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Ferme de Merval

De Triple Performance
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Système autonome économe en élevage laitier
Gilles Colombet
Ver de Terre Production Seine-Maritime (département) Polyculture-élevage

Portrait Gilles Colombet.pngBannière Ferme de Merval.jpg

© Catherine Hennebert (Enseigner à produire et à transformer autrement dans l'Union agricole, 2016). Normandes pâturant au lycée agricole de Merval.

Une ferme rentable en tout herbe

Sur 120 ha (prairies, méteil, pré vergers) dont 12 ha de vergers, la ferme du lycée agricole de Brémontier-Merval a, en une dizaine d'années, opéré une réorientation totale de son système de production.

Transition facilitée par un parcellaire très accessible autour du cheptel, la ferme partie d'un système intensif basé sur du maïs ensilage/enrubanné pour arriver à un système herbager avec 210 j de pâturage, complémenté par à peine 85-100kg /an /vache de concentrés. Les vaches produisent moins, mais le fromage est vendu à sa juste valeur, permettant à la ferme de sortir un EBE qui leur convient, payer correctement leurs salariés, et de réaliser des investissements futurs.

Enfin, en tant que ferme de lycée agricole le volet pédagogique infuse dans toutes leurs actions, dans ce sens l'équipe de la ferme souhaite transformer le référentiel pédagogique et enseigner aux élèves à produire et transformer autrement, dans un contexte où d'ici 2025, leurs exploitations devront être converties au bio.

Spécificités du système

  • Système tout herbe "autonome économe" sans concentrés.
  • Une ferme de lycée agricole qui s'auto-finance spécialisée dans un système pâturant. : charges opérationnelles et de structure (ce qui inclut 10 salariés) intégralement payés par les fruits de l'activité de la ferme (en dehors du chef d'exploitation qui est fonctionnaire, donc payé par l'Etat). Tout est donc payé comme une ferme classique.
  • Produits à haute valeur ajoutée (fromage, cidre, calvados AOP ).

Une transition sur 10 ans

  • La ferme date de 1989 (quota de 400 000 litres de lait).
  • Années 1990-95  : formatés sur un système intensif avec 50 % d'ensilage (production d'environ 7 000 L de lait).
  • 2008 :
    • Projet de séchage en grange qui représentait un grand investissement et qui pendant longtemps a empêché l'évolution et bloqué l'investissements dans d'autres projets. Ce projet ne s'est finalement pas réalisé.
    • Volonté d'articuler un système intensif avec l'herbe "Avec deux rations complètement différentes : une ration qui était davantage basée sur le maïs et en été on était sur l'herbe et cela avait des conséquences quand même importantes au niveau zootechniques, on sait que la vache laitière a horreur du changement d'alimentation" explique Roland, ancien responsable élevage à la ferme de Merval.
    • Troupeau qui était très calé sur la fromagerie. C'est à dire que l'objectif était de ne pas descendre à moins de 1200 litres.
    • Problèmes de reproduction malgré une bonne conduite du troupeau (taux de réussite entre 30-50% et environ 2 lactations par vache).
  • 2015 : Début de la conversion en AB (Agriculture Biologique).
  • 2017-2023 : Arrivée de Bertrand Cailly qui prend la relève en tant que chef d'exploitation du lycée agricole de Merval, ayant pour double mission la transition agroécologique et la rentabilité de la ferme. Bertrand exprime lors de l'enregistrement du poscast Cambium : "C'est pour ça qu'on m'a dit qu'on m'a confié ce poste là bas. C'était vraiment pour réorienter complètement la ferme, notamment d'un point de vue agroécologique, mais surtout d'un point de vue économique, pour dégager des marges. Alors des marges dans tous les sens du terme marges économiques, marges en autonomie décisionnelle, marges pour développer des choses. Et donc on a fait des choix assez tranchés de concilier réduction drastique des charges opérationnelles (aussi bien sur l'élevage que sur les pommes), conjugué à une politique qui va plus loin que le cahiers des charges des AOP".

Système actuel

"Notre système n'est pas bon ou mauvais. Il est adapté à des ressources et des contraintes que l'on a et à des objectifs qu'on s'est fixés." exprime Gilles Collombet.


Autres surfaces :

  • 10 ha de bois entretenus.
  • Cette année il y a un essai de semis sous couvert pour le méteil : le méteil est semé avant la prairie avec pour objectif de moissonner le méteil et gagner du temps sur le pâturage (au lieu de moissonner le méteil et ressemer la prairie derrière).


Objectifs :

  • Réorienter le système pour maximiser le pâturage et donner davantage d'accessibilité à des parcelles, même un peu éloignées.
  • Amoindrir les coûts de production et augmenter les marges en transformation fromagère et cidricole.

Du lait aux fromages : Synergies entre gestion des cultures et fromagerie

Parcellaire

Carte parcellaire ferme du lycée agricole de Merval © Domaine de Merval.

Il y a 110 ha accessibles et 10 ha non accessibles à 2-5 km. Ces derniers sont réservés aux lots non productifs.

Le troupeau

Troupeau de normandes ©Ver de Terre Production.

Contexte général

  • Passage de 85 vaches à 115.
  • 150 UGB.
  • Reproduction : 100% monte naturelle (80% de réussite).
  • Vêlages étalés pour la production fromagère.
  • Taux de renouvellement : 28%.
  • Pâturage tournant (une 60aine de paddocks, points d'eau et 3,5 km de chemins stabilisés).
  • Pâturage 9 mois / 12 .
  • Stabulation libre, plus de logettes aires paillées.
  • Vaches nourrisses mises en place il y a deux ans : Toutes les génisses de renouvellement sont mises sous vaches nourrisses (même logique d'économies de charges et permet d'avoir GMQ assez élevés.


Santé du troupeau

  • 15/20 mammites / an ("De manière générale, sur les pathologies, le système herbagers économe est quand même beaucoup plus serein au quotidien pour les éleveurs" expriment Romain et Emilien, les responsables de l'atelier lait).
  • Coûts vétérinaires 2 000-4 000 € pour 115 vaches (entre 17-34€/VL), moins de 10 € pour 1000 L .
  • Veaux mâles vendus à 15j-3 semaines.

Investissements dans la transition de système

500 à 700€ / ha :

  • Points d’eau (70 sur 110 ha) et tuyaux.
  • Chemins en macadam, béton ou copeaux de bois (3,5 km de chemins stabilisés).
  • Clôtures électriques en fils lisses.
  • Quad.


Le cheptel en marche vers la traite ©Ver de Terre Production.

Techniques de pâturage

  • Pâturage tournant dynamique  : Paddocks d'environ 1ha, changement à chaque traite.
  • Sortie au pâturage : 15 février sur les parcelles à forte biomasse.
  • Premier tour de pâturage pour les 100 laitières : 1,5 ha /j (600 kg MS = ⅓ de la ration).
  • Temps de séjour : 6h à 12h (nouvelle parcelle à chaque traite).
  • Temps de retour : de 15-25 j (printemps) à 80 j (été ) : 80-120kg de MS.
  • Consommation de 50% de la biomasse de la parcelle, peu importe la hauteur de l’herbe.
  • Chargement instantané élevé (200 UGB/ha).
  • Paddocks généralement homogènes.
  • Sur prairie permanente : lot "esclave" (vaches taries, taureaux au repos) qui passe après les laitières ce qui amène à une allongement du temps de présence.
  • Pratique du "topping" (fauche de pré-pâturage) : "au lieu de gérer les refus après le passage du premier lot on les gère avant" expliquent les éleveurs. Ils fauchent l’herbe et font pâturer les andains par les animaux (le soir pour la veille) ce qui permet de gérer le chardon et les rumex. Cela entraîne cependant un peu de mécanisation… c’est pour cette raison que, toujours dans une logique de réduction des charges, cette pratique est réservée aux prairies hétérogènes ou à des parcelles très "rincées".
  • Vaches nourrices : Changement de parcelle tous les 3 jours.

Evolution de la ration du troupeau

Ancien système (1990 - 2015)

  • Ration hiver : Maïs ensilage + enrubanné (40 000€ d’achat d’aliment/an).
  • 100% pâturage 6 mois/an, chargement : 30 ares / vache au printemps et 55 ares / vache en été.
  • Evolution AOP : 50% ensilage → baisse de production de 1500L.
  • Prix du Neufchâtel très bas.
  • Santé du troupeau : Problèmes de reproduction. Rolland, ancien responsable élevage explique qu'"il y avait des animaux qui faisaient deux lactations, voire un petit peu plus. C'est tout. Malgré le fait qu'on les conduisait bien, le fait de faire des transitions de manière importante avait un impact très négatif".

Aujourd’hui

  • Alimentation quasi exclusivement basée sur du pâturage.
  • Concentré : 85-100kg/vache/an.
  • Coût alimentaire 2020 : 31 € / 1000 L (Comprend : concentrés, minéraux et fourrages).
  • Objectif : Chargement instantané le plus élevé possible (200 UGB/ha).
  • Chargement : 1 vache / ha.
  • 15 à 20 j de retour au printemps.
  • 80 j en été.


Autonomie alimentaire : "En théorie, on part de la surface pour savoir ce qu'on peut produire en termes de produit, de fromage. Nous, paradoxalement, on est pas encore autonomes au fourrage, donc on achète l'équivalent de neuf hectares d'herbe sur pied, de luzerne et l'équivalent de 3 à 4 hectares d'enrubanné à l'extérieur." explique Gilles, chef d'exploitation.

Les prés vergers

"L'arbre à Merval est vraiment au cœur du système. C'est ce qui nous a conduit un petit peu vers ce projet un peu plus global et complexe, mais sans oublier que finalement, on n'a rien inventé. " exprime Bertrand Cailly au micro du podcast Cambium.

Vergers haute-tige

Vergers haute tige ©Ver de Terre Production.
©Ver de Terre Production.

Les vergers haute-tige on été implantés dans les années 80 et ont toujours été pâturés.

L'équipe de la ferme souligne qu'un des paramètres les plus importants à prendre en compte quand on associe des animaux avec des vergers, notamment des pommes, est la protection des arbres face aux animaux.

Ces vergers ont été implantés en douze par douze, Bertrand Cailly estime "qu'on ne valorise pas forcément tout, notamment le soleil à prendre au niveau des houppiers" et que la "mécanisation y est compliquée".

Vergers "basse tige"

Ces vergers basse tige n'ont pas à l'origine été pensés pour le pâturage et sont difficilement compatibles avec cette pratique.

En effet, ces vergers basse tige ont commencé par être pâturés par des vaches laitières, et avaient tendance à devenir plutôt des demi tige par la "taille zootechnique" et donc à être moins productifs. Des plus petits gabarits comme les génisses/veaux leurs sont plus adaptés.

Vergers demi tige ©Ver de Terre Production.
©Ver de Terre Production.


Les salariés ont néanmoins accepté la perte de rendement rattachée au pâturage de cet espace. En effet, il se trouve que la valeur ajoutée globale créée ramenée à la surface, était bien plus importante dans les surfaces seulement arborées ou seulement pâturées où prairie et arbres étaient séparés.

"Parce que si vous cumulez les pommes qui sont produites dans ce verger basse tige, l'herbe que vous n'avez pas broyée, le lait que vous avez produit sur cette surface, qui a été transformé en fromage, finalement, la valeur ajoutée à l'hectare dans un verger basse tige pâturé par des vaches laitières pour produire du fromage, est relativement rentable puisque même en prenant en compte la légère baisse de productivité du verger, sachant qu'il y a de l'alternance, c'est à dire que l'année où c'était chargé en pommes, on était plus vigilant à partir de la mi juillet/début août pour reprendre après la récolte. C'est à dire qu'on mettait soit des petites génisses de moins d'un an ou des petits veaux de deux ou trois semaines" développe Bertrand Cailly au micro du podcast Cambium.

Les années où il y a moins de pommes l'équipe de la ferme fait pâturer exclusivement avec des vaches laitières. Espacement basses tiges :  5,5 m - 6 m, plantés tous les 2,5 m.

17 ha plantés en 2020

Cette jeune parcelle en "agro-arbo-api-foresterie" est symbolique de l'approche globale et de l'interconnexion des ateliers dans la ferme. On y retrouve un peu de toutes les productions (miel, pomme et ses produits dérivés, fromage et lait) et se trouve sur des parcelles anciennement en grandes cultures (essentiellement maïs, blé, maïs sur maïs) .

"Donc on s'est dit que quitte à replanter des arbres, autant les mettre à notre disposition pour gérer aussi le pâturage tournant cloisonné. Les panneaux et donc les alignements d'arbres qu'on a effectué nous servaientt et à gérer les panneaux." explique Bertrand Cailly au micro du podcast Cambium.

Schéma  de la parcelle en agroforesterie plantée en 2020. Les points bleus représentent les points d'eau, les lignes jaunes, bleues, oranges, vertes et violettes, les différents blocs de pommiers en fonction des variétés et les lignes rouges les bandes mellifères.
Photo de la nouvelle parcelle en agroforesterie 2020 ©Ver de Terre Production.
©Ver de Terre Production.


Mise en place

  • Aide d'un géomètre pour les perpendiculaires dans les parcelles, ce qui a amené un confort de travail à la plantation.
  • Plantation en décembre suivie de pluies.
  • Fosses importantes pour que les racines puissent tracer et faire face à la concurrence en eau de la prairie.
  • Ces parcelles ont été rendues accessibles en créant des chemins et en amenant des points d'eau au milieu de chaque bloc de pommier (pour qu'il n'y ait pas de courant électrique proche des points d'eau et que les déplacements soient facilités).
Point d'eau ©Ver de Terre Production.
©Ver de Terre Production.


  • Mise en place de clôtures électriques fixes en high tensil et de piquets en T ajustables (bien plus confortable pour l'entretien que des piquets de chaque côté). Le tuteur est mis proche du pommier et ensuite percé perpendiculairement pour passer un piquet fibre et donc mettre des isolateurs de chaque côté du piquet de fibre. Réglable en largeur facilitant le pâturage des animaux quasiment jusqu'au pied de l'arbre, sans intervention mécanique.
Piquets en T ©Ver de Terre Production.
©Ver de Terre Production.
  • Blocs de pommiers haute-tiges (80% variétés locales anciennes présentes au verger conservatoire sur Merval, greffés) de même précocité et goût similaire (arbres espacés de 10 m en quinconce). Greffés par pépiniériste = 28€ hors taxes.
  • Les clôtures électriques sont enterrées avec des gaines au niveau des fourrières pour ne pas avoir à les démonter et permettant une meilleure gestion du pâturage.
  • Bandes de 40 m labourables.
  • 80 m entre deux blocs de pommiers.
  • Lignes d’arbres mellifères avec floraison étalée.

Objectifs

  • Pâturage priorisé par rapport à la fauche mais mécanisation possible (faneuse 6 m et faucheuse 9m) : permet de gérer en un passage. Demande cependant plus d'attention lors des passages de par la proximité des clôtures. Faucheuse minimum 1 fois par an pour gérer les vivaces.
  • Paddocks facilement modulables pour le pâturage.
  • Externalités positives de l’arbre.
  • Protection de l’abeille noire (présence d'une miellerie collective aussi sur le lycée avec deux apiculteurs).
  • Floraisons étalées sur l'année pour fournir du nectar aux pollinisateurs de février à décembre (le pommier fleuri ne fournit pas assez de nectar) et alimenter les 15 ruches présentes sur la ferme.
  • 12-24 h de pâturage.

Coûts d'installation

  • 30 €/pied (d'où l'importance d'investir dans la protection des arbres).
  • 765 €/ha de plants fruitiers et essences mellifères (2000-13000€ de plants pour 17 ha).
  • Pour 15 km de clôtures/tuteurs.
  • Au final, il y a eu 98% de réussite : sur 650 arbres plantés, 10 seulement ont été remplacés.

Avantages du pré verger

"En Normandie, il y a de la sécheresse, pas comme dans le Sud, mais il y a des périodes un peu chaudes et sous les arbres on gagnait 8 à 10 degrés par rapport à une température en plein soleil." explique François, un des plus anciens membres de l'équipe.

  • Ombrage pour les vaches.
  • Résilience par rapport à la sècheresse (micro-climat créé au pied des arbres).
  • Lutte contre l'érosion du sol.
  • Stockage de carbone.
  • Ressources mellifères pour les abeilles.
  • Gîte pour la biodiversité.

Contraintes

  • Concurrence en besoin de surfaces pendant l'été : "Juillet-août est la période où on a besoin de beaucoup de surfaces en herbe pour tourner plus lentement et respecter les temps de repousse de l'herbe, c'est aussi la période où les temps de repos sont les plus longs." expriment Emilien et Romain, responsables de l'atelier lait.

Interactions entre le volet forestier et les autres ateliers

"A la ferme de Merval, on fait en sorte de rester dans une économie circulaire : le déchet d'un atelier est réutilisé par un autre." expliquent les membres de l'équipe. Par exemple :

  • Lactosérum de la fromagerie est utilisé en biocontrôle sur les pommiers.
  • Bois taillé des vergers ou des haies mis en plaquettes est utilisé en en litière pour les animaux l'hiver, cette litière enrichie en mulch (bois plaquettes/paille/excréments compostés) a été distribuée avec un godet désileur au pied de chaque arbre pour limiter l'évapotranspiration, l'enherbement et la faim d'azote pour l'arbre qui peut survenir avec du paillage/bâche. Cela a été efficace pour un an, donc l'équipe en remet 1 fois par an en sortie hiver (30/40 cm d'épaisseur car vite digérée par la faune). Cela crée une sorte de "structure de sol de forêt" au pied de l'arbre.

La fromagerie

Neufchâtel en cours de fabrication ©Ver de Terre Production.
Etapes de fabrication.
Moulage ©Ver de Terre Production.
Egouttage ©Ver de Terre Production.
Mélangeur fromage ©Ver de Terre Production.

Etapes de transformation

  • Pas de réchauffage du lait (qui doit rester à 30°C).
  • Lactoduc.
  • Ensemencement ferments et présure dans le lait.
  • Caillage 24h.
  • Soutirage du tank.
  • Egouttage (6h minimum).
  • Pressage.
  • Moulage à la main le lendemain (ajout de 6% de sel de Camargue pour 50 kg de pâte).
  • Mise sur des grilles.
  • Emballage 10-14 j plus tard.

Impact du système tout herbe en fromagerie

  • Régularité de la transformation sur l’année (transition alimentaire plus douce pour les vaches comparé au système plus conventionnel où les rations d'hiver sont très différentes des rations au printemps/été).
  • Variations plus petites mais quotidiennes (changement de parcelle).
  • Qualité gustative (moins d’acidité, douceur).
  • Davantage de lien avec les éleveurs.

Conserver le savoir faire

"Au niveau de la qualité du produit, on a fait des choix de continuer à mouler à la main le fromage, de continuer à travailler en petits fût de chêne pour les calvados, pour avoir des millésimes un peu particuliers et donc plutôt segmenter ce qu'on faisait pour toucher des clientèles particulières." explique Fabienne Dutot, responsable de la fromagerie.

Production cidricole

Les pommes sont transformées sur place en jus, cidre, pommeau et calvados aussi, car le lycée possède son propre alambic sur place et a donc des stocks de calvados. Il y a dans ce sens une ambition de produire des calvados haut de gamme et des calvados de garde de plus de 20 ans d'âge pour des marchés bien spécifiques.

Economie

Gilles Collombet, nouveau chef d'exploitation de la ferme poursuit le cap tracé par Bertrand Cailly et l'équipe de la ferme avant lui. Derrière ce beau cadre rappelle-t-il, il y a avant tout une vraie stratégie économique : "On voulait être assez transparent et pas vendre du rêve. Parce que quand on voit une ferme comme ça, où l'on produit du lait et du fromage en tout herbe, où il y a de l'agroforesterie, donc on produit du miel, des pommes, du calvados, du pommeau..., tout ça peut donner une perception un peu bucolique du système, alors qu'il y avait vraiment cette nécessité économique et de rentabilité."

Ce dernier insiste qu'il "faut accepter de faire un pas de côté au niveau technique et de se dire qu'elle est à doser en fonction de nos objectifs. Donc ici, notre objectif c'est de développer le modèle économique, ça implique pour nous de mettre la technique au second plan".

Ci-dessous nous pouvons observer la répartition des charges dans la fabrication du Neufchâtel, qui aboutira à une valorisation finale du lait : 1 400€ / 1000L:

Coût du fromage ©Ver de Terre Production.

Evolution économique :

  • Selon Bertrand Cailly, la ferme de Merval a toujours pu tenir debout et su faire face à ses besoins en main d'œuvre avec un "petit bémol" avec le virage qui a été pris en 2000, 2015, 2016, la ferme a été un peu fragile financièrement postérieurement, même si ça n'a jamais été catastrophique. Cependant, cela s'est fait à défaut d'investir à long terme au niveau du matériel et des bâtiments, ce qui "devenait un peu problématique".
  • Un autre obstacle qui a dû être surmonté a été le fait que les produits transformés n'étaient pas forcément vendus à des prix qui couvrent les coûts de production. La politique de réduction drastique des charges a donc été conjuguée à une politique qui va plus loin que les cahiers des charges des AOP, pour aller sur des produits un peu haut de gamme.
  • "Parfois on peut avoir la perception que l'agroécologie se fait au détriment de la rentabilité ou quoi que ce soit" entame Bertrand Cailly, mais la ferme du lycée agricole de Merval prouve bien le contraire, avec une évolution constante de son fond de roulement et de sa capacité d'autofinancement, nettement en hausse depuis 2017.
    • L'excèdent brut d'exploitation (EBE) a également bien évolué depuis l'arrivée de Bertrand Cailly et varie en fonction de la masse salariale à la ferme. Dans ce sens la masse salariale est une des charges les plus élevées de la ferme et en parallèle une de ses plus grands atouts : il y a d'une part l'impact de la forme juridique de la ferme (tous les salariés sont payés à l'heure, heures supplémentaires comptabilisées et payées), et de l'autre, la volonté d'avoir des salariés très compétents, rémunérés à leur juste valeur et qui soient en mesure de rester sur le long terme.
Evolution de la Capacité d'Autofinancement (CAF) et du Fond de roulement (FDR) entre 2017-2023 ©Gilles Collombet-Gourdon.
Evolution de la masse salariale et de l'EBE entre 2017 et 2023 ©Gilles Collombet-Gourdon.

Zoom sur quelques années

Charges 800 000€
Masse salariale 400 000 €
Fond de roulement 220 000€
Capacité d’autofinancement Objectif : 120 000€
Marge nette 2022 : 30 000 €

Source : Chiffres énoncés à l'oral lors de l'entretien réalisé le 05/03/2024.

Avec 361 000 L de lait vendus à 529 € / 1 000 L :

  • Produit lait : 191 000 €.
  • Produit viande : 38 500 €.
  • Produit sans aides PAC : 799 € / 1 000 L.
  • Charges opérationnelles : 79 € / 1 000 L.
  • Charges de structure : 156 312 €.
  • Coût de la main d'œuvre : 84 200 €.
  • Marge brute sans aides PAC : 558 € / 1000 L.
  • Marge brute / Vache latière : 2 182 €.
  • Marge brute / ha de Surface Fourragère Principale (SFP) : 1 782 €.
  • EBE lait hors main d'oeuvre: 219 972 €.
  • EBE lait avec main d'oeuvre : 135 772 €.
  • Marge nette : 102 000 €.
  • Marge nette sans aides PAC : 45 000 €.


L'objectif d'un système autonome économe a été atteint en 2020 car la marge brute était supérieure au prix de cession interne du lait.

Cela montre bien qu'à Merval, "productivité ne rime pas avec rentabilité" : les hectares et les vaches ne sont pas moins rentables en système herbager.

Maintenir l'accessibilité

L'équipe de la ferme réfléchit également à la problématique de l'accessibilité : "Pour le dire un peu trivialement, on ne voulait pas d'une agriculture qui était réservée à des bobos parisiens, puisque nos fromages étaient vendus entre 10,60 € et 11 € le kilo à la ferme, donc ça reste relativement accessible pour un fromage AOP moulé à la main." exprime Bertrand Cailly.

Un système viable pour tous les ateliers

A la ferme de Merval, "on a à cœur de démontrer que le système herbager, même en filière longue, peut être crédible financièrement." explique Emilien, co-responsable de l'atelier élevage avec Romain. "Tout réside, dans la façon de présenter les chiffres. D'un côté, c'est important de prouver que les ateliers sont interdépendants, il y a aussi un esprit d'équipe à avoir. Et de l'autre côté, vis à vis de la profession il est indispensable de montrer qu'un système herbager est viable en vendant tout son lait à la coopérative." L'objectif est également que certaines pratiques de ce système puissent être reprises et adaptées dans un autre contexte, sur une autre exploitation.


Cependant, il y a des bases indispensables :

  • Les hectares accessibles aux vaches laitières.
  • Les techniques de pâturage adaptées en fonction de la ressource que l'on a, qu'on ait de la transformation ou pas. D'ailleurs le fait de ne pas avoir de transformation ouvre d'autres portes en terme de gestion du troupeau. Par contre, si les prix continuent à baisser, il y a toujours le levier prix avec la fromagerie.

Commercialisation

Vente directe à la ferme de Merval ©Ver de terre production.

Emploi du lait

  • 85% utilisé à la fromagerie.
  • 15% du lait vendu à la laiterie Biolait : concentré sur avril/mai/juin. C'est cependant le moment où les prix sont les plus bas (offre > demande), il y a donc questionnement sur comment valoriser ces volumes de printemps.

Fromages

  • 3 clients chez Rungis (80, 100 puis 60 colis).
  • 3 magasins Biocoop (entre 30 et 40 colis).
  • "Bio d'ici d'abord" (jusqu'à 50 colis par semaine).
  • Un client flexible/ponctuel qui prend entre 200 et 250 colis pour compléter les ventes.

Produits cidricoles

  • Point de vente à la ferme.
  • Particuliers.

Particularité de la gestion des stocks dans la production cidricole

  • Alternance économique entre les années de production.
  • Transformation : Arbitrage entre le temps court et le temps long, donc soit transformation en calvados (vente dans 20 ans) ou en jus et en cidre (vente rapide).

Perspectives futures

  • Etant arrivés à un rythme de croisière, pour Gilles Collombet, nouveau chef d'exploitation du lycée agricole de Merval, le premier objectif est de pouvoir rémunérer tout le monde au même montant en travaillant moins. Aujourd'hui, il n'y arrive pas, c'est à dire que les salariés sont bien rémunérés, mais qu'il y a quand même une charge de travail qui est non négligeable.
  • Essayer d'avoir un binôme par domaine d'expertise, afin qu'ils puissent se remplacer de manière fluide. Ce n'est pas encore tout à fait le cas sur tous les ateliers ou sur tous les postes.
  • Plus globalement il y a a un enjeu à Merval de transmission de connaissance entre les salariés sortants, experts de leur domaine et les salariés qui restent.
  • Sur l'enjeu technique, reprend Gilles "il y a l'adaptation au changement climatique : globalement, 2022, était une année très sèche. On sait pertinemment que ce sont des années qui reviendront. Donc comment on adapte notre système au changement climatique ? Il y a une première option qui est faire de la haie fourragère, et du vêlage estival, rallonger les rotations de pâturage prioritairement sur les animaux qui ne produisent pas de lait... ce qu'on a déjà fait en 2002."
  • Il souhaite également maîtriser à 100 % les prairies permanentes : "Si on doit retourner une prairie, c'est qu'on a mal géré notre technique de pâturage."
  • Enfin sur les aspects de transformation, il y a également des enjeux. "Etant ferme de lycée agricole, on a une mission de transmission. On a un super savoir faire en production fromagère que l'on souhaite davantage transmettre. On a également un super savoir faire en production cidricole et je pense qu'il y a des gens qui seraient contents de transmettre ce savoir faire à condition d'avoir le temps et les moyens nécessaires." explique Gilles.

Sources

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