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Optimiser les apports d'azote

De Triple Performance
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Crop spraying at Rulesmains Farm, Duns - geograph.org.uk - 1565950.jpg


Une bonne gestion de la fertilisation azotée permet d'éviter tout déséquilibre pouvant engendrer des pertes par lessivage, l'arrivée de bioagresseurs et de maladies, et favoriser la qualité du produit final.

Déterminer les quantités par la méthode du bilan

Présentation de la méthode

On fait la balance entre :

  • Les besoins de la culture (besoin au quintal/rdt) ainsi qu’une partie de l’azote non valorisable.
  • Le reliquat sortie d'hiver et l’azote qui va naturellement être minéralisée grâce à l’activité biologique du sol.

Le solde manquant pour équilibrer la balance sera apporté de manière exogène sous forme minérale ou organique.

Exemple d’un bilan azoté sur blé tendre (Chambre d’Agriculture de Bretagne, 2010)

Exemple avec un blé tendre

  • Les besoins à apporter :
    • 3 UN/q pour un rendement visé de 70 q/ha, soit un besoin total de 210 UN/ha.
    • On compte 30 UN non valorisables.
    • 210 + 30 = 240 UN/ha.
  • Les fournitures :
    • Le reliquat sortie hiver (RSH) à mesurer.
    • La fourniture d’azote que peut produire le sol (destruction de prairie, précédent cultural, arrière effet des apports organiques, minéralisation de l’humus).
    • Le bilan humique permet de calculer la quantité d’azote que l’on peut attendre de notre sol pour la culture en cours.
    • La différence est complétée par des apports d’azote exogènes.

Point sur l’azote organique

La gestion de l'azote - 2 - Mesurer pour limiter les erreurs 7.jpg

Pour prendre en compte l'épandage des produits organiques (fumiers, lisiers) dans un plan de fumure, il est important de connaître leurs valeurs fertilisantes. Des coefficients d'équivalence engrais ont été établis : ils expriment l'efficacité d'un engrais organique comparé à un engrais minéral de référence. Seule une partie de l’azote organique est valorisable à court terme par la culture, le reste dépend du processus de minéralisation. Le coefficient d’équivalent engrais permet de connaître la part d’azote qui sera disponible pour la culture sur la campagne.

Exemple

  • Le coefficient équivalent engrais N pour du lisier de porc apporté sur prairie est de 0,65. C’est à dire que 65% de l’azote contenu dans le lisier de porc apporté sera disponible pour la culture en cours.
  • Si l’objectif est d’apporter 50 UN/ha sur une prairie en sortie d’hiver (février-mars), en sachant que le lisier de porc contient 3,5 UN/m3, il faudra donc apporter 50/(3,5*0,65) = 22 m3/ha de lisier de porc.

Les reliquats azotés sortie d'hiver

La gestion de l'azote - 2 - Mesurer pour limiter les erreurs 8.jpg

Pour regarder les fournitures du sol, la première chose à faire est de mesurer les reliquats azotés en sortie d’hiver. C'est la mesure de la teneur en azote minéral d'un échantillon de terre pour estimer la quantité d'azote minéral disponible pour la culture en place ou à venir.

Il est nécessaire de faire preuve de rigueur dans la prise d’échantillons afin d’être le plus représentatif possible de la parcelle et en tirer un maximum de valeur. Faire soi-même l’échantillonnage permet de s’assurer de la qualité du travail, 15 à 16 prélèvements sont nécessaires :

Le graphique ci-contre montre qu’au-delà de 14 prélèvements, l’erreur relative tombe à un niveau acceptable de 7-8%. Faire plus de 16 prélèvements a peu d’impact sur l’erreur relative. En revanche, en faire moins entraîne une augmentation de cette erreur et donc une forte probabilité de mal estimer les reliquats azotés.

Données économiques

  • Coût : autour de 40 € par parcelle.
  • Économie : en partant de l’hypothèse que l’économie engendrée grâce aux reliquats est de 25 unités d’azote à 2 €/u/ha sur une parcelle de 10 ha :
  • Le gain de valeur sur la parcelle est de : 500 - 40 = 460 €.

Biomasses en sortie hiver et réglette azote colza

Réglette azote colza développé par Terres Inovia (Terres Inovia, 2020)

Selon l’institut Technique Terres Inovia, la biomasse du colza est un indicateur de la quantité d’azote absorbé par le colza car cette plante a la capacité de mettre en réserve l’azote à l’automne et de le remobiliser au printemps.

La mesure de la biomasse permet d’utiliser la Réglette Azote Colza pour calculer la dose totale d’azote à apporter à la culture au printemps :

  • En connaissant le rendement potentiel et l’azote déjà apporté, il est possible d’en déduire le solde manquant pour compléter la balance.
  • Les apports seront fractionnés à différents stades au vu des besoins et des doses qui restent à apporter (voir tableau ci-dessous).

Des outils numériques pour déterminer les besoins

Il existe des outils d’aide à la décision (OAD) numériques pour améliorer le bilan.

La méthode Appi-N (INRAe)

Outil SPAD utilisé pour la méthode Appi-N

Les chercheurs de L’INRA ont développé la méthode Appi-N qui permet de piloter la totalité des apports d’azote selon les différents stades.

Selon le score d’INN que l’on obtient, les abaques donnent les valeurs d’azote à apporter selon les différents stades

La méthode de pilotage de l’azote se base sur l’état de nutrition de la plante (indice de nutrition azoté : INN), calculé à partir de l’indice de chlorophylle. Elle permet une réduction des quantités utilisées, un retardement du premier apports (environ de 20 jours) et une réduction des pertes (sol et air). Elle prend en compte :

  • Les carences acceptables : stades de carence qui n’impactent pas le rendement final, notamment en début de cycle et qui peuvent même être bénéfiques.
  • Le coefficient d’utilisation de l’azote : lié à sa vitesse de croissance.
  • Les conditions météorologiques propices à son assimilation.

Le N-tester de Yara

N-tester de Yara en application au champ

Cet outil s’intéresse à la concentration en chlorophylle de la feuille :

  • On pince une trentaine de feuilles qui proviennent de maître brins entre les stades 2 noeuds et gonflement, ce qui permet d’optimiser le dernier apport.
  • Le N-tester donne les valeurs de chlorophylle et Yara a développé un outil d’aide à la décision (OAD) pour aider à calculer les valeurs d’azote à apporter disponible sur blé, orge d'hiver et printemps, maïs et pomme de terre.

Relation entre l’indice de nutrition azoté et les mesures du N-tester selon les variétés

Le score N-tester (lié au taux de chlorophylle) est proportionnel à l’indice de nutrition azoté (INN).

  • Plus une plante a un taux de chlorophylle élevé, plus elle est nourrit efficacement en azote.
  • C’est ce qui est illustré sur le graphique ci-contre.


L’INN correspond au rapport entre la teneur en azote total des parties aériennes et la teneur critique en azote total, déterminé à partir de la biomasse des parties aériennes.

  • Cette teneur critique en azote correspond à la teneur minimal en azote nécessaire pour maximiser la croissance en matière sèche de la plante.
  • Selon Arvalis, l’INN est “l’indicateur le plus performant pour caractériser la nutrition azotée des céréales, et en particulier leur niveau de carence”.


Il existe ainsi une courbe de référence permettant de définir la teneur critique en azote en fonction du niveau de croissance du blé. On vise un INN proche de 1 :

  • INN < 1 : sous-dose
  • INN > 1 : surdose

Outils satellitaires

Sentinel (gratuit)

En ce qui concerne l’estimation de la biomasse, on utilise le NDVI (”normalized difference vegetation index” = indice de végétation par différence normalisée), proposé gratuitement par les satellites Sentinel.

Le NDVI est un indice simple pour quantifier la biomasse végétale présente sur une parcelle. Il normalise la diffusion des feuilles vertes dans les longueurs d'onde du proche infrarouge et l'absorption de la chlorophylle dans les longueurs d'onde du rouge.

Cet outil permet donc de visualiser les zones de la parcelle qui auraient besoin de plus d’azote car il y a une biomasse plus faible.

Exemple de visuel obtenu avec l’outil satellitaire Sentinel
  • Sentinel est en libre-accès et entièrement gratuit. Point de vigilance : comme il s’agit d’un outil gratuit, la précision n’est pas suffisante pour observer des différences entre des petites parcelles, ou sur une largeur de pulvérisateur par exemple.

Spotifarm (payant)

Exemple de visuel obtenu avec l’outil Spotifarm

Le NDVI donne une idée de la biomasse végétale sur une parcelle, mais pas du calcul précis de la dose d’azote à apporter. Certains OAD le proposent : c’est le cas de Spotifarm, un outil payant basé sur les données de Sentinel.

L’algorithme reprend les données satellitaires de Sentinel pour indiquer les zones précises où apporter l’azote et comment le moduler.

Comparaison des différents OAD sur blé tendre d’hiver

Une étude a été menée par le CNRS et AXÉRÉAL en 2020 à Chaumoy pour comparer l’efficacité de différentes méthodes de modulation de l’azote sur le résultat final. L'étude a été reprise avec les cours actuels des engrais et du blé :

Comparaison de différents OAD sur la marge finale (CNRS & AXEREAL, 2020)

Déterminer la date d'apport par la technique de la bande “double densité”

La bande “double densité” (BDD) est un indicateur simple, fiable et visuel pour savoir quand déclencher le premier apport.

Principe de la méthode

  1. Choisir une zone représentative de la parcelle et doubler la densité de semis sur une bande de 30 m de long et 3 à 6 m de large au moment du semis.
  2. Doubler le nombre de plantes entraîne une consommation d’azote plus importante et plus précoce sur cette bande que sur le reste de la parcelle.
  3. L’apparition d’une décoloration jaune à partir de fin janvier sur la bande traduit une carence précoce et permet d’anticiper l’apport azoté. Dès que l’on observe la décoloration, il est recommandé d’effectuer le premier apport dans les 7 jours qui suivent.

Exemple sur blé tendre

  • 1er apport : 40 UN est déclenché lorsque cette BDD décolore par rapport au reste de la parcelle. Il est réalisé au plus tard au stade épi 1 cm.
  • 2ème apport (X – 80) est déclenché 20 à 25 jours après le 1er apport (200 degrés jours). Il est réalisé au plus tard au stade 1 nœud.
  • 3ème apport (40 unités) est réalisé au plus tard au stade dernière feuille étalée - gonflement.

Dans le cas où la bande double densité décolore à un stade proche du stade épi 1 cm, l'impasse du 1er apport peut être envisagée.

Rationner les apports

Description de la technique

Apporter une dose d'azote conduisant à un bilan déficitaire entre les fournitures d'azote et les besoins de la culture pour atteindre le rendement permis par les potentialités de la parcelle, la rotation et le contexte climatique, et éviter l'apparition de conditions favorables au développement de certains bioagresseurs (maladies foliaires notamment).


L'effet sur les bioagresseurs de la dose globale d'azote apportée n'est pas indépendant du positionnement des apports et du fractionnement. Ainsi, sur blé tendre d'hiver, appliquer la réduction de dose sur le 1er apport en retardant ce dernier le plus possible permet d'éviter un couvert dense favorable aux ravageurs et maladies, tout en minimisant l'impact de la carence azotée sur le rendement et la qualité. Sur blé, une réduction de la dose préconisée par la méthode du bilan d'une vingtaine d'unités appliquée sur les deux premiers apports contribue à limiter le risque maladies foliaires notamment (méthode Appi-N).

Point d'attention à la pratique

Neutre Type de sol : Généralisation parfois délicate. Sur les sols avec une faible minéralisation (terres de craies…), la réduction de la dose d'azote conduit très vite à des pertes de rendement.

Exemple sur le blé tendre d‘hiver

Il est inutile d’apporter des grosses doses d’azote au premier apport car au stade tallage, le blé ne peut les valoriser donc les pertes seront conséquentes.

  • Tallage : apporter de l'azote si le reliquat sur le premier horizon est inférieur à 60 UN. Apporter 40 UN max (au delà l’azote ne sera pas valorisé).
  • 2ème apport : encadrer le stade "épi 1 cm " si plus de 100 UN sont apportées.
  • 3ème apport : 40- 60 UN (dépend de la variété) surtout pour le taux de protéines.
Besoins en azote selon les différents stades du blé (ARVALIS, 2013)

Effets sur la durabilité du système de culture

Critères "environnementaux"

Positif Effet sur la qualité de l'air : Le rationnement de la fertilisation azotée permet de réduire les risques d'émissions d'ammoniac par volatilisation proportionnellement à la réduction de dose réalisée. Le rationnement de la fertilisation azotée permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication des engrais, ainsi que les émissions de protoxyde d'azote au champ, proportionnellement à la réduction de dose réalisée.

Positif Effet sur la qualité de l'eau : Le rationnement de la fertilisation azotée permet de réduire les risques de transfert d'azote vers l'eau : limiter les pertes par lessivage.

Positif Effet sur la consommation de ressources fossiles : Le rationnement de la fertilisation azotée permet de réduire la consommation d'énergie liée à la fabrication d'engrais minéraux proportionnellement à la réduction de dose réalisée.

Critères "agronomiques"

Négatif Productivité : L'apport d'une dose d'azote ne permettant pas d'atteindre l'équilibre entre besoins de la culture et azote disponible se traduit par une baisse de rendement variable en fonction de la réduction de dose réalisée, la réponse de la culture à la dose d'azote et les fournitures d'azote par le sol. Mais les charges sont moins élevés.

Critères "économiques"

Positif Charges opérationnelles : Le rationnement de la fertilisation azotée se traduit par une diminution des charges de fertilisation.

Positif Charges de mécanisation : Le rationnement de la fertilisation azotée peut conduire à une diminution des charges de mécanisation si il conduit à réduire le nombre de passages.

Neutre Marge : L'impact du rationnement de la fertilisation azotée sur la rentabilité est variable en fonction de l'équilibre entre la baisse de rendement occasionnée et la réduction des charges de fertilisation.

Optimiser le coefficient apparent d’utilisation CAU

Le coefficient apparent d'utilisation de l'azote (CAU) correspond à la fraction de l'azote total d'un engrais (minéral ou organique) qui est absorbée par les cultures jusqu'à la moisson.

Voici un graphique issu de la thèse de Hazzar Habbib visant à étudier l’impact des systèmes de cultures sur l'efficience d'utilisation de l'azote chez le blé et le maïs, sous l'influence de la dose d’apport azoté, du travail du sol et des couverts végétaux en interculture.

Impacts des systèmes de cultures sur l'efficience d'utilisation de l'azote chez le blé et le maïs : Influence du travail du sol, des couverts végétaux d'interculture et de l'historique de fertilisation azotée (HABBIB, 2017)

Plusieurs apprentissages peuvent en être tirés :

  • Le coefficient apparent d’utilisation est plus élevé pour les modalités sans apport d’azote minéral.
  • D’un point de vue physiologique, les plantes en carence valorisent mieux le peu d’azote qu’elles trouvent dans le sol.
  • Intéressant d’un point de vue recherche, cette option n’est évidemment pas envisageable sur le terrain au vu des faibles rendements obtenus.
  • Autour de 160 UN, le coefficient apparent d’utilisation est le plus élevé en système semis direct seul et semis direct sous couvert végétal. Dès lors que l’on ne travaille pas le sol et que de l’azote organique est apporté par les couverts végétaux composés de légumineuses, le besoin en UN/q diminue.

Influence des autres éléments

Les conditions météo

La gestion de l'azote - 3 - Techniques pour optimiser les apports azotÇs 7.jpg

Pour bien positionner l’azote, il est important :

  • Que l’apport soit suivi par de la pluie pour qu’il soit bien valoriser. 15 à 20 mm de pluviométrie dans les 15 jours suivant l'apport sont nécessaires pour que l'azote passe dans la solution du sol et soit absorbable par la culture. Par exemple : réaliser les apports à des périodes où la probabilité d'enregistrer 15 à 20 mm de précipitations dans les 15 jours qui suivent et intervenir par temps frais et humide.
  • Couvert végétal peu dense.
  • D’éviter des conditions venteuses.
  • D’éviter des températures > 15°C.

Sinon, la volatilisation entraîne des pertes sous formes gazeuses.

Les oligo-éléments

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La solution azotée peut être adjuvantée pour améliorer sa valorisation. Voici un mélange recommandé par l’équipe d’agronomes d’AgroLeague pour stabiliser l'azote :

  • 1 unité de soufre (ou 3 unités de sulfate) pour 10 unités d'azote via un thiosulfate (agent réducteur qui permet de stabiliser l’azote dans la solution). Si il n'y a pas assez de soufre, la vie microbienne ne va pas pouvoir stabiliser toute l'azote et risque de consommer du carbone du sol afin d'avoir le soufre nécessaire pour transformer l'azote.
  • 3% de mélasse (3% de la bouillie) : la mélasse va stimuler les bactéries et entrainer une transformation de l'azote en acides aminés.
  • 1 L/ha d'acide humique-fulvique : permet une chélation et une stabilisation via les acides organiques. Cela rend l'azote moins lessivable.
  • 20 g/ha de de molybdène : le MO agit comme nitrate réductase, transformation de l'azote en acides aminées.

Ce mélange permet de limiter la volatilisation, de "chélater" l'azote par les acides organiques et de le rendre plus disponible pour la culture. En transformant l'azote, on limite la nitrification et le lessivage.

Viser l’optimum économique

Dans un objectif de performance, il est important de s’intéresser à la notion d’optimum économique.

Arvalis et Terres inovia ont fait des synthèse sur blé et sur colza avec :

  • En horizontal : le prix de la culture (en €/t) ;
  • En vertical : le prix de l’unité d’azote (en €/UN).

Ces tableaux sont intéressants car ils permettent d’établir un optimum technico-économique correspondant au contexte.

Vidéo

Pour en savoir plus

Sources

Optimiser les conditions d'application pour les apports d'azote, GECO

Rationner la fertilisation azotée des cultures, GECO

Conclusion, AgroLeague

Mesurer pour limiter les erreurs, Agroleague

Techniques pour optimiser les apports azotés, AgroLeague

Vidéo - Optimiser les apports azotés sur cultures d’hiver, Agroleague

Annexes

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