Nom de l’agriculteur : Anouar Khales Slaoui
Nom de la ferme : Ferme Ard Al Khayrat (“la terre des bienfaits” en darija)
Localisation : M’qam Tolba, région de Rabat (33.89595, -6.32074)
Date d’installation : 2021
Surface cultivée : 2,6 ha (≈ 1,3 ha maraîchage + 1,3 ha vergers)
Texture du sol : Non renseignée (mais adaptée au maraîchage, oliviers, agrumes, vigne)
Nombre de personnes travaillant sur l’exploitation (UTH) : 1 permanent + 3 saisonniers ponctuels + implication du porteur de projet
Altitude : Non précisée
Climat : Selon la classification climatique de Köppen-Geiger, Rabat présente un climat méditerranéen à étés chauds (Csa). Les températures varient généralement entre 13 °C et 24 °C au cours de l’année, avec des extrêmes pouvant rarement descendre jusqu’à 5 °C ou monter jusqu’à 39 °C. Les précipitations annuelles moyennes atteignent environ 383 mm, réparties sur 52 jours de pluie par an.
Main-d’œuvre
1 ouvrier permanent à temps plein.
3 saisonniers ponctuels, mobilisés principalement lors des plantations (maraîchage, fruitiers, forêt comestible).
Anouar Khales Slaoui s’implique lui-même les week-ends et vacances, en parallèle de son métier principal d’ingénieur.
Exemple d'un bloc de jardin agroforestier
Productions végétales
Maraîchage : La partie maraîchage couvre environ 1 hectare, organisée en 80 planches de 20 m² chacune (20 m de long × 1 m de large). Les planches sont regroupées en blocs de 8,5 m × 20 m (170 m²). Chaque bloc est cerné par deux lignes d’arbres fruitiers et d’arbres supports, ce qui permet d’intégrer le maraîchage dans une logique agroforestière. Cette disposition favorise à la fois la biodiversité, la protection contre le vent et la production de biomasse utile au paillage.
Oliviers : 80–90 arbres sur ~795 m² (espacement ~9 m²/arbre).
Agrumes : 80 arbres sur ~1 000 m².
Vigne : 300 pieds, 5 variétés, sur ~1 800 m² (6 m²/pied).
Culture maraîchère entre les rangées d'arbresAssociations culturales : poivron–maïs (semis décalé, le maïs servant d’ombrage aux poivrons → réduction de l’évapotranspiration et feuillage plus résistant).
Productions animales
Poulailler : ~2 500 m².
Effectifs : 67 poules et 13 dindes.
Élevage démarré avec 7–8 poules, progressivement agrandi.
Objectifs et motivations
Autoconsommation familiale : produire des fruits et légumes biologiques pour nourrir sa famille.
Structuration progressive : transformer un terrain secondaire en ferme agroécologique productive.
Expérimentation : tester des pratiques innovantes comme la mare filtrante et le lombricompostage.
Transmission et coopération : échanger avec d’autres agriculteurs (via WhatsApp, réseau local) et envisager la création d’une coopérative pour mutualiser les ventes et le matériel.
Diversification : développer à la fois le maraîchage, l’arboriculture, l’élevage et les infrastructures écologiques.
Volet agronomique
Cultures maraîchères, arboriculture et associations culturales
Le maraîchage occupe progressivement près d’un hectare, organisé en 80 planches de 20 m² chacune. Le travail du sol se fait à la grelinette et le désherbage est manuel, complété par le fauchage des adventices utilisées comme mulch pour protéger les cultures.
L’arboriculture est diversifiée : environ 80–90 oliviers (795 m²), 80 agrumes (1 000 m²) et 300 pieds de vigne de cinq variétés (1 800 m²). Ces plantations, âgées de 8 à 9 ans, étaient déjà présentes au moment de l’acquisition du terrain.
Anouar expérimente également des associations culturales, notamment poivron–maïs : les poivrons sont repiqués entre la 5ᵉ et la 8ᵉ semaine après semis, puis ombragés par le maïs semé deux semaines plus tard. Ce système améliore la résistance des poivrons, favorise un feuillage plus dense et réduit l’évapotranspiration, contribuant ainsi à une meilleure gestion de l’eau.
Gestion de l’eau
La ferme est entièrement équipée en goutte-à-goutte, financé par Anouar sans aide extérieure. L’eau provient d’un puits traditionnel approfondi à 32 m, garantissant un volume suffisant pour l’ensemble des cultures.
Haies : goutteurs autorégulants espacés de 40 cm, débit 8 L/h.
Oliviers : tuyaux avec goutteurs insérés manuellement selon l’espacement des arbres.
Maraîchage : goutteurs à 10 cm, débit de 0,55 L/h (0,8 bar) jusqu’à 1,2 L/h (2 bars).
Les tuyaux en PVC sont enterrés à 20 cm pour protéger le réseau, et l’ensemble est piloté par une console électronique (3 500 MAD).
Pratique d'intérêt :
Le lombricompostage
Objectifs
Lombricompost avec bassine pour la récupération du Lombrithé en dessous
Le lombricompostage a été mis en place dans une logique d’autonomie en fertilité et de valorisation des déchets organiques. Inspiré par des vidéos sur Internet, Anouar voulait tester une pratique encore peu présente dans le contexte marocain, afin de produire un compost riche, améliorer la fertilité de ses sols et bénéficier du lombrithé, utilisé comme engrais foliaire à effet rapide.
Mise en place
Dispositif : 2 baignoires surélevées sur châssis métallique (1,5 m × 2 m), percées et équipées de filtres (maille 1 mm)
Introduction des vers :
4 000 Eisenia fetida + 4 000 Red Wiggler
coût total : 4 000 MAD
Gestion :
apport de fumier frais, déchets organiques (banane, coquilles d’œuf, feuillage) d’un seul côté → migration des vers
arrosage hebdomadaire
ajout de blocs de glace en été pour limiter la mortalité
Production attendue :
compost : ~0,5 m³ tous les 3 mois
lombrithé : ~5 L/semaine en été
Résultats
Tous les trois mois, Anouar récolte environ 0,5 m³ de compost. Le système produit également environ 5 litres de lombrithé par semaine en été, utilisé dilué à 10 % en pulvérisation foliaire (pulvérisateur dorsal de 16 L, coût 300–350 MAD). Les résultats sont rapidement visibles : sur la menthe, par exemple, le feuillage devient plus vert et vigoureux dès 3–4 jours après application.
Le lombricompostage permet donc à la ferme d’améliorer sa fertilité de manière autonome et d’expérimenter une pratique innovante, encore marginale dans la région. Les limites résident dans la sensibilité du dispositif à la chaleur et la dépendance à un suivi attentif pour maintenir la production.
La mare filtrante
Objectifs
La Mare
La mare filtrante a été pensée par Anouar comme une réponse à deux enjeux majeurs : la rareté de l’eau douce dans sa région et le besoin de renforcer la biodiversité fonctionnelle sur sa ferme. Elle devait servir de point d’eau pour les oiseaux, libellules et insectes auxiliaires, tout en contribuant à réguler les populations de moustiques. L’objectif était donc à la fois écologique (créer un micro-écosystème humide) et pratique (réduire la nuisance des moustiques).
Explication
Fonctionnement générale
Le bassin est composé de deux parties à des niveaux différents : une zone plus haute et une zone plus basse. L’eau circule en continu entre ces deux compartiments grâce à une pompe.
Le fond est recouvert d’une géomembrane étanche, qui empêche les pertes d’eau. Des fosses de graviers installées dans la partie haute jouent le rôle de filtres naturels : l’eau traverse les graviers, est aspirée par un tuyau PVC perforé relié à la pompe, puis réinjectée dans la mare.
Ce cycle permet de maintenir une eau claire, bien oxygénée, tout en créant un écosystème favorable aux plantes aquatiques, aux poissons et aux auxiliaires.
Coupe transversal du bassin avec circuit de pompage
Cycle de l’eau dans la mare filtrante
1. Infiltration dans les graviers L’eau de la mare pénètre dans une fosse remplie de graviers. Ceux-ci agissent comme un filtre naturel en retenant les particules solides et en hébergeant des micro-organismes utiles.
2. Aspiration par le tube PVC Un tube perforé, placé dans la fosse, permet à l’eau filtrée d’entrer tout en empêchant les graviers de pénétrer dans le système.
3. Pompage de l’eau La pompe aspire cette eau claire depuis le tube PVC. Elle la dirige ensuite vers un tuyau extérieur qui permet sa remontée.
4. Retour vers la mare L’eau pompée est réinjectée dans le bassin. Ce mouvement empêche la stagnation, améliore l’oxygénation et favorise la vie aquatique.
5. Filtration continue Le cycle se répète en continu : l’eau circule, se clarifie à travers les graviers, puis revient dans la mare.
Le système associe ainsi filtration mécanique (graviers) et filtration biologique (bactéries et microfaune).
Mise en place
Date d'installation : septembre 2023La mare est creusée à l'aide de pelle et de houe.
Travaux : Excavation manuel par 3 ouvriers en 2 jours (≈ 4 m × 2 m, profondeur 80 cm, capacité ~4 m³)
Étanchéité : géomembrane (38 MAD/m²)
Équipements :
pompe Aquaflor (22 000 L/h, 3 500 MAD)
système de filtration naturelle (graviers)
Un bloc de monitoring a été installé, auquel est reliée une pompe à air (bulleur) achetée entre 100 et 150 dirhams.
Aménagements biologiques :
plantation de lotus (100 MAD/plant)
introduction de carpes koï (30–50 MAD/pièce)
végétation ornementale périphérique
Les cailloux utilisés pour l'aménagement des bords de la marre proviennent pour moitié de la ferme (dont 25 % donnés par une ferme voisine) et pour moitié d’un achat effectué à Tifelt.
Le coût total de ces pierres s’élève à environ 1300 dirhams, transport compris.
Résultats
En un an, Anouar constate une hausse marquée de la biodiversité : oiseaux, libellules, abeilles et insectes divers viennent s’y abreuver. L’effet le plus visible a été la réduction de 80 % des moustiques, bénéfice inattendu mais très apprécié. La mare constitue donc une innovation locale réussie, même si son effet sur les ravageurs des cultures (comme les nuisibles des oliviers) reste limité. Elle joue surtout un rôle de réservoir de biodiversité et d’espace régulateur dans l’écosystème de la ferme.