Agriculture de précision

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AgriculturePrecision.jpg Fertilisation ciblée, satellite, capteurs, épandage, pulvérisation, drones, RTK, robotisation, logiciel...

Agriculture de précisionFertilisation ciblée, satellite, capteurs, épandage, pulvérisation, drones, RTK, robotisation, logiciel...AgriculturePrecision.jpg

L’agriculture de précision, née dans les années 80 aux Etats-Unis, repose sur l’utilisation des technologies de l’information et du numérique pour prendre en compte la variabilité spatiale et temporelle de la production agricole dans les pratiques culturales. Plus précisément, la société internationale d’agriculture de précision (ISPA) définit l’agriculture de précision comme « une stratégie de gestion qui rassemble, traite et analyse les données spatiales, temporelles et individuelles, et les combine avec d’autres informations pour orienter les décisions de gestion modulée relatives à la plante ou à l’animal en vue d’améliorer l’efficacité des ressources, la productivité, la qualité, la rentabilité, et la durabilité de la production agricole. ».

Objectifs

L’agriculture de précision tend à répondre à des multiples enjeux économiques, agronomiques, environnementaux et sociaux :[1]

  • Economiques : augmenter le rendement moyen de production et/ou réduire les charges de production, notamment les charges liées à l’utilisation des intrants. L’hétérogénéité des rendements a une origine naturelle (topographie, lithologie,…) à laquelle s’ajoute une origine anthropique liée à l’activité humaine (travail du sol, épandage des engrais…). Le cas d’application historique de l’agriculture de précision est l’optimisation de l’usage des intrants et, en particulier, des intrants azotés.
  • Agronomique :  optimiser l’adaptation des pratiques aux besoins des cultures.
  • Environnementaux : réduire certaines pollutions liées aux intrants telles que le lessivage de l’azote et limiter l’utilisation des ressources en eau pour l’irrigation.
  • Sociaux : Améliorer le confort au travail et optimiser le temps de travail.

Les 4 étapes de l’agriculture de précision

L’agriculture de précision peut se décomposer en quatre étapes :

  • Acquisition : collecter des données pour mesurer et quantifier la variabilité de la production agricole.
  • Caractérisation : acquérir des données agronomiques pour contextualiser et donner du sens aux données collectées.
  • Préconisation : analyser les données récoltées pour comprendre la variabilité et choisir des itinéraires techniques qui prennent en compte cette variabilité.
  • Application : mettre en œuvre les décisions de conduite des cultures (modulation des fertilisants, de l’irrigation…).

Acquisition de données et mesure de la variabilité

Paramètres mesurés

Les informations collectées permettent d’appréhender l’hétérogénéité de différents paramètres au sein d’une parcelle :

  • Les caractéristiques physico-chimiques et biologiques du sol : Les cartes de conductivité ou de résistivité électrique peuvent être utilisées en complément d’analyses de sol et d’expertises terrain pour étudier l’état du sol.
  • L'état des cultures et/ou des animaux d'élevage : besoins en irrigation et fertilisation, stade de développement, présence de pathogènes, dégâts du gel...
  • Les conditions climatiques.

Equipements d’acquisition des données

Il existe une grande diversité d’équipements et de technologies pour la collecte de données qui peuvent être classés selon une multitude de critères techniques ou agronomiques : leur localisation, le moment où ces outils numériques sont utilisés pour les calculs de doses de fertilisants…

En fonction de leur localisation, les outils numériques d’acquisition de données sont classés en deux catégories :

  • La proxidétection : les données sont récoltées par des capteurs localisés sur la parcelle, des capteurs embarqués sur les engins agricoles ou sur une rampe d'épandage, des applications smartphones avec saisie manuelle,...
  • La télédétection : elle consiste à utiliser des images prises par des satellites (85% des images)[2], avions ou drones. La télédétection permet d’assurer une couverture spatiale plus large que la proxidétection.


Les technologies employées peuvent également être discriminées selon qu’elles réalisent :

  • Des mesures directes.
  • Des mesures indirectes.

Dans le cas de la fertilisation azotée, par exemple, il est possible d’estimer les besoins en azote des plantes par des mesures directes (dosage du nitrate dans la sève) ou indirectes qui s’appuient sur la réflectance, la transmittance ou la fluorescence du végétal pour déterminer des taux de chlorophylle.[3]


La plupart des capteurs et sondes ne permettent pas d’avoir l’information complète : par exemple, les cartes satellite mesurent bien l’évolution de la quantité d’azote dans les productions, mais pas les quantités absolues. Elles doivent donc être couplées à une analyse sur la parcelle régulière. Autre exemple, les pyranomètres ne mesurent pas l’hygrométrie du sol mais la radiation solaire. En combinant celui-ci avec un anémomètre et un pluviomètre, on est capable de déduire l’hygrométrie du sol.

Carte de rendement d'une parcelle agricole. Aspexit


L’élaboration de cartes telles que les cartes de rendement permet de visualiser la variabilité au sein d’une parcelle. C’est en grandes cultures que l’étude de la variabilité intraparcellaire par l’élaboration de cartes de rendement est la plus développée. [2]Les moissonneuses-batteuses équipées de capteurs de débit permettent de mesurer la quantité de grains qui arrivent dans la trémie.

Caractérisation des données

Les données brutes récoltées sont mises en regard avec un diagnostic agronomique pour leur donner du sens. Il est possible d'appliquer de l’intelligence artificielle ou simplement des abaques pour inférer les données agronomiques à partir des données mesurées. Par exemple, l'hygrométrie du sol peut être estimée en s'appuyant sur la modélisation de l'évapotranspiration et la mesure de différents paramètres comme l'ensoleillement et la pluviométrie.

Préconisations et prises de décision

L'analyse des données permet ensuite de choisir des itinéraires techniques qui prennent en compte la variabilité mesurée. Les prises de décision sont facilitées par l'élaboration de modèles de prévision et d'Outils d’Aide à la Décision (OAD) comme les cartes de préconisations. Par exemple, des préconisations d'irrigation des cultures peuvent être établies à partir de modélisations des besoins en irrigation, liés à l'hygrométrie du sol sur une parcelle.

Les bases de données et l’intelligence artificielle constituent des enjeux clés pour la gestion et l'intégration des grandes quantités d’informations générées par l'acquisition et la caractérisation des données dans les prises de décision.

L’agriculture de précision n’a pas vocation à repenser tout le fonctionnement du système de production existant. Elle fournit des outils de mesure et de diagnostic qui permettent d’optimiser le système de production déjà en place. Les modèles informatiques et autres technologies du numérique utilisés ne cherchent pas à se substituer à l’humain dans la prise de décision mais visent à fournir des données objectives pour faciliter les prises de décision.

Application des décisions

Cette dernière étape de l'agriculture de précision consiste à mettre en œuvre les décisions de conduite des cultures (ou de l'élevage) qui prennent en compte la variabilité mesurée et modélisée, c'est-à-dire à réaliser de la modulation intraparcellaire. Le principe de la modulation intraparcellaire se résume par « appliquer la bonne dose, au bon endroit, au bon moment ».

Pour quelles pratiques ?

Traitement par drone.

Les équipements connectés peuvent être utilisés pour moduler différents paramètres et opérations culturales :

  • Les doses d’intrants.
  • La densité de semis.
  • Le travail du sol.
  • L’irrigation.

C’est en grandes cultures et dans une moindre mesure en viticulture que l’agriculture de précision s’est le plus développée. Son application la plus fréquente reste la gestion de la fertilisation.[2]

Equipements d'intervention

La modulation des doses peut être réalisée par application manuelle (guidée par les Outils d'Aide à la Décision), par robotisation ou par des engins et machines agricoles.


De façon générale, les équipements de modulation associés à un engin agricole combinent :

  • Une antenne GNSS c’est-à-dire un système de postionnement GPS : il existe différents systèmes de positionnement (RTX, RTK, PPP, PPK…) qui se distinguent par le type de signal utilisé, la transmission de la correction du positionnement en temps réel ou non, le nombre de récepteurs utilisés,... Les coupures de tronçons réalisées par assistance GPS permettent de limiter les recouvrements lors des passages.[4]
  • Equipement avec régulation des débits : les opérations peuvent être préprogrammées ou ajustées en temps réel.
  • Console de guidage : les consoles de guidage peuvent fonctionner par guidage assisté (qui indique le tracé à suivre sans contrôler les déplacements des engins agricoles) ou autoguidage (contrôle des mouvements des engins agricoles). L’autoguidage peut être électrique (moteur électrique qui agit sur le volant ou la colonne de direction) ou hydraulique (agit sur le système hydraulique de direction).


Bras robotisé à usage agricole. Aspexit

La robotisation permet d'automatiser des tâches faites par l'homme pour rapprocher ou systématiser des passages, par exemple. Elle permet également de remédier à la pénibilité du travail et à la pénurie de main d'œuvre. Il existe, par exemple, des robots de récolte des baies associés à l’intelligence artificielle pour la reconnaissance des fruits à maturité. Autre exemple, les robots d’alimentation en élevage capables d'individualiser les rations en élevage.

Cependant, les robots sont encore peu adaptés à des environnements non standardisés, à la topographie accidentée ou aux conditions climatiques difficiles. Si de nombreuses initiatives voient le jour, elles sont encore rarement présentes sur les exploitations agricoles.[5]


Stratégies de modulation

Deux stratégies de modulation des doses d’intrants peuvent être distinguées :

  • Stratégie de compensation qui tend à augmenter le rendement des zones à faible potentiel de production en augmentant les doses d’intrant dans ces zones.
  • Stratégie d’optimisation qui vise à réduire la quantité d’intrants utilisés. Elle consiste à réduire les doses d’intrants dans les zones où le potentiel de production est plus faible et limité par d’autres facteurs que la quantité d’intrants comme la nature du sol, par exemple. Dans ces zones, une augmentation des doses d’intrants constitue un gaspillage car elle ne permet pas d’augmenter le potentiel de production.[6]

Intégration

Dans certains cas, toutes ces étapes de l'agriculture de précision sont réalisées de façon distincte, avec des outils séparés qui nécessitent des manipulations de la part de l’opérateur (par exemple, l'extraction des données satellites, la correction des données, l'import des données dans le tracteur). Dans d’autres cas, les 4 étapes de l'agriculture de précision sont faites simultanément et de manière complètement intégrée : par exemple, avec un capteur d’azote associé à un système de positionnement GPS fixé sur le tracteur qui permet de faire la modulation directement en temps réel.

La qualité et la pertinence d’un système de précision va dépendre de la précision de la plus faible des 4 étapes : si la qualité du capteur d'acquisition des données est mauvaise, la qualité de l'analyse des données et la pertinence des préconisations seront impactées.


L’intégration et la standardisation des 4 étapes est un argument fort en faveur d’un système fonctionnel :

  • Facilité d’interconnexion (protocoles, connecteurs, etc…) : La norme ISOBUS ou norme ISO 11783 a été définie par l’AEF (Agricultural Industry Electronics Foundation) pour standardiser et simplifier les échanges de données entre différents outils des équipements mobiles (capteurs embarqués sur un tracteur par exemple), même si ces outils proviennent de constructeurs différents. Cependant, la mise en place d’un système ISOBUS complet peut être assez coûteuse.[7]
  • Meilleure prise en compte des capacités de chaque capteur et de chaque élément d’application.
  • Moins d’interactions et de manipulations à chaque étape.

Dépendance aux fournisseurs d'équipements

L’acquisition d’équipements souvent complexes et coûteux pour faire de l’agriculture de précision s’accompagne d’un risque de dépendance aux constructeurs de ces équipements. Plusieurs mécanismes peuvent contraindre des exploitants agricoles à rester chez un même fournisseur :

  • Des contraintes techniques : l’interopérabilité des équipements ou des bases de données provenant de constructeurs différents n’est délibérément pas assurée ce qui rend impossible l’utilisation couplée d’équipements provenant de constructeurs différents ou le partage de données.
  • Des contraintes juridiques : La privatisation de données produites collectivement par un petit nombre d’acteurs, notamment des constructeurs de machines agricoles, permet de limiter voire d’interdire leur partage. Ces contraintes créent une dépendance pour le traitement des données collectées. De plus, ces données privatisées peuvent servir à développer et commercialiser de nouveaux équipements numériques adaptés à un certain mode de production et qui peuvent donc enfermer les exploitants agricoles dans une logique de production.[8]



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Sources


  1. Agrifind. [10/2022]. https://www.agrifind.fr/agriculture-de-precision-riche/
  2. 2,0 2,1 et 2,2 Chaire AgroTIC.2018. Quelles sont les usages de la télédétection en agriculture ?. https://www.youtube.com/watch?v=6va_lJTITYM
  3. Leroux C. 2022. Le raisonnement de la fertilisation azotée par les outils numériques : une amourette assez fragile. https://www.aspexit.com/le-raisonnement-de-la-fertilisation-azotee-par-les-outils-numeriques-une-amourette-assez-fragile/
  4. Leroux. C. 2020. Géopositionnement en agriculture. https://www.aspexit.com/geopositionnement-en-agriculture/
  5. Leroux C.2022. La robotique est dans le pré : où sommes-nous et où allons-nous ? https://www.aspexit.com/la-robotique-est-dans-le-pre-ou-sommes-nous-et-ou-allons-nous/
  6. Spotifarm. 2021. Livre Blanc L’agriculture de précision. https://blog.spotifarm.fr/hubfs/PROMIZE/Spotifarm/livre-blanc-spotifarm-agriculture-de-precision-2021.pdf
  7. Leroux C. 2021. Standards et échanges de données dans le numérique agricole. https://www.aspexit.com/standards-et-echanges-de-donnees-dans-le-numerique-agricole/
  8. Bertrand Valiorgue. 2020. Refonder l'agriculture à l'heure de l'Anthropocène.
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