Déprimage de céréales par des bovins
Le déprimage est l’action de faire pâturer les céréales au stade tallage par des animaux. Il s’effectue communément par des ovins sur des céréales en pur, mais Bruno Vaillant fait des essais avec des génisses et sur des méteils. Le résultat paraît satisfaisant aussi bien pour la culture que pour le troupeau !
Contexte de l'exploitation
- Nom de l’agriculteur : Bruno Vaillant.
- Nom de l’exploitation : Bruno Vaillant.
- Département : Haute-Vienne (87).
- SAU : 85 ha.
- UTH : 1.
- Élevage : 57 vaches limousines.
- Cultures remarquables : Céréales, méteils, cultures fourragères, maïs.
- Irrigation : Non.
- Types de sols : Sablo-limoneux.
- Travail du sol : Labour occasionnel, déchaumage, herse combinée au semoir, binage (pour sol et adventices!).
- Succession de cultures : Prairie (5-6 ans) > maïs > méteil ou triticale ou épeautre ou seigle > méteil.
- Ferme en zone AAC : Non.
- Autres éléments de contexte : 10aine d’ha de cultures, ferme en conversion AB.
- La pratique au sein du système de culture : Bruno fait déprimer toutes ses céréales à paille et les méteils.
Origine de la pratique et cheminement de l’agriculteur
Bruno a découvert cette technique lors d’une journée d’échange sur le déprimage des céréales en 2019. Il a fait un 1er essai quelques jours plus tard avec des génisses sur du méteil enrubannage. Résultats : une bonne récolte et pas d’oïdium sur les pois, comparé à la parcelle d’à côté qui n’avait pas été déprimée ! Convaincu, il a refait un essai l’année suivante, cette fois sur toutes ses céréales cultivées. Désormais, il compte pérenniser cette technique sur l’exploitation.
La technique
Objectifs
- Mieux faire taller les céréales.
- Nourrir le troupeau en transition entre l’hivernage et les premiers tours de pâturage.
- Rappuyer le sol.
- Réduire la pression des bio-agresseurs par le pâturage des adventices et des feuilles de céréales malades.
Date de début de mise en œuvre 2019.
Culture cible : Céréales, méteils
Bioagresseurs : Maladies, adventices
Attentes de l'agriculteur
« Moi je fais déprimer pour faire taller, enlever la battance au printemps, enlever les adventices et les feuilles jaunes malades car les vaches les mangent. Ça me permet aussi de réguler la densité de la culture dans les bouts de parcelle qui ont été sursemés. Grâce à ça, mon lot de génisses est nourrit pendant 15 jours. Et ça remplace le roulage au printemps, avec une méthode simple et sans fioul. »
Mise en œuvre et conditions de réussite
Choix des animaux
- En bovin on prendra des animaux légers comme les génisses. En ovin on peut prendre tous types d’animaux.
- Le chargement instantané doit être faible : jusqu’à maximum 10 UGB/ha. En 2019, Bruno a fait pâturer 7 génisses Limousines de 18 mois dans un champs de 0,5 ha, avec une prairie de stationnement à côté pour la nuit.
Choix des parcelles
Cette pratique est plus répandue dans les champs de céréales en pur, cependant Bruno fait aussi pâturer ses méteils « enrubannage » (pois, féverole, seigle, triticale, épeautre). Il ne trouve pas que les légumineuses régressent après déprimage. Au contraire, il trouve les pois plus vigoureux. Dans tous les cas, le sol doit être portant!
Date de déprimage
Tout dépend de la maturité de la céréale. Le stade à privilégier est le début de tallage, quand l’épi n’est pas trop haut (épi 1 cm). Bruno a fait déprimer toutes ses céréales/méteils dans les 15 derniers jours de février cette année (2021)!
Avantages et limites de la technique
Avantages
- Améliore le tallage des céréales et la densité de la culture.
- Permet de rappuyer le sol en fin d’hiver.
- Permet de réduire la pression des bioagresseurs : en supprimant les feuilles malades des céréales, en prélevant les adventices.
- Apporte de la fertilisation (via le pâturage).
- Ressource fourragère pour le troupeau.
- Remplace un ou plusieurs passages d’outils potentiels.
Limites
- Nécessité d’avoir un sol portant et d’être réactif.
- Retarde la récolte de la céréale d’environ 1 semaine.
- Les brebis trient plus les espèces à pâturer que les bovins, ce qui peut faire une pression différente sur les plantes de la parcelle.
- Ressource fourragère limitée pour le troupeau.
Améliorations ou autres usages envisagés
Le groupe s’est posé la question de reproduire cette action du déprimage par des outils, quand on n’a pas d’animaux. Une idée était d’utiliser une faucheuse ou des rouleaux type Croskill. A suivre...
Témoignages d'agriculteurs
- Bruno Vaillant : « Ça fait 2 ans que j’essaie le déprimage des céréales, cette année encore on m’a questionné, mes voisins m’ont appelé pour me dire que mes vaches étaient sorties dans mes céréales et m’ont demandé si je comptais les récolter..! Personnellement, je suis très content de cette technique, et je recommencerai l’année prochaine ! »
- Élie, un habitué du déprimage : « Moi je le fais tous les ans, je mets 100 brebis sur 1 ha pendant 1 jour. C’est difficile de dire si ça améliore vraiment le rendement des céréales, mais moi ça me permet de faire la jonction entre l’hivernage et mon 1er tour de pâturage. Par contre je ne sais pas si c’est bon de faire décaler la date de maturité, car ces dernières années on est en pleine sécheresse quand le blé est au stade remplissage du grain... »
- Gaspard, qui a testé une seule fois cette pratique : « Moi j’avais fait pâturer mes brebis sur un blé où il y avait pas mal de ray-grass qui ressortait. Le problème c’est que les brebis ont préféré manger mon blé plutôt que le ray-grass, celui-ci a ensuite pris le dessus. Je pense que si on a des problèmes de ray-grass sur une parcelle, il faudrait la faire déprimer tôt, sinon ça peut le favoriser car il a une croissance rapide. »
Les conseils de l'agriculteur
« Il faut être opportuniste et réactif sur le moment pour faire pâturer les céréales. Selon la portance du sol, on peut déclencher le déprimage du jour au lendemain, en laissant pas trop longtemps les animaux sur les parcelles pour ne pas les abîmer ! »
La pratique au sein de la stratégie de l'agriculteur
Résultats attendus
- Cette rotation contribue à l’autonomie fourragère de l’exploitation. Les céréales à paille en pur fournissent les semences pour les méteils, destinés au troupeau. Avec ce système et la gestion du pâturage tournant sur les prairies, la ferme est autonome et n’achète pas d’aliments extérieurs.
- Rendements céréales : autour des 35 quintaux/ha + 4-4,5 T/ha de paille.
- Temps gagné sur la rotation et les travaux en semant la prairie dans le méteil.
Indicateurs de résultat
Commentaires de l’agriculteur | Niveau de
satisfaction/ performance |
Commentaires de l’agriculteur |
Maîtrise des adventices | +/- | Les adventices peuvent repartir
plus vite si on pâture une céréale sale? |
Maîtrise des ravageurs | + | Le passage des bovins peut déranger
rats taupiers, limaces... |
Maîtrise des
maladies |
+ | Permet d’enlever les feuilles malades |
IFT de la(les) culture(s)
concernée(s) |
+ | Oblige à faire 0 traitement fongicide
car passage des animaux |
IFT du système de culture | + | Idem |
Rendement | + | Pas de perte de rendement |
Temps de travail dans la parcelle | + | Prévoir de clôturer la parcelle en amont |
Temps d’observation | +/- | Être réactif et opportuniste |
Charges de mécanisation | +/- | Pas de fioul car pas de
tracteur mobilisé |
Marge semi-nette du système | + | Moins d’intrants et
constitue un apport de fourrage au troupeau |
Prise de risque | +/- | Il faut trouver les bonnes
conditions pour le sol surtout |
Niveau de satisfaction de l’agriculteur : + = Satisfait / +/- = Moyennement satisfait / - = Non satisfait .
Ce que retient l'agriculteur
« Il y a encore beaucoup de choses à vérifier dans les prochaines années avant de valider cette technique. Pour moi ça permet une meilleure minéralisation car le passage des animaux casse la croûte de battance, ainsi qu’une meilleure fertilisation en alimentant le troupeau, et ça permet de couper les adventices et feuilles jaunes des céréales, tout en les boostant. »
L'avis de l'ingénieur réseau DEPHY
« C’est une pratique ancienne en Limousin, mais qui s’est perdue donc on se la réapproprie en faisant des essais.
Comme dit Bruno et le groupe, il faut être opportuniste, si la portance du sol le permet il faut y aller. Mettre une parcelle de « stationnement » à côté est un moyen de sécuriser la « prise de risque ».
L’appui du groupe reste important pour échanger avec d’autres sur la faisabilité, selon le contexte de chacun. En tout cas, c’est une technique simple dans la mise en pratique, à la portée de nombreux agriculteurs en polyculture- élevage ! »
Laure CROVA Fédération des CIVAM en Limousin laure.crova@civam.org
Pour aller plus loin
- Comptes-rendus et suivi d’essais sur le déprimage par le groupe cultures de la Fédération des CIVAM en Limousin
- Groupe Facebook d’échange sur le déprimage des céréales et couverts végétaux par les ovins : Ovins des plaines, pâturage des couverts et des céréales.
Si cet article vous a plu, n'oubliez pas de l'applaudir en cliquant ci-dessous. Pour rester informé des évolutions qui lui seront apportées, cliquez sur "Suivre". Et si vous voulez partager votre expérience avec la communauté autour de ce sujet, cliquez sur "Je le fais".
Sources
Annexes