Apports de phosphore et localisation

De Triple Performance
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Exemple de l'impact de la localisation (ici azote)

Le phosphore est un élément essentiel aux cultures mais sa très faible mobilité dans le sol pénalise souvent son assimilation et impacte les rendements, surtout lorsque le sol est faiblement pourvu. Cet article explore comment la localisation de l'engrais phosphaté au plus près du semis améliore son efficacité, favorise le développement racinaire et permet des gains de rendement.

Localiser la fertilisation phosphatée pour de meilleurs résultats?

Le phosphore est un élément très peu mobile dans le sol (seulement 2 mm par an) et c’est aussi un constituant majeur des plantes (présent dans l’ATP notamment). En plus de cela, sa disponibilité pour les plantes est souvent faible et cela entraîne des pertes de rendement directes lorsque le seuil de P Olsen (P disponible) passe sous les 20 mg/kg de terre.

Phosphore (P2O2) Potasse (K2O)
Très exigeantes

Rendement fortement pénalisé en sol pauvre

Betterave, Colza, Pomme de terre Betterave, Pomme de terre
Moyennement exigeantes

Rendement peu impacté en sol pauvre

Blé sur blé, Blé dur, Maïs ensilage, Orge, Pois et Féverole Colza, Maïs, Pois et Féverole, Tournesol
Peu exigeantes

Rendement pas impacté en sol pauvre

Avoine, Blé tendre “assolé”, Maïs grain, Seigle, Tournesol Avoine, Blé tendre, Blé dur, Orge, Seigle


Ce seuil est plus ou moins élevé en fonction du besoin des cultures en phosphore. Le type de sol est aussi à prendre en compte pour l’ajustement des teneurs seuils pour prévoir ou non les apports. Voici les abaques d’Arvalis à ce sujet ici.

Le dernier paramètre pour raisonner les apports d'éléments minéraux est le calcul des exportations de la culture grâce notamment aux teneur de chaque espèce. La méthode du COMIFER permet un calcul simple et efficace, à voir dans le document ici.

Rôle du pH dans la disponibilité

Le pH du sol joue un rôle déterminant dans l’équilibre de dissolution/précipitation d’un phosphate de calcium. En effet, dans les sols basques, le P se précipite avec le calcium ce qui le rend faiblement disponible. Les pH acide favorise la dissolution des phosphates de calcium mais favorise la complexation du P avec le Fer (Fe) et l’aluminium (Al).

A cause de ces phénomènes, le phosphore apporté au printemps sur une culture d’automne ne sera pas pleinement optimal et l’apport sur culture à large inter rang et cycle court (maïs) sera aussi moins efficace.

Pour profiter au maximum d’un apport de P,  la localisation au semis ou les apports en plein avant le semis et/ou incorporés (si on n'est pas équipé) peuvent améliorer l’utilisation du P.


Effet de la localisation du phosphore et de la teneur du sol

L’apport en localisé de 40 unités de super 45 améliore le rendement en blé de 2,3 q/ha en moyenne. Cependant, on observe un seuil (20mg/kg de phosphore Olsen) au-delà duquel la fertilisation en phosphore n’a pratiquement pas d’effet par rapport au témoin non fertilisé. Cependant, une impasse de longue durée voit diminuer la teneur du sol d’environ 2 mg/kg par an.

Le faible impact mesuré de la localisation de phosphore sur céréales est aussi à relier à la bonne performance de leur système racinaire (expliquant en partie leur faible à moyenne exigence en phosphore) et à leur mode de semis en inter-rang étroit. Ainsi, les cultures réagissant le mieux à la localisation de phosphore sont généralement des cultures à large inter-rang comme le colza à  l’automne ou le maïs au printemps.

Le rendement est vraiment amélioré par l’engrais phosphaté que lorsque le sol est faiblement pourvu en cet élément. La localisation permet une petite augmentation mais elle reste faible.

Compilation de 10 essais fertilisation P / Blé tendre et dur 40 u de Super 45 (Arvalis, 1995-2017)[1]

Apporter le phosphore tôt afin qu’il soit disponible et efficace sur la culture

Cet essai réalisé à Montans (81) par Arvalis en 1998 sur blé tendre d’hiver sur un sol peu pourvu (teneur en P Olsen de 20 ppm) met en évidence un effet date d’apport. Dans le cas de sols pauvres en phosphore, un apport avant semis est mieux valorisé qu’un apport à 2 talles. En effet, c’est au stade jeune que les plantes sont les plus sensibles à une carence en phosphore. On remarque aussi que cet effet se dissipe lorsque les doses apportées sont importantes (60 kg/ha/an).

Fertilisation en phosphore des céréales - Chambres d'agriculture [2]

Localisation du P et semis précoce

Dans cet essai de 2009 à Calmont (31), l’engrais starter, ici du 14-48 localisé au semis (5-5 cm) à permis un gain de 15 q/ha pour un semis en condition froide, au 20 mars. Il n’y a par contre pas de différence visible pour un semis au cours du mois d'avril avec starter ou non.

Les températures froides limitent la croissance racinaire du maïs et donc pénalise sa prospection. De plus, toujours d’après Arvalis (Essai LD de Presly (18) - 2001 40 et 80 kg P2O5/ha), la localisation du phosphore favorise un enracinement plus dense dans l'horizon  0-30, le volume de sol exploré est alors plus grand.

Ici, les effets combinés du froid et du développement racinaire moins important sans starter ont vraiment pénaliser le rendement du semis précoce sans localisation du P.

Essai de Calmont (31) 2009 [3]

Attention à la toxicité en cas de contact avec les semences

Presque tous les engrais sont des sels. En se dissolvant dans le sol, ils augmentent la concentration en sel de la solution. Une augmentation de la concentration en sel accroît le potentiel osmotique de la solution. Plus le potentiel osmotique d'une solution est élevé, plus il est difficile pour les graines ou les plantes d'extraire l'eau du sol dont elles ont besoin pour leur croissance.

Le regain d'intérêt pour l'épandage d'engrais dans ou à proximité du rang de semis souligne l'importance de se rappeler qu'une augmentation de la concentration en sel dans la bande d'engrais peut endommager les graines et les plantules. Déposer l'engrais à au moins cinq centimètres de la graine permet généralement d'éviter les blessures. Un apport excessif d'engrais dans une bande de démarrage peut néanmoins causer des dommages, surtout par temps sec.

L'indice de salinité du nitrate de sodium est défini à 100. Les engrais dont l'indice de salinité est supérieur à 100 produisent un potentiel osmotique supérieur à celui d'un poids équivalent de nitrate de sodium. Les engrais dont l'indice de salinité est inférieur à 100 produisent un potentiel osmotique inférieur à celui d'un poids équivalent de nitrate de sodium.




[4]

La toxicité ammoniacale est aussi importante en cas d’apport d’azote localisé.

Les pertes de levée de la culture lorsque 75 unité d’azote sont apportés en localisé vont de 5% (urée) à 20 % (ammonitrate).

Pour éviter tout risque de brûlure, il est conseillé de limiter les doses d'engrais (N,P,K et S) apportés à 50 unités dans le rang pour un semis à 25 cm d’écartement. Attention toutefois à diviser la dose par deux en cas de semis à 5O cm pour le pas concentrer l’apport par rapport à un écart de 25cm.

Généralement, en maïs, les doses apportées sont de 40 l de 14-48 au niveau de la graine dans le rang. Lorsque les apport sont plus important, il est conseillé d’apporter le surplus en décaler (5-5 cm).

Les facteurs qui favorisent les risques de dommages sont :

  • Une CEC est faible
  • Plus un engrais a un fort indice de salinité et plus le produit sera agressif
  • Plus le produit est chargé en NH4, et plus il sera agressif
  • Plus la dose d’engrais et forte, et plus le produit est agressif.

Conclusion

Contrairement à l’azote, la fertilisation au phosphore répond très peu en termes de rendement. C'est-à-dire que les doses apportées ne sont pas du tout corrélées au rendement. Sauf lorsque le sol est faiblement pourvu en phosphore (moins de 20 mg/kg de P Olsen) la réponse à la fertilisation est visible et immédiate sur le rendement.

Il y a des leviers actionnables pour que le P apporté soit efficace sur la culture de l’année. On peut notamment localiser l’engrais dans ou proche de la raie de semis. Cela favorise le développement du système racinaire qui offre une meilleure résilience et améliore un peu le rendement.

Ensuite, plus on positionne l’apport proche du semis, meilleur est son effet sur le rendement.

De manière générale, lorsque l’on positionne l’apport de P proche de la semence dans l’espace (en localisé) et dans le temps (proche du semis) le P est plus utilisé par la culture cible de l’année. Sinon, le P fertilisera les cultures des années suivantes avec tout de même le risque de pertes par érosion ce qui représente une source de pollution et une perte économique pour l’agriculteur.