette pratique de double culture dans son exploitation, et tendra à chercher un repreneur prêt à s’impliquer pleinement dans les mêmes initiatives agricoles que lui.
Sources
Interview de Christophe Garroussia réalisée le 14/11/2023 par un groupe de 6 étudiants ingénieurs agronomes de l'ENSAT. La rédaction de cette page, les photos ainsi que la réalisation du schéma d'illustration sont à leur crédit.
La version initiale de cet article a été rédigée par Jérémy Caumel, Océane Legendre, Amelie Leon, Clara Perissé, Nicolas Piette et Simon Pruchon.
Annexes