Glyphosate : rémanence et points d'attention en semis direct

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher
Pulvérisation de glyphosate avant semis

Le glyphosate, souvent décrit comme peu persistant, peut en réalité s’accumuler dans le sol selon le type de sol, le climat, et la gestion agricole. En semis direct (SD), sa dégradation est plus lente en raison de la matière organique en surface notamment. Après le traitement, les molécules peuvent être relargué par les racines des plantes encore vivantes, affectant les cultures suivantes. Le glyphosate est alors réabsorbé, nuisant à la croissance racinaire et à la nutrition des plantes. Pour limiter ces effets, un délai avant semis et un léger travail du sol sont recommandés.

Une persistance dans le sol

Bien que le glyphosate soit fréquemment décrit comme "non rémanent" ou ayant une "activité résiduelle minimale" dans le sol, la réalité de sa persistance est plus complexe et varie considérablement en fonction de divers facteurs pédoclimatiques et de gestion du sol. C’est une simplification qui nécessite d'être nuancée.

Plusieurs facteurs influencent cette persistance :

  • Type de sol et teneur en matière organique : Les sols riches en argile et en carbone organique ont tendance à présenter une adsorption plus forte du glyphosate, ce qui peut ralentir sa dégradation.
  • Conditions climatiques : Des conditions plus chaudes et plus sèches peuvent accélérer la dégradation du glyphosate dans le sol, tandis que des températures plus fraîches et une humidité élevée peuvent la ralentir.  
  • Activité microbienne : La dégradation microbienne étant la principale voie de dissipation, la santé et l'activité des communautés microbiennes du sol sont des facteurs critiques.

Dynamique de dégradation dans le sol

  • Le glyphosate a une forte affinité avec les particules du sol.
  • Il s’adsorbe fortement aux oxydes de fer et d’aluminium (minéraux à charge variable).
  • Sous forme liée, il devient quasi biologiquement inactif et sa mobilité est très réduite.
  • Sa dégradation principale est microbienne, produisant l’AMPA (acide aminométhylphosphonique).

Glyphosate : Semis direct (SD) vs Labour (CT)

Recherche du glyphosate 6 mois après le traitement[1]

Une étude Italienne de l’université de Padova a montré une persistance plus importante du glyphosate dans le système en semis direct. Une accumulation dans l’horizon de surface est observée de manière générale mais elle est plus prononcée en SD.

Comparaison de gestion du sol sur la rémanence du glyphosate

Comme vu précédemment, moins le sol est travaillé, plus il y a d’accumulation de glyphosate notamment en surface du sol. La matière active concentrée dans l’horizon superficiel à un impact systématiquement plus important sur les pertes de pieds des cultures en condition de  SD par rapport à un sol travaillé et ce peu importe la formulation commerciale et le délai d'application avant semis.

Perte de densité des cultures en fonction de la date d'application du glyphosate[2]

Cependant, on remarque que c’est le temps entre le traitement et le semis qui influence majoritairement les dommages du glyphosate sur la culture.

Pourquoi le glyphosate persiste davantage en SD ?

  1. Plus de matière organique (MO) en surface ➜ le glyphosate s’y lie et se dégrade peu.
  2. Sol plus compacté (pendant la phase de transition SD) ➜ activité microbienne réduite.
  3. Présence de végétation vivante au moment de l’application ➜ relargage secondaire par les racines.
Evolution de la persistance des herbicides dans les sols en semis direct [3]

Le relargage du glyphosate

  • Le glyphosate est transloqué puis accumulé dans les racines.
  • Il est ensuite libéré dans la rhizosphère :
    • Par la décomposition des résidus de plantes traitées
    • Par exsudation des racines de plantes vivantes, y compris OGM tolérant au glyphosate
Le glyphosate est très mobile dans le phloème

La contamination du sol par les exsudations est souvent négligée, indépendante du ruissellement ou de la dérive de pulvérisation.[4]

Cas du semis direct

  • Favorise l’émergence de résistances chez les adventices.
  • Favorise l’implantation des adventices notamment pérennes :
    • Plus coriaces, elles nécessitent des doses létales d’herbicides plus élevées,
    • Elles détoxifient et relarguent le glyphosate plus longtemps,
    • Elles survivent plus longtemps que les espèces des systèmes en travail du sol, généralement moins bien enracinées. Le glyphosate persiste ainsi plus longtemps dans le sol, prolongeant sa présence et ses effets.

La réabsorption du glyphosate

Une fois que le glyphosate est dans le sol, il peut être réabsorbé par les racines des plantes, qu'il s'agisse de cultures ciblées ou non ciblées.

Tournesol ayant reçu du glyphosate par les racines du soja traité[5]

Cas du semis direct

Plus de 50 % des racines de blé dans les sols non travaillés empruntent les mêmes voies que les racines du précédent cultural. Cela augmente le risque de dommages causés par le glyphosate en raison de la contamination par contact (réabsorption) avec les racines des adventices traitées au glyphosate qui auraient relargué dans le milieu des molécules actives lors de la détoxification.

Effet sur la culture en suivante

  • Impact sur la croissance racinaire : Lorsque le glyphosate est réabsorbé, il peut inhiber l'élongation des racines, la formation de racines latérales et la production de biomasse racinaire
  • Interaction avec la nutrition des plantes : Le glyphosate est un chélateur de cations métalliques divalents et peut réduire l'absorption et la translocation de nutriments dans les cultures. Il forme des complexes chélatés peu solubles avec des micronutriments essentiels comme le manganèse (Mn), le fer (Fe), le zinc (Zn) et le bore (B), ce qui entrave leur absorption par les racines. Cette interaction peut avoir des conséquences sur la santé des cultures, notamment leur résistance aux maladies

Retour terrain

On se trouve ici sur une parcelle de blé semé à l’automne 2022. Un  glyphosate (2l) a été réalisé en post semis.

Crédit photo : Martin Rollet

Observation : Dans les zones où il y a absence de matière végétale en décomposition, la levée est correcte et régulière. À contrario, dans les zones où il y a eu des plantes vivantes mais détruites au glyphosate, la levée est éparse et insuffisante (encadré en rouge).

Interprétation : On assiste très probablement au phénomène de relargage par les racines des adventices qui ont détoxifié la molécule active avant de mourir. L’action du glyphosate est donc différée dans le temps et la culture en pâtit.





Conclusion

Facteurs de risque de rémanence du glyphosate en semis-direct
Baisse la rémanence Augmente la rémanence
Pulvérisation 10j avant le semis Pulvérisation peu avant ou après le semis
Sol sec Sol humide
Fort taux de MO Faible taux de MO
Faible dose de glyphosate Forte dose de glyphosate
Fort taux d'argile Sol léger
Faible couverture végétale Couvert végétal important

Lorsqu’un traitement au glyphosate est réalisé, il est recommandé de respecter un délai suffisant avant le semis, d’environ 10 jours (selon les recommandations propres aux formulations commerciales), en particulier en présence d’une couverture végétale dense et en l’absence de travail du sol, celui-ci pouvant accélérer la destruction des adventices et limiter le relargage.

Si une accumulation de long terme du glyphosate en semis direct pénalise les levées et les rendements, un léger travail de surface (type déchaumage superficiel) peut permettre de remédier à ce problème.

Sources

Cet article a été rédigé par Jasmin Razongles, étudiant ingénieur agronome en alternance au Centre National d'Agroécologie.

  1. Dynamics of Glyphosate and Aminomethylphosphonic Acid in Soil Under Conventional and Conservation Tillage - Laura Carretta, Alessandra Cardinali, Andrea Onofri, Roberta Masin & Giuseppe Zanin - 2021 - https://link.springer.com/article/10.1007/s41742-021-00369-3#Fig4
  2. Evidence for glyphosate damage of winter wheat depending on waiting-times after precrop glyphosate application and density of desiccated weed plants under field and experimental conditions - Bott, Sebastian Lebender, Ulrike Yoon, Duck-Joong - 2009 -https://escholarship.org/content/qt25v599pr/qt25v599pr.pdf
  3. Dynamics of Glyphosate and Aminomethylphosphonic Acid in Soil Under Conventional and Conservation Tillage - Laura Carretta, Alessandra Cardinali, Andrea Onofri, Roberta Masin & Giuseppe Zanin - 2021 - https://link.springer.com/article/10.1007/s41742-021-00369-3
  4. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC6918143/
  5. Watt et al., 2006, Ann. Bot. 97, 839-855